Mari et femme – Avis +

Présentation de l’éditeur

Un couple en pleine rupture se réveille un matin, chacun dans le corps de l’autre. La surprise passée, une exploration intime sans précédent commence pour lui en elle et elle en lui. Cet événement fantastique plonge le lecteur autant que le couple, dans une nouvelle vie qu’ils sont forcés d’apprivoiser. Le vertige de soi et de l’autre, vertige des pronoms et des mots, se poursuit ainsi au gré de leur vie quotidienne, qu’il transfigure. Sans doute fallait-il cela pour recommencer à prêter attention à l’autre et à soi, pouvoir s’aimer à nouveau.

Avis de Livr’Ouvert

Drôle, complètement décalé!

Un homme et sa femme se réveillent un matin mais se découvrent chacun dans la peau de l’autre ! Pas de chance car ils allaient se séparer.

Lui, écrivain sans succès, amorphe et sans projet. Elle, éditrice, conquérante, sportive et sure d’elle.

Non seulement la situation va les plonger dans de nombreuses mésaventures mais va aussi leur permettre de vraiment se rencontrer!

Un roman plein d’originalités où le style (deuxième personne du singulier) plonge le lecteur au plus profond de l’esprit des personnages.

Avis de Nicolas, l’homme

Être quelqu’un d’autre…

Un rêve ou juste une idée fugace, mais qui a probablement traversé l’esprit de chacun : « Comment cela serait d’être lui, d’être elle ? ».

Comment ce serait d’être John Malkovitch, par exemple ?

Je ne fais pas exception, en réfléchissant à certains aspects particuliers de la vie, je me suis parfois demandé comment je me sentirai dans la peau de telle ou telle personne. Mais en y réfléchissant bien, le macho que je suis ne s’est jamais demandé ce que ce serait d’être une femme.

Régis de Sà Moreira propose d’aller plus loin : que ce passerait-il si en me réveillant ce matin, j’habitais le corps de ma femme [[pas d’allusion grivoise ici]] et qu’elle se retrouvait en échange projetée dans mon enveloppe charnelle ?

Le narrateur est un écrivain en panne d’inspiration depuis des mois, se lamentant sur son sort. Sa femme est agent littéraire, et sa carrière est sur le point de passer à la vitesse supérieure. Leur relation s’est lentement détérioré et leur séparation est quasiment actée, ils ne communiquent presque plus et font chambre à part. Cet échange de corps va les forcer à se redéfinir en tant que personne et en tant que couple. Quelle meilleure occasion pour finalement comprendre l’autre, que de soudainement devenir l’autre ?

L’idée de base est intéressante et ouvre des possibilités de narration infinies, Régis de Sà Moreira choisit de laisser ses héros dans une existence simple, chacun essayant simplement de continuer à vivre et d’apprendre ce qu’est l’autre. Le récit est organisé uniquement autour de la perception du mari (dans le corps de sa femme), et l’on se délecte en l’accompagnant dans la découverte de sa nouvelle féminité. Se sentir aussi léger, souple, tonique alors que l’on laissait son propre corps à l’abandon. Prendre plaisir à séduire les inconnus dans le métro, mais se sentir finalement outragée par ces regards. Se laisser submerger par le plaisir offert par ce nouveau sexe (vous m’avez compris).

D’un autre côté, quelques aspects du récit m’ont frustré. Certains détails ne collent pas avec l’idée naïve que je me fais des difficultés d’une vie de femme. Par exemple: les premières règles, qui passent comme une lettre à la poste à l’exception de problèmes d’ordre logistique. On m’aurait donc menti ? Moi qui croyais que les règles étaient souvent précédées de douleurs terribles au ventre… J’assume mon ignorance, mais à plusieurs reprises je me suis dit « Ça c’est vraiment une idée de mec ». J’aurai tellement aimé qu’une écrivaine se prête à l’exercice opposé pour raconter ce que ressent la femme dans ce corps masculin.

La narration est particulière, parfois déroutante. Très rythmée, voire saccadée, avec des phrases courtes: « Tu descends ta main sous le drap. Tu cherches quelque chose entre tes jambes. Tu ne trouves rien. Tu te redresses d’un coup.Tu te tournes vers l’armoire à glace. Tu cries. Ta femme crie à ta place. » Les chapitres peuvent être eux-mêmes très courts et cela image bien la confusion du narrateur.

Au final, l’idée est originale, le style est plaisant et je ressors avec un sentiment global très positif.

Avis d’Enora, la femme

Né en 1973, d’un père brésilien et d’une mère française, huitième d’une famille de dix enfants, Régis de Sà Moreira a beaucoup voyagé, avant de s’installer à New York où il vit actuellement. Il est l’auteur de trois romans, salués par la critique: ‘Pas de temps à perdre (Prix le livre élu 2000), ‘Zéro tués‘, et ‘Le Libraire‘. Mari et femme est son quatrième roman.

Régis de Sá Moreira est un auteur totalement original, qui joue à la fois sur les registres de la poésie, de l’imaginaire, de l’absurde, de la mélancolie et de l’humour joyeux. Loin de ses confrères qui ont souvent tendance à explorer leur nombril dans une aussi grande tristesse de ton que d’inspiration, ce jeune auteur séduit par une écriture habile, un regard amusé et tendre sur la vie et un imaginaire sans limites qui lui permet de surprendre agréablement à chaque nouveau roman.

Mari et femme est le récit d’un couple en pleine rupture qui se réveille un matin, chacun dans le corps de l’autre. Lui est un auteur incapable de réécrire depuis le succès de son premier roman. Elle, est agent littéraire, en pleine ascension. À travers son récit à lui, c’est toute l’exploration de l’autre qui commence. Il redécouvre sa femme, sa puissance de séduction à travers le regard que les autres hommes portent sur elle, s’étonne de ses petites faiblesses, met à jour sa souffrance face à leurs difficultés de couple. Il n’imaginait pas les désirs qu’elle pouvait éprouver, ni ce à quoi elle renonçait, elle aussi, dans leur mariage. Le métier de sa femme est un véritable crève-cœur au début, rencontrer des auteurs à succès le remplit d’une jalousie féroce. Mais peu à peu, loin de son syndrome de la page blanche, il retrouve la joie de lire sans envie, sans comparaison, juste pour le plaisir. Il éprouve même du bonheur à partager son expérience avec de jeunes auteurs, à les conseiller, à apaiser leurs souffrances, lui qui a connu les mêmes affres.

Écrit par un homme et raconté par un homme, il y a aussi dans ce roman, tout le coté drôle des fantasmes masculins sur le plaisir féminin. Il pointe avec humour et pertinence la différence des sexes et cette inaccessibilité au fonctionnement du corps de l’autre, parce que différent dans l’hétérosexualité. Vous allez dire que ce genre de réflexion est comme enfoncer une porte ouverte. Mais c’est justement l’ignorance du concept de porte, qui fait foncer dans un obstacle supposé qui n’existe pas, un obstacle imaginé parce qu’inconnu.

De grands moments d’humour aussi, quand il se rebiffe et pisse debout par exemple, ou quand il se trouve confronté aux menstruations.

Le voyage dans le corps de l’autre, lui apprend que personne n’est vraiment ce qu’il semble être, parce que le plus intime de chacun est caché, planqué à travers une enveloppe corporelle qui ne représente que la partie immergée de l’iceberg de la personnalité.

Se découvrir soi pour découvrir l’autre, recommencer à s’aimer pour s’intéresser à l’autre, s’accepter avec sa part de féminité et de masculinité pour pouvoir être totalement à l’écoute de l’autre, et s’enrichir de son altérité, admettre que l’on a besoin de l’autre parce qu’il fait partie de soi, comme le Ying et le Yang, pour être un tout et exister pleinement, tels sont les thèmes que Régis de Sá Moreira explore avec ce récit à la fois loufoque et poétique, sensuel et immensément tendre.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 196
Editeur : Au Diable Vauvert
Sortie : 25 août 2008
Prix : 15 €