Vue mer – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Un dernier regard à mon reflet dans le rétroviseur. Une mèche de cheveux que je remets en place, une moue, mon nez se plisse, les légères rides autour de mes yeux s’accentuent. Et dire qu’à vingt-cinq ans, je trouvais qu’elles me donnaient du caractère. Quelle connerie ! Mon pouls s’emballe. Nouvelle vie, nouveau départ. Les entretiens, d’ordinaire, c’est moi qui les mène. Celui-là, je compte bien le réussir. Je veux ce logement, je veux vivre sur l’île, je veux la vue mer. Je veux les apéros au soleil couchant, le sable entre mes orteils, la traversée vers le continent tous les matins du monde. Je veux du rêve, de l’amour, de l’espoir, bordel. Je les mérite. Foufoune Power ! Mon poing frappe le volant, plus fort que je ne l’aurais souhaité. Je suçote l’endroit où ça fait mal, ferme les yeux. It’s the final countdown. Ça chante dans ma tête. Oui, dernier compte à rebours.

Et je remporterai la manche. Je suis prête. »

Une île méditerranéenne, une belle maison, vue mer, des chambres à louer, seulement à des femmes. Idyllique, pourrait-on penser. Mais autour de Laurette, la propriétaire de 85 ans, on meurt un peu trop. Dans cette galerie de portraits de femmes, il est bien difficile de savoir qui est victime ou qui est coupable. Ou les deux.

Avis de Thérèse

Luce Michel a déjà publié plusieurs livres mais c’est la première fois qu’elle propose un thriller, et c’est une vraie réussite que ce roman choral où elle donne la parole successivement aux différents protagonistes dans des chapitres courts et denses.

Laurette, quatre-vingt-trois ans, est la propriétaire d’une splendide et immense maison de maître sur une petite île méditerranéenne. Après un séjour en maison de retraite qui s’est terminé de manière assez brutale, ses enfants Robert et Aline ont accepté qu’elle vive dans sa maison, mais à condition de prendre plusieurs locataires, uniquement des femmes. En quelques années, les locataires ont été nombreuses, mais aucune n’est restée très longtemps. L’une d’entre elles est même partie du jour au lendemain en abandonnant une partie de ses affaires…

Seule Magalie, la cinquantaine, occupe le pavillon de l’ancien gardien depuis plusieurs années. Après avoir du jour au lendemain quitté son emploi à la banque et son mari, elle travaille l’osier. Du moins, c’est ainsi qu’elle se présente.

Laurette a confié à son fils Robert le soin de sélectionner les locataires. Quand il reçoit Natacha qui souhaite emménager dans la maison avec son fils, c’est elle qui semble mener l’entretien, elle pose plus de questions que lui et a l’air d’être à la recherche de quelque chose de précis. Très vite, on soupçonne chacune de ces femmes, aucune n’est réellement ce qu’elle paraît ni ce qu’elle dit. Mais de quoi les soupçonne-t-on en fait ? Difficile à dire.

Laurette n’a rien d’une adorable vieille dame, elle a un sacré caractère et se montre volontiers agressive, caustique, désagréable – sauf avec sa petite-fille Agathe. Laurette raconte sa vie à sa manière, avec beaucoup d’imagination et pas mal de malice, mais elle en dissimule aussi beaucoup.

C’est une succession de vies féminines que nous dévoile Luce Michel au fil des pages. Des vies rêvées, des vies inventées parfois pour cacher des histoires encore plus extraordinaires, des vies réinventées pour oublier ou effacer une réalité trop sombre ou trop terne. Et ce sont des portraits de femmes qui vivent mal ou refusent les rôles que la société leur attribue et veut leur imposer : mariage, maternité, fidélité, discrétion, sexualité nulle ou maîtrisée.

Vue mer est une invitation à entrer dans cette superbe demeure, au risque d’y découvrir bien des secrets douloureux, dans un huis-clos de plus en plus oppressant et troublant. Mais l’humour y trouve aussi sa place, notamment dans la deuxième partie où le lecteur connaît l’explication cocasse d’un des mystères que les narrateurs cherchent à élucider.

Coup de cœur pour ce thriller atypique au ton piquant et caustique, souvent ironique. On ne peut que souhaiter que Luce Michel continue dans ce genre de romans noirs.

Fiche technique

Format : broché
Pages : ‎320
Éditeur ‏: ‎Black lab
Durée : 15 mars 2023
Prix : 20,90 €