Éditeur : Buchet Chastel
essai de Olivier Babeau
Présentation de l’éditeur
Notre époque est malade du temps libre. Depuis le début de la civilisation, jamais l’être humain n’a eu autant de moment pour lui. Que faisons-nous du temps gagné à force de prodiges technologiques ? Qui décide ou influence nos choix ? En quoi ces choix sont-ils de puissants générateurs d’inégalités durables ? Le temps libre peut être utilisé de trois façons : pour développer sa relation aux autres, se développer soi-même ou se divertir. Alors que nous devrions veiller à conserver l’équilibre entre les trois, le divertissement a colonisé l’essentiel de nos loisirs grâce aux nouvelles technologies numériques.
Le temps pour soi est ainsi paradoxalement devenu un temps sans soi, dilapidé et contrôlé par d’autres. La domination presque sans partage de l’écran sur notre vie éveillée en est la manifestation. Le drame est que le temps libre prépare le futur de nos inégalités. L’usage que chaque groupe social en fait est l’élément déterminant de leurs différences. Une fracture apparaît entre ceux qui ont une stratégie équilibrée d’utilisation du temps libre et ceux qui en sont dépourvus. Les premiers mettent à profit leur temps pour faire fructifier, directement ou indirectement, leur capital social et économique. Les seconds sont les otages d’un système dont ils sont la matière première et non les clients.
Ce livre montre que nous traversons, sans nous en rendre compte, une crise du loisir qui est aussi porteuse de profonds désordres sociaux et politiques. Il indique aussi des façons concrètes de reprendre le contrôle de soi et d’arrêter de perdre son temps.
Avis de Olivier
Les loisirs ont toujours existé, mais ils ont changé de forme. Dans l’antiquité, le temps libre est centré sur la construction de liens sociaux, essentiels à la survie et au sentiment de sens. Au moyen-âge, le temps libre est très différent pour les élites et pour les autres. L’élite utilise son temps « hors travail obligatoire » pour l’amélioration de soi, en particulier pour apprendre la maîtrise de soi, sur le modèle des moines et du monde gréco-romain. Les autres cherchent plutôt des fêtes de villages où le but est de s’échapper à la dureté du quotidien.
Olivier Babeau décrit ces deux modes principaux par les termes de skholè (selon les philosophes grecs) et de divertissement (au sens que lui donne Blaise Pascal). Il décrit comment le divertissement prend progressivement la place centrale dans nos vies, le travail devenant une obligation pour pouvoir se plonger dans le divertissement.
Si la skholè vise à domestiquer ses désirs pour se centrer sur l’essentiel, le divertissement vise la satisfaction immédiate de nos envies ; le premier se pense dans la construction du futur, le second dans la consommation du présent. Il décrit comment la centration sur l’immédiat à faire perdre du goût et du sens au travail, aux obligations quotidiennes et paradoxalement aux loisirs.
De là, il glisse vers le défi actuel d’utiliser notre « temps de cerveau disponible » pour atteindre ce que nous souhaitons. Il décrit, statistique à l’appui, comment les loisirs accentuent le fossé entre classes sociales. Dans un monde sans classe sociale héritée, chacun doit travailler à garder son rang.
Les moyens financiers semblent, aujourd’hui, seconds par rapport à l’acquisition, dès l’enfance, d’un capital culturel et relationnel. L’auteur est professeur d’université, il lance donc un appel aux politiques, car il est inutile de faire des efforts considérables pour réduire les inégalités scolaires, si on ne se préoccupe pas de réguler les loisirs. Ou du moins d’apprendre à chacun à maîtriser son temps libre.
Un style entre livre universitaire et article journalistique donne l’avantage d’une lecture fluide et d’avoir du contenu argumenté… mais qui nous perd parfois en peu entre des statistiques sérieuses et des faits divers.
Fiche technique
Format : broché
Pages : 288
Éditeur : Buchet Chastel
Sortie : 2 février 2023
Prix : 21,50 €