Le chevalier à la peau de tigre – Avis +

Présentation de l’éditeur

Le roi d’Arabie Rostévann ne possède pas de fils ; au soir de sa vie, il lègue son royaume à sa fille Thinathine au visage de soleil. Toute l’Arabie en liesse assiste au couronnement de la reine; Au cours d’une partie de chasse qui est donnée à cette occasion, le roi Rostévann et le preux Avthandil apperçoivent un chevalier vêtu d’une peau de tigre ; mais ce preux inconnu qui verse des larmes de sang et paraît la proie d’une souffrance indicible ne répond pas à leur appel, il éperonne son cheval et disparaît en un clin d’oeil sans laisser de traces.

Le roi Rostévann est troublé par ce mystère ; les messagers qu’il dépêche aux quatre coins de l’univers reviennent sans avoir rien appris. Alors Thinathine, mandant Avthandil, dont elle est aimée, lui dévoile l’amour qu’elle éprouve en retour pour lui et lui demande de parcourir le monde durant trois ans en quête du mystérieux chevalier de mélancolie…

Avis de Sébastien

«(135) Il dit encore “ O mon soleil ! comme un soleil créé par
Dieu,
Tu tiens soumis à ton pouvoir tous les astres qui sont aux cieux,
Les mots de grâce prononcés par toi m’ont paru merveilleux
La rose point ne fanera si tu la recouvres de tes feux.”»

Dans sa version originale, le roman de Rustaveli était construit en vers de seize syllabes avec une rime uniforme pour chaque quatrain. Il en existe différentes traduction. Serge Tsouladze, en charge de celle publiée par Gallimard et l’Unesco, a fait le choix de mélanger vers et prose pour tenter de rester le plus proche possible de l’original, dans la forme, sans que pour autant la contrainte métrique le limite dans la transcription de la richesse et du lyrisme du vocabulaire.

Le Chevalier à la Peau de Tigre est à la fois un texte majeur de la littérature géorgienne et un chef-d’oeuvre du moyen-âge. A l’image de la Géorgie, pays à la frontière de l’Orient et de l’Occident, ce roman se tient à cheval sur plusieurs genres.

Récit médiéval de chevalerie, entre conte des mille et une nuits et quête du Graal, couvrant autant le style des modèles arabes et persans de l’époque que celui des romans courtois français ou anglais.

«(39) Elle est femme, mais le Seigneur l’a mise au monde pour
régner,
Nous l’avons dit en votre absence et le disons sans vous flatter,
L’éclat radieux de ses actes aux rayons du soleil l’égale,
Les petits du lion sont égaux qu’ils soient nés femelles ou
mâles.»

Roman presque avant-guardiste distilant avant l’heure des bribes de discours défendant la cause des femmes et l’égalité à la naissance. Ces propos furent sans doute favorisés par le contexte historique de l’époque, siècle d’or de la Géorgie, au cours duquel la princesse Tamar succèda à son père George III.

L’égérie, adulée de son peuple, inspirera grandement l’oeuvre de Rustaveli. Ode à la reine Tamar, sous la forme d’un poème d’amour et d’aventure. Le lecteur remarquera aisément les similitudes entre celle-ci et Thinathine, princesse et fille unique du roi Rostévann, qui accède au trône sur décision de son père.

«(746) Le preux se lamente et lui dit : “Je dois me
transpercer le coeur,
Tu ne connais pas l’amour fou, ô Vizir ! et visiblement
Tu ne sais pas non plus, d’ailleurs ni l’amitié, ni le serment,
Si tu ne l’as pas vu, comment, sans lui, peux-tu croire au bonheur
?”»

Conte qui laisse méditer son public sur les sujets de controverse que sont l’honneur, le pardon, l’amitié et surtout l’amour. Amour, tout en pudeur, qui guide les protagonistes, amants dans cette histoire, bravant tristesse et désespoir pour être enfin unis. Récit qui parfois nous emporte vers l’oeuvre philosophique et parfois tend vers la romance…

Tout cela rend la classification du texte bien difficile. Ceci dit, le style, la richesse et la beauté d’images, jusqu’ici inégalés par les héritiers de Rustaveli, en font une oeuvre incontournable, tant pour le néophyte de la culture d’Asie mineure, que pour l’expert qui saura sans nul doute apprécier cette invitation au voyage, entre Inde et Arabie, entre trésors et pierres précieuses.

A propos de l’auteur

Shota Rustaveli (Chota Roustavéli ou encore Rousthvéli selon les traductions) serait né dans le village de Rustavi dans la province de Meskhétie, en Géorgie pontique. Il aurait vécu dans la seconde moitié du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, et serait donc à peu près le contemporain de Bernard de Ventadour et de Chrétien de Troyes.

Selon la tradition, il aurait été un haut personnage de la cour, voire un ministre de la reine Thamar. Ayant conçu un amour sans espoir pour sa
souveraine, il aurait été, pour cette raison, écarté de la cour et banni du royaume. Il semble en tout cas que Rustaveli ait achevé ses jours loin de sa patrie, dans le monastère géorgien de la Sainte-Croix à Jérusalem, où il serait enterré ainsi que le laissent supposer une fresque et une inscription murale portée sur un pilier de ce couvent.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 276
Editeur : Gallimard
Collection : Collection Unesco d’oeuvres représentatives – Série des
langues non russes de l’URSS
Sortie : mai 1989 (écriture : XIIe/XIIIe siècle)
Prix : 5,49 €