Le Grand jeu – Avis +

Présentation de l’éditeur

Le tsar est tombé depuis 60 ans et une nouvelle puissance s’est levée à l’est. Le Nouvel Empire russe est devenu la première dictature industrielle. Ses dirigeables géants, ses chars et ses exosquelettes à vapeur ont assis sa domination face à l’Alliance de l’Ouest. L’Empire ottoman survit dans une fragile neutralité et sa capitale est le théâtre d’un jeu d’espions sanglant.

Martina Krelinkova, aventurière et monte-en-l’air, débarque à Constantinople avec une réputation sulfureuse alors que le Primat Imperator russe s’apprête à restituer au sultan un diamant légendaire : le Shah. À peine arrivée, elle découvre que sa soeur a mystérieusement disparu.

Tandis qu’un jeu du chat et de la souris s’enclenche à un rythme effréné, les obstacles se multiplient pour la voleuse. Parviendra-t-elle à retrouver sa soeur et à s’emparer du Shah, tout en mettant au jour les sombres intrigues du Grand Jeu ?

Avis de Valérie

Le mois de cuivre permet aux éditions Bragelonne de proposer des romans Steampunk en février, un genre de la fantasy passionnant, mais pouvant sembler hermétique. Il ne faut pas se laisser détourner de cette sortie par les idées reçues sur le sujet. D’autant que ce roman est fascinant autant par son contexte social et politique que par la galerie de caractères que l’auteur a élaboré.

En quelques mots, le Steampunk est un genre du fantastique qui fait déraper la ligne temporelle habituelle à partir (en général) de la révolution industrielle anglaise, autour ou juste après l’ère victorienne. C’est pour cela que de nombreux romans ont pris pied en Angleterre. Ils développent de nombreuses technologies parallèles se basant sur la gestion de moteur à vapeur plutôt qu’à explosion.

Mais à partir de ce postulat, chaque auteur explore son imaginaire de la manière qu’il le souhaite, et on parie que le cerveau de Benjamin Lupu est en ébullition et voyage loin ! Pour preuve cette étonnante version qui donne l’impérialisme non plus à la reine Victoria, mais à la Russie et qui situe son action principale à Istanbul.

Le Grand jeu, ce sont les machinations du Nouvel Empire russe qui a envahi une grande partie de l’Europe de l’Est après une guerre sanglante et douloureuse. Si la paix s’est ensuite établie, les relations diplomatiques restent tendues surveillées par les pays de l’Alliance dont font partie l’Angleterre et la Turquie. Le lecteur va suivre plusieurs fils narratifs qui finiront par se rejoindre à Istanbul, la merveilleuse ville d’Asie mineure.

Tout d’abord, nous suivons Martina Krelinkova une jeune femme bien mystérieuse qui semble faire alliance avec un Français, Maurice, et une femme monumentale au regard souvent perdu, Mortier. L’aventure débute à leur arrivée à Istanbul. Cette ville fourmille d’une vie catégorisée selon leur naissance, le quartier des Russes intégrés avec l’ambassade que le sultan a toléré en gage de paix, les étals du marché stambouliotes, les vieux bandits grecs, la mafia russe qui a envahi insidieusement de nombreux carrés ottomans.

Le sultan Hüsameddin est en cheville avec l’Anglaise Jessamine de Clare afin de surveiller la ville et également de construire une flottille de Streloks. Ces gigantesques dirigeables sont le moyen de locomotion longue portée, mais peuvent être également appareillés pour devenir des machines de guerre destructrices ! Arrive un peu plus tard Aron, un homme enrôlé dans un camp de travail dans les territoires de déserts glacés de la Russie… Sa survie ne tient qu’à un fil, prêt à rompre…

Tout cela n’est qu’une infime partie de la richesse du texte qui possède une sublime fluidité malgré l’ajout de nombreux détails et termes inventés pour l’effet Steampunk. L’intelligence de l’auteur se devine à la manière de tisser son imaginaire et ses connaissances pour offrir aux lecteurs une œuvre merveilleuse. Il nous rend vraiment tout facile et addictif. C’est un grand écrivain qui nous tarde de retrouver.

Notre enthousiasme est minoré par une seule remarque. Le monde créé prend vie devant nous en peu de mots. C’est un vrai talent qui permet cela, à la fois en rendant vivants les personnages, mais également le contexte qui s’appuie sur nos notions d’histoire et des cultures étrangères. Cela nous kidnappe (on est consentant !) mais la dernière page tournée, on se sent orphelin.

Et un détail de dernière minute, le livre est magnifique et brûle des mille feux de la ville qui sépare l’Orient de l’Occident, il suffit de le regarder pour être emporté là-bas !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 360
Éditeur : Bragelonne
Sortie : 3 février 2021
Prix : 25 €