Frida Kahlo 1907-1954 Portrait d’une identité – Avis +

Présentation officielle

Durant son enfance, l’artiste mexicaine Frida Kahlo (1907-1954) est témoin d’un des événements majeurs de l’histoire du Mexique contemporain : la Révolution de 1910-1920. À l’issue de ces dix années de guerre civile, s’impose la nécessité d’unifier tous les Mexicains, au-delà des clivages ethniques et sociaux, autour de valeurs patriotiques communes.

La question se pose alors de redéfinir une identité nationale sur les bases d’un Mexique métis, conscient de ses origines et ouvert sur le monde. Pour donner corps à cette nouvelle représentation de la nation, les gouvernements post-révolutionnaires font appel aux intellectuels et artistes de l’époque.

C’est dans ce contexte spécifique que débute, en 1926, la carrière artistique de Frida Kahlo. Cependant, du fait qu’elle ne participe pas aux programmes culturels institutionnels, la plupart des ouvrages qui lui sont consacrés la tiennent en marge des changements impulsés par la Révolution. Révélant les aspects les plus intimes d’une production essentiellement composée d’autoportraits, ces travaux livrent l’image d’une artiste repliée sur elle-même et d’une œuvre isolée de son contexte.

Cet essai a pour objet de démontrer que, si sa démarche artistique est soumise à des motivations personnelles et témoigne des évènements marquants de sa vie, elle contribue de manière originale à la construction et la diffusion d’un imaginaire national post-révolutionnaire.

Afin de mettre en lumière les interactions entre identité individuelle et identité collective, cette étude, qui s’ouvre sur une biographie de l’artiste et une analyse des caractéristiques générales de son œuvre, s’appuie sur un corpus iconographique de quinze autoportraits qui embrassent l’ensemble de sa production.

Avis de Claire

Rachel Viné-Krupa reprend dans cet essai les idées développées dans sa thèse de doctorat La Peinture et le journal de Frida Kahlo, lieux du questionnement identitaire (2009), et qui s’articulent ici sous forme de deux grands axes d’étude : le parallèle entre parcours biographique et univers esthétique, ainsi qu’un attachement à l’autoportrait, comme lieu de questionnement identitaire.

L’oeuvre de Frida Kahlo est fascinante à plus d’un titre et mérite d’être redécouverte. Alors que la France s’apprête à accueillir une grande rétrospective Frida Kahlo/Diego Riviera au Musée de l’Orangerie[[à partir du 9 octobre 2013]], le pertinent essai de Rachel Viné-Krupa permet d’appréhender une première approche de son univers si singulier.

Cette artiste, dont l’identité intrinsèque se confond avec celle, historique, de son pays, le Mexique, qu’elle traverse sur toute la première moitié du 20e siècle, de juillet 1907 à juillet 1954, a décidé avant tout de peindre pour répondre à la question existentielle « qui suis-je ?« . C’est du moins la thèse proposée par l’auteur, qui qualifie une partie de son oeuvre « d’autobiographie picturale« .

Si une grande partie de l’oeuvre de Frida Kahlo est essentiellement centrée sur elle-même et sur les turpitudes de sa destinée, elle n’en est pas moins profondément mexicaine, et s’inscrit en cela dans une tradition plus universelle, ou en tout cas, totalement en phase avec sa culture. Comme le souligne Rachel Viné-Krupa, Tolstoï avait après tout écrit « si tu veux parler de l’universel, parle d’abord de ton village« .

On oublie trop souvent, malgré son patronyme révélateur, qu’une partie de ses origines vient directement du Vieux continent, son père est allemand, de confession luthérienne et d’ascendance hongroise. Sa mère est catholique, née à Mexico. Cette double origine (son métissage, donc) est sa première singularité, on le verra dans plusieurs portraits, notamment Les deux Fridas.

Son grave accident de car, en 1925, à l’âge de 18 ans, va sceller son destin. Source de souffrance incommensurable, il marque aussi le début d’une inspiration décuplée, la peinture apparaissant alors à Frida comme une planche de salut, comme le sera sa rencontre avec son mentor et mari, le peintre Diego Riviera.

A travers cet essai passionnant se dessine l’image d’une femme complexe, profondément mexicaine, mais répondant paradoxalement à de multiples identités et avatars, comme en témoignent les différents autoportraits la mettant en scène, qui la sacralisent ou qui la dépouillent au contraire de sa beauté. On pense tout particulièrement à Autoportrait aux cheveux coupés, où elle se grime en Riviera.

Certains ont qualifié sa peinture d' »exhibitionniste », opinion motivée par la prégnance de son auto-représentation, parfois consumée par sa haute portée symbolique et culturelle. Frida Kahlo est tout cela, à la fois unique et multiple, mexicaine et indigène, belle et laide, sobre et flamboyante, libre d’esprit et prisonnière de la douleur, femme et tout simplement artiste.

Fiche technique

Format : broché
Sortie : 15 février 2013
Pages : 174
Editeur : Hermann
Collection : Savoir arts
Prix : 19,90 €