Présentation
Etonnés, les passants de Wells se retournent sur une vieille femme respectable qui court à perdre haleine. Deborah n’en a cure. Lord Kendal, cet assassin, est probablement déjà à ses trousses… A bout de souffle, elle s’arrête un instant sous un porche. Son déguisement est à présent inutile puisque Kendal connaît sa véritable identité. D’un geste vif, Deborah fourre ses lunettes dans sa poche et attache la coiffe qui dissimule sa magnifique chevelure auburn. Puis, elle reprend sa course éperdue.
Elle n’entend plus rien, ne voit plus rien. Pas même le cabriolet qui fonce sur elle. Mais, au dernier moment, un bras puissant lui encercle la taille et la soulève. Deborah comprend qu’elle vient d’échapper à la mort. Tout se brouille devant ses yeux.
– et bien elle s’est évanouie, constate Kendal d’une voix ironique.
Avis de Marnie
La réédition de cette romance historique est bienvenue. Elle nous permet de redécouvrir un très bon auteur, et ainsi remettre en lumière une excellente histoire parue une première fois dans cette collection en 1998.
Il existe une réelle différence entre les romances historiques écrites par des Britanniques et les Américaines (à de rares exceptions près) : notamment la profondeur et la complexité des intrigues que les premières n’hésitent pas à rendre vraiment dramatiques, les touches d’humour se situant seulement dans les dialogues… alors que les secondes écrivent des romances humoristiques avec le plus souvent une intrigue linéaire à rebondissements, la réflexion étant mise au service de l’action.
Elizabeth Thornton est une Britannique, émigrée Canadienne… et fait résolument partie de la première option. Nous sommes, en effet, particulièrement enthousiasmés par la qualité et la complexité de ces deux intrigues mêlées, l’une d’espionnage et l’autre nous racontant la fuite d’une jeune femme suspectée de meurtre. Le contexte est très réfléchi, soigné et intelligent. Nous sentons que l’auteur a souhaité créer des rebondissements ou péripéties qui influencent tour à tour l’une ou l’autre des deux énigmes. A cela s’ajoute le contexte londonien, le passage concernant la propagation des rumeurs, les relations entre les espions de la couronne, l’évocation des divers suspects, dont le mari de l’ex-maîtresse du héros se révèlent subtiles et passionnants.
Les deux protagonistes principaux sont attachants, ainsi Deborah, cette jeune femme qui fuit depuis près de neuf ans sa famille et les menaces qui l’ont amenées à commettre l’irréparable, tout en se montrant dans le feu de l’action, téméraire et pleine de sang froid. S’oppose à elle, celui qu’elle pense être dès la première page, un criminel, l’espion de la couronne, Lord Kendal, qu’elle suspecte en plus d’être un traître à son pays. Arrogant, impatient, coléreux, mais très séduisant, notre héros va tout faire pour lui faire avouer le nom de son complice, puisque lui aussi, de son côté, la soupçonne du même crime ! Le premier tiers du roman, basé sur ce malentendu, provoquera des dommages irréparables quant à l’opinion de Deborah sur le comte de Kendal, même si ce dernier va s’acharner à tenter de réparer ce désastreux épisode.
Il faut tout le talent de Elizabeth Thornton pour nous faire croire à cette héroïne résolument moderne. Si nous comprenons les raisons pour lesquelles, elle ne souhaite pas se marier compte-tenu de son enfance traumatisée, par contre la façon totalement moderne d’envisager une liaison constitue un anachronisme en soi. Elle se moque visiblement de l’opinion de ses pairs, ou d’avoir un enfant hors mariage, ce qui est en totale contradiction avec la pensée féminine de l’époque. Visiblement, à la lecture de ses autres romans, l’auteur adore mettre en scène ces héroïnes féministes avant l’heure ! Par contre, notre héros, lui, par petites réflexions phallocrates d’un naturel confondant se montre en tout point conforme à l’éducation de son époque.
Une autre des qualités de cet auteur, se situe au niveau du rythme. Le roman commence à la première ligne… avec une entrée en matière tonitruante de façon à ce que notre attention soit retenue dès la fin du prologue. Le procédé est totalement réussi, l’enchaînement des incidents et coups de théâtre se déroulant de manière alerte, et sans répit, Elizabeth Thornton conservant ce ton dynamique, plein de vitalité, même pour les scènes sensuelles !
Il est à noter qu’il s’agit du second tome d’une trilogie dont le premier n’a pas été traduit à ce jour. J’ajouterai que cette histoire est particulièrement bien traduite comme toutes celles effectuées par Catherine Plasait dont je regrette la disparition brutale et prématurée… Voir son nom en première page était pour moi synonyme de qualité !
Fiche Technique
Format : poche
Pages : 347
Editeur : J’ai lu
Collection : Aventures et Passion
Sortie : 20 août 2008
Prix : 6,50 €