Le dit d’Aka/Le nom du monde est forêt – Avis +

Éditeur : Robert Laffont

roman d’Ursula Le Guin

Le dit d’Aka

Sur Terre, on vit le futur d’un peuple qui a renié son passé.

Il y a des centaines de milliers d’années, les Hains ont colonisé de nombreuses planètes, dont la Terre. Mais suite à l’anéantissement de la civilisation hainienne, les mondes peuplés d’humains se sont retrouvés isolés. La plupart ont oublié que d’autres planètes abritaient des êtres intelligents similaires à eux. Puis est apparue l’organisation de l’Ekumen cherchant à renouer avec toutes les anciennes colonies hainiennes.

Or, suite au contact avec l’Ekumen, la planète Aka a subi de profonds bouleversements politiques. Le pouvoir autoritaire a décrété la destruction des livres afin d’éradiquer l’écriture ancienne qui représentait un obstacle au progrès.

Désormais, les habitants de la planète Aka ne disposent plus que d’une seule langue et se sont vu interdire la religion.
C’est sur ce monde que se rend Sutty. Venue de la Terre qui a elle-même récemment connu une période obscurantiste, cette observatrice de l’Ekumen cherche à découvrir les fragments enfouis de l’ancienne culture d’Aka.

Appartenant au cycle de l’Ekumen, ce roman (1) s’inspire visiblement de la révolution culturelle chinoise.

Le Nom du monde est forêt

Malgré les fausses « directives », les gars de Central ne se laisseraient pas abattre en essayant d’utiliser de « petites armes de poing » d’autodéfense. Ils avaient des lance-flammes et des mitrailleuses.

Le capitaine Davidson exerce avec fierté sa mission consistant à prélever du bois sur la planète forestière Athshe rebaptisée Nouvelle Tahiti. Pour cela, ils utilisent la main d’œuvre locale. Les Asthéens (des humanoïdes d’un mètre de haut) sont affectés à l’abattage. Or, un des subordonnés de Davidson lui explique que dans ses cours d’Histoire, il avait appris que l’esclavage n’avait jamais marché et ne donnait pas de bons résultats. Mais Davidson rectifie aussitôt. Ce serait de l’esclavage si les travailleurs étaient humains. Or, ce n’est pas le cas. De toute façon, les natifs capturés sont membres du « Corps de Travail Autochtone Volontaire ».

Davidson ne croit pas que les natifs qu’il a baptisés Créates soient des êtres humains. Certes, on rencontre des humains non-terriens dans de nombreux mondes. Mais Davidson refuse de croire ceux qui affirment que le peuple de la planète Hain a jadis colonisé de nombreuses planètes, dont la Terre. Pour lui, il est évident que le peuplement n’a pu venir que de la Terre, berceau de l’humanité, sans doute au temps de l’Atlantide. Ceux qui affirment que les Créates sont des descendants d’humains ayant évolué différemment pendant des centaines de milliers d’années sont des traîtres à la race humaine !

De toute façon, Davidson doit se rendre à l’astroport où viennent d’arriver plusieurs centaines de Terriennes devant servir d’épouses, sans oublier les « récréatives ». À son retour, il trouve l’exploitation forestière dévastée. Les autochtones se sont révoltés. Les officiels présents dans le vaisseau spatial qui vient d’arriver semblent croire qu’il serait responsable de cette situation. Ridicule ! De plus, ce sont les humains non-terriens (traîtres à l’espèce humaine) qui voudraient porter un jugement sur ses actes !

Ce roman (2) met en évidence la notion d’humanité. Les colons terriens refusent aux Créates le statut d’êtres humains, ce qui permet leur esclavage. De leur côté, les Asthéens ont élaboré une société extrêmement pacifiste. Se tuer entre eux constitue un tabou qui ne peut être violé que par un fou. Faire la guerre aux envahisseurs serait inconcevable. Ils ont parfaitement compris que les nouveaux arrivants Umins appartiennent à la même espèce qu’eux. Aussi, cela a nécessité un long cheminement mental pour cesser de considérer les Terriens comme des êtres humains. Ce sont des animaux, ils peuvent donc désormais être tués.

Précisons que l’anthropologue Alfred Louis Kroeber, le père d’Ursula Le Guin, étudia le cas du dernier Indien Yani. Ce dernier (seul rescapé du génocide de son peuple) ne donna jamais son véritable nom. Aussi, Alfred Kroeber le dénomma Ishi, ce qui signifie « homme » dans le langage Yani.


(1) Prix Locus du meilleur roman de science-fiction en 2001
(2) Prix Hugo du meilleur roman court en 1973

Fiche technique

Format : broché (réédition)
Pages : 360
Auteur : Ursula Le Guin
Traduction : Pierre-Paul Durastanti, Henry-Luc Planchat et Sébastien Guillot
Éditeur : Robert Laffont
Sortie : le 25 janvier2024
Prix : 24,90 €