La fille du pasteur Cullen – Avis +

Résumé de l’éditeur

L’Ecosse, aux premières lueurs des années 1800. Dana Cullen, la fille d’un pasteur rigoriste qui lui a donné une éducation traditionnelle, est fiancée à Timmy, un garçon de son âge. Mais la rencontre de la jeune femme avec l’étrange docteur Francis Seton va bouleverser le cours d’une vie jusque-là très conventionnelle. En dépit de tout ce qui les oppose, l’amour les prend sournoisement dans ses serres.

Petit à petit, des incidents tragiques exhument le trouble passé du chirurgien, de sombres secrets ressurgissent et plongent Dana dans un cauchemar qui semble sans issue…

Un grand roman qui entraîne le lecteur des cimetières occultes d’Edimbourg aux salons feutrés de la grande bourgeoisie du XIXe siècle, des batailles napoléoniennes aux balbutiements de la médecine moderne.

Avis de Callixta

Sonia Marmen est déjà bien connue des amateurs de littérature historique puisqu’elle a publié une saga écossaise à succès il y a quelques temps. Elle change radicalement de style en s’attaquant dans son dernier livre à l’Ecosse de la régence, au tout début du dix-neuvième siècle. C’est à la fois un choix classique et original. En situant son intrigue dans cette région du nord des îles britanniques, elle conserve son lieu de prédilection mais elle ne va pas nous parler de clan ni de lutte contre l’Angleterre mais de la vie rude et simple d’Ecossais à Edimbourg.

Elle nous plonge dans cette ville, nous en fait visiter le moindre recoin, découvrir le détour des ruelles humides et sombres, l’odeur océane et urbaine à la fois. C’est une immersion dans une époque et dans un monde, celui des artisans et des ouvriers écossais qui côtoient les riches bourgeois. Il faut se laisser emmener dans ce dépaysement totalement réussi que l’auteur sait provoquer avec force détails, descriptions et évocations. Sonia Marmen prend son temps sur les près de neuf cents pages pour nous entraîner là où elle le veut !

De la même façon, elle brode lentement, comme les dames de l’époque, l’histoire de la vie de Dana Cullen , la fille du pasteur. Nous découvrons la jeune Dana à onze ans, enfant timide et solitaire mais pas isolée. C’est une petite fille pas comme les autres, affectée comme elle l’est par sa paralysie infantile (la poliomyélite) et par ses curieux yeux vairons mais elle est sensible, profondément artiste et tellement proche de ses frères et sœurs et de sa mère aussi. Moins proche toutefois, d’un père redoutable et redouté, dont la probité morale confine à la rigidité. Nous suivons alors Dana pendant près de quinze années de sa vie, une vie simple, semée de joies et de malheurs qui vont faire d’elle une femme intelligente, forte et indépendante. Dana découvre aussi les hommes qui, à sa grande surprise, sont loin de s’arrêter à son handicap. C’est d’abord Timmy, son cousin germain, fort, sanguin, hâbleur, séduisant mais si lâche… et puis c’est Francis Seton, ce médecin qui lui fait si peur et l’impressionne tant au départ. Il y aussi Jonat, son frère qui n’est jamais avec elle ou presque dans le roman mais dont le souvenir flotte sur toute sa vie.

Il est difficile de résumer et de donner une impression de ce livre haut en couleurs, si riche qu’il vous rassasie complètement et vous laisse l’impression d’avoir dégusté un met particulièrement fin. Il déborde de qualités. Autour de l’histoire d’amour de Dana, c’est l’Ecosse mais aussi le dix-neuvième siècle qui commence dans les guerres napoléoniennes, les débuts de la science qui défilent devant nous mais aussi des drames personnels et de bien étranges secrets. Tout cela est évoqué avec précision, fouillé, disséqué et nuancé. Pas de conclusion simpliste, ni de solution rapide aux problèmes compliqués de la vie. Sonia Marmen n’hésite pas à confronter ses personnages à des choix moraux difficiles, à montrer combien la vie peut vous amener à nuancer vos convictions, à évoluer.

Et cette histoire d’amour est belle, contrariée comme le sont les plus magnifiques mais aussi plus forte que tout comme le sont les plus romantiques. Dana est éveillée à la sensualité par Timmy le charnel et découvre l’amour, le vrai auprès de Francis au charme plus complexe. Leurs échanges, leurs rencontres sont marquées par leur forte intelligence et leur personnalité. Ils sont parfaitement complémentaires et leurs conversations le prouvent amplement. Ainsi, Dana s’interroge sur sa profonde foi face aux malheurs qui frappent autour d’elle. Mais elle remet en cause aussi les certitudes sur la supériorité de la science de Francis.

Sonia Marmen réussit un roman magistral, follement romantique mais aussi presque philosophique, parfois. Elle réussit aussi à faire presque une chronique sociale de cette rude Ecosse urbaine, sombre et froide mais qu’elle sait rendre attirante. Le style est riche, imagé, parfois un peu précieux. Il s’allie parfaitement à cette image de l’Ecosse qui apparaît peu à peu. Une terre entre montagnes, campagne et mer qu’il faut apprendre à connaître. Dana fait partie des grandes héroïnes : elle souffre beaucoup, se trompe mais se relève toujours. Francis est également remarquable dans son aspect trouble et imparfait. L’histoire foisonne de personnages secondaires marquants comme la jeune Allison qui sert dans la maison des Seton, Christopher l’assistant de Francis, Harriet, une des sœurs de Dana et bien d’autres encore…Les intrigues se nouent et s’imbriquent aussi avec l’inquiétant fil rouge : les morts sont si nombreux autour des personnages principaux…

Sonia Marmen semble s’imposer comme une grande auteur francophone (elle est Canadienne). Ces romans historiques sont dignes de figurer à côté des plus grands. J’ai hâte de replonger dans sa prose et de découvrir avec elle d’autres horizons.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 508
Editeur : City Editions
Sortie : 1 octobre 2007
Prix : 18 €