Interview de Olivier Descosse

Onirik : la pulsion qui pousse à « faire le mal » semble vous passionner. Il y a toujours un moment où vous vous posez la question : quel est l’élément déclencheur qui va provoquer le basculement où il n’y aura plus de retour en arrière. C’est une recherche fascinante ?

Olivier Descosse : Il n’y a pas de règle. Chaque personnage porte en lui la réponse, au regard de l’histoire et aussi de son histoire. Dans la Spirale des abysses, c’est toute une progression. « L’élément déclencheur » intervient au moment où la frustration du personnage est telle, qu’il joue une sorte de quitte ou double. Il est trop impliqué pour faire machine arrière. Donc soit il arrête tout et se nie, soit il saute le pas. Cet instant arrive naturellement. Le personnage n’a plus le choix.

Onirik : Si vos deux derniers livres, Les enfants du néant et La spirale des abysses sont très différents l’un de l’autre, nous retrouvons le même thème : l’absence du père (qu’il en soit plus ou moins responsable) ainsi que les conséquences tragiques. Pourquoi cette recherche ?

Olivier Descosse : Je suis fasciné par les relations intra-familiales. C’est une micro société dans laquelle on apprend les règles de la vie. En bien comme en mal. Tous les destins hors normes sont construits sur des failles. L’absence du père en est une, au même titre que la perte de la mère. Il y a quelque chose à réparer lorsqu’on subit ces manques. Forcément. On peut devenir un saint, tourné vers les autres, un dictateur ou un tueur de génie.

Onirik : Dans La spirale des abysses, j’ai été impressionnée par la justesse de la description du héros. Vous créez une personnalité passionnante, profonde et complexe, celle de l’ex-mercenaire à la limite de la rupture, de ses goûts musicaux jusqu’à sa violence non maîtrisée en passant par son manque de culture, totalement à l’opposé du profiler cérébral des Enfants du néant. Il fait penser à certains rôles tenus par Lino Ventura dans le cinéma français, ou encore à Anthony Quinn dans Les canons de Navarone, sans tomber dans le rétro, ou encore sans aucune nostalgie. Qu’aviez-vous en tête lorsque ce personnage est né ? D’où vous est venue l’idée de départ ?

Olivier Descosse : Je voulais un homme instinctif, animal, dont les réactions et la conduite ne sont en aucun cas dirigées par l’intellect. Seule sa pulsion de paternité devait le guider. Une pulsion universelle, irrépressible dont j’avais envie de sonder la profondeur. A priori, tout s’oppose à ce que Padakis parte à la recherche de son fils. Il ne le connait pas et plus il le découvre en remontant sa piste, plus il comprend à quel point ils sont différents. Pourtant il y va. C’est la force de l’instinct. La magie de l’humanité. Et peut-être de l’amour.

Onirik : La spirale des abysses est une enquête à tiroirs… qui peu à peu nous amènent au fond du gouffre. Aviez-vous cette construction très particulière en tête, le titre dès le départ ?

Olivier Descosse : Oui. Je sais toujours où je veux aller. Ce que je ne sais pas, c’est comment. J’ouvre des tiroirs au fur et à mesure, en pensant toujours à ma chute. Puis je les referme. Ils ouvrent eux mêmes d’autres tiroirs dont j’ignorais l’existence avant de commencer à écrire. Il y a une sorte de logique inhérente au roman. On peut partir dans n’importe quel sens, il nous ramène toujours à l’essentiel. Comme si l’histoire était déjà écrite, quelque part. Je la découvre au fur et à mesure et elle me guide.

Onirik : Avez-vous envie d’écrire sur un personnage récurrent ?

Olivier Descosse : Je l’ai déjà fait. La trilogie Cabrera, publiée chez Stock. Le couloir de la pieuvre, Miroir de sang, Le pacte rouge. C’était une expérience intéressante de voir évoluer le héros à chaque livre. Puis j’ai eu envie d’explorer d’autres univers. Un des personnages de La liste interdite vient encore me faire des appels du pied. Christian Mayol, un flic boudhiste anticonformiste qui opère dans le 13e arrondissement de Paris. J’ai vraiment envie de le retrouver. Seul problème : il est mort à la fin du roman. Mais je peux imaginer une histoire qui se passerait avant cette fin tragique. Un jour ou l’autre, je le ferai. J’adore ce type !

Onirik : Pouvez-vous nous révéler une ou deux pistes sur votre prochain roman ?

Olivier Descosse : J’ai écrit un roman de littérature générale qui sortira en janvier ou février 2011 chez Flammarion. Une histoire de passion amoureuse, de déchirure et de reconstruction. Vue du point de vue d’un homme, sans concession ni faux-semblants machistes. J’espère que les lecteurs de thriller ne m’en voudront pas de cet écart. J’avais envie de le faire, c’était un passage obligé dans mon parcours.

Sinon, je travaille en ce moment sur un roman à suspense mais qui n’est pas un thriller. Il s’agirait plutôt d’un roman initiatique, même si je trouve ce terme réducteur. C’est avant tout une histoire, avec ses personnages, ses rebondissements et sa chute. Je l’ai construite en utilisant les codes du thriller, sauf qu’il n’y a pas de sang ou de meurtre. Enfin, presque pas… Il parle de la quête d’identité, du chemin que chaque être humain doit emprunter s’il veut s’épanouir. J’y ai rajouté le zeste de surnaturel – ou de spiritualité, tout dépend de la façon dont on aborde les choses – sur lequel s’appuient toutes les cultures traditionnelles depuis l’aube des temps.
Cocktail explosif garanti !

Crédit photo : Sandrine Roudeix @ Flammarion