Ecrire Mazan – Avis +

Éditeur : ‎Marchialy

de Elise Costa

Présentation de l’éditeur

Le 2 novembre 2020, Gisèle Pelicot voit les ténèbres s’abattre sur elle. Son mari est accusé de l’avoir droguée pour la faire violer par des dizaines d’inconnus dans leur maison de Mazan. Quatre ans plus tard s’ouvre le procès dit « des viols de Mazan ». Pendant quatre mois, 51 hommes y sont jugés pour viols aggravés.

Écrire Mazan raconte ce procès historique et son hors-champ. Plus de 165 médias ont demandé leur accréditation auprès du tribunal judiciaire d’Avignon. Tous les détails de cette affaire ont parcouru les chaînes d’information et les journaux. Comment raconter ces faits ? Comment écrire la complexité des débats et des rapports humains ?

Après Les nuits que l’on choisit, la chroniqueuse judiciaire Élise Costa ouvre son carnet d’observation et montre la mécanique du récit en regard de ses articles, aussi publiés sur Slate.fr.

Avis de Valérie

Septembre 2020. Dominique Pelicot, paisible retraité, est surpris en train de filmer sous les jupes de clientes d’un supermarché. Il évoque un moment d’égarement : sa femme est absente, elle lui manque, et il s’ennuie. Mais les enquêteurs notent que l’homme semble trop bien préparé pour que ce soit sa première fois. Plus tard, le sous-brigadier Perret découvre, dans son téléphone, des vidéos bien plus compromettantes : on est loin d’un simple cas de voyeurisme.

Quelques mois plus tard, Gisèle et Dominique sont convoqués au commissariat. La sexagénaire apprend alors qu’elle a été, pendant au moins dix ans, droguée afin d’être violée par son mari… et par des inconnus.

Ce bref rappel suffit à évoquer les faits qui seront jugés lors d’un procès très attendu en 2024. De nombreux journalistes, dont Élise Costa, ont transformé ce sordide fait divers en révélateur sociétal. Aux côtés du coupable — il a avoué et a été condamné, il n’y a donc plus de présomption d’innocence — une cinquantaine d’hommes ont été identifiés et poursuivis.

Écrire Mazan est une magistrale leçon de journalisme, livrée en parallèle de six articles retraçant toute l’affaire. Comme l’indique l’avant-propos, on peut choisir plusieurs façons de lire l’ouvrage : suivre uniquement les pages de droite, qui déroulent l’enquête journalistique ; lire uniquement les pages de gauche, où l’autrice partage ses carnets de bord, ses croquis, ses réflexions personnelles et ses rappels déontologiques ; ou encore lire l’ensemble, page après page, chaque partie venant apporter respiration, contrepoint ou profondeur à l’autre.

Au-delà de la finesse d’analyse, on apprécie la pudeur qui se dégage du récit, malgré l’horreur des faits. Cette retenue est salutaire : elle empêche que l’abjection de certains ne vienne jeter le discrédit sur un genre tout entier. Élise Costa, sans faux-semblants, garde toujours une posture journalistique, exposant les failles sans juger, même celles de figures érigées en icônes.

L’ouvrage lui-même est une réussite formelle : la mise en page astucieuse permet de distinguer clairement les deux approches. Le texte est aéré par des dessins, des soulignements, des éléments manuscrits qui créent une proximité sensible avec l’autrice. Cela valorise un travail déjà publié sur Slate.fr, en lui donnant une profondeur nouvelle.

Écrire Mazan n’est pas seulement un récit d’enquête, c’est une plongée dans les silences, les zones grises, les blessures invisibles. En rendant visible l’indicible, Élise Costa interroge notre société, notre justice, nos regards. Et si ce livre bouleverse, ce n’est pas par excès de pathos, mais par l’intelligence et l’humanité qu’il déploie à chaque page. Une lecture nécessaire, exigeante, mais profondément humaine.


Fiche technique

Format : broché
Pages : ‎300
Éditeur : ‎Marchialy
Sortie‏ : ‎4 juin 2025
Prix : 22 €