Waste Land – Avis +/-

Présentation officielle

Waste Land suit, pendant trois années de tournage, l’artiste brésilien de renommée internationale, Vik Muniz.

Quittant Brooklyn, où il vit aujourd’hui, pour son Brésil natal, il se rend sur les lieux de la plus vaste décharge du monde, Jardim Gramacho, en banlieue de Rio de Janeiro.

Son projet initial est de photographier les Catadores, qui ramassent les matériaux recyclables, afin de faire des œuvres d’arts composées à partir de déchets.

Au fur et à mesure de sa lente et patiente collaboration avec ces personnages hors du commun, Vik Muniz va saisir tout le désespoir et la dignité des Catadores, qui prennent part à l’oeuvre de l’artiste et parviennent à réinventer leur vie…

Lucy Walker est le témoin privilégié de cette aventure et nous offre la preuve éclatante du pouvoir de l’art.

Avis de Claire

Waste land, littéralement « le pays des déchets », aborde avant tout la question de la dignité d’un homme face à son travail, au Brésil, dans l’un des milieux les plus pauvres du monde, celui des fouilleurs de décharges publiques. Ce qui frappe le plus dans ce documentaire, ce sont d’abord les Catodores [[Les « recycleurs », comme ils se surnomment eux-mêmes]], des êtres fiers, conscients d’accomplir une tâche ingrate mais nécessaire.

Nécessaire dans un premier temps à leur propre survie, comme l’explique si bien Magna (que l’on peut voir sur l’affiche du film), il s’agit d’un métier honnête, qui sauve bien des femmes de la prostitution et bien des hommes du trafic de drogue. Mais nécessaire également à la survie de la planète, grâce à eux, près de la moitié des déchets déversés dans la banlieue de Rio, qui abrite la plus vaste décharge du monde, peut être recyclée. L’argent collecté par la revente de papier, de plastique ou de polypropylène leur permet de vivre décemment.

Toutes les personnes présentées dans ce documentaire sont terriblement attachantes. De Valter, le patriarche, à qui le film est dédié, en passant par la jolie Suelem, dix-huit ans et déjà deux fois maman jusqu’à Irma, la cuisinière de la décharge qui fait chaque jour un petit miracle avec de la nourriture récupérée. Tous forment une véritable famille, soudée et digne.

Là où le bât blesse, c’est dans le traitement même de ce documentaire, filmé un peu à la manière d’une télé-réalité. On voit Vik Muniz [[L’artiste brésilien le plus connu et le plus vendu actuellement sur le marché de l’art contemporain]] monter son projet, de chez lui, à Brooklyn, entouré de sa femme et de sa fille, prendre des renseignements sous l’œil inquisiteur de la caméra, comme si cette idée n’avait pas déjà mûri en amont et fait l’objet de rigoureuses recherches de la part des producteurs. Toute la première partie du documentaire est ainsi filmée de la même façon, nous laissant une fausse impression de choses en train de se faire naturellement.

Cela devient vraiment intéressant quand, après avoir bien fait connaissance avec plusieurs Catadores, qui ont eu la chance d’être retenus pour le projet, le pouvoir de l’art et de la création se mettent en marche. Vik Muniz a choisi quelques modèles dont il a fait des portraits, les photographies sont agrandies et projetées sur le sol, chaque relief est ensuite comblé par des déchets triés par les Catadores qui participent à fond dans l’élaboration de l’oeuvre. L’effet est saisissant.

Chaque création est ensuite photographiée, le tirage original est vendu aux enchères à Londres, les fonds sont reversés directement aux Catadores, via une fondation. Vik Muniz se lie d’amitié en particulier avec le jeune et cultivé Tiao (il a lu Machiavel et Nietzsche grâce à des livres trouvés à la décharge), qui s’est toujours battu pour le bien-être de ses compagnons d’infortune. A Londres, où il assiste à la vente aux enchères, le choc est trop grand, le jeune brésilien craque. Il prend enfin conscience que sa vie ne sera plus jamais la même.

Et c’est bien le problème avec tous les Catadores qui se sont investis dans ce documentaire, comme le remarque Fabio, l’assistant de Vik Muniz, ils semblaient heureux de travailler à la décharge, mais ce n’était qu’un mécanisme de déni, tous rêvent d’en sortir d’une façon ou d’une autre. On a beaucoup de peine pour ceux qui y retournent, on pense immanquablement au fameux cliché du quart-d’heure de gloire évoqué par Andy Warhol. Le succès de l’exposition des photographies de Vik Muniz au MOMA de Rio les a propulsés un moment sur le devant de la scène. Mais quel avenir ensuite pour ces êtres que l’on a fait rêver si fort et qui ont goûté à la célébrité?

Un sujet bouleversant donc, porteur d’espoir et pétri de bonnes intentions (l’ambition de départ de Vik Muniz était ni plus ni moins de changer radicalement la vie de quelques personnes), mais que l’on aurait préféré voir filmé de manière plus subtile par Lucy Walker. De plus, si cette aventure en a aidé certains, pour d’autres la transition a été plus délicate [[d’autant plus que la fermeture définitive de la décharge est annoncée pour 2012, ce qui laissera pas moins de 2500 à 3000 personnes sans emploi]]. Le documentaire nous laisse, malgré quelques précisions sur certains protagonistes, un peu trop sur notre faim, on aurait aimé en savoir d’avantage sur leur ressenti quelques mois après cette expérience si intense.

Fiche technique

Sortie : 23 mars 2011

Avec Vik Muniz

Genre : documentaire

Durée : 98 minutes

Musique originale : Moby