Rencontre avec Kim Hyun-Seok et Lee Je-Hoon

Lors du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), le film I Can Speak a été projeté deux fois sur grand écran. Et après chacune de ses projections, une session de questions-réponses était programmée avec le réalisateur du film (Kim Hyun-Seok) ainsi que l’acteur principal (Lee Je-Hoon). Nous avons pu assister à celle du mercredi 25 octobre.

Petits mots de Kim Hyun-Seok (réalisateur) : Bonsoir, je suis le réalisateur du film, ce dernier est sorti en Corée il y a deux mois et il est toujours en salle. Vous êtes vraiment nombreux, je veux ainsi savoir ce que vous en avez pensé.

Lee Je-Hoon (acteur): Je suis vraiment honoré d’être là parmi vous. J’espère qu’on va passer un bon moment ensemble.

Question : C’est une question pour le réalisateur, c’est un des premiers films ayant pour sujet l’adoption et les femmes de réconfort. Pourquoi avoir choisi ces deux sujets ? Et pourquoi avoir choisi comme langage l’anglais et non le coréen pour parler de cela ? Pouvez-vous nous dire pourquoi avoir utilisé un fonctionnaire comme outil du pouvoir qui agit sur les individus ?

Kim Hyun-Seok (réalisateur) : Pour la première question, pourquoi ces deux sujets dans le film ? En fait, le thème de l’adoption est très secondaire, c’est un camouflage pour faire penser que la vieille femme apprend l’anglais pour communiquer avec son frère. Puis on apprend la vérité, la vraie raison, qui est sa volonté de témoigner en anglais et face au monde. En Corée, beaucoup de ces femmes ont quitté leur famille ou se sont faites abandonner par elle. Ainsi, l’adoption n’est vraiment pas un sujet que je voulais développer en profondeur, mais ça servait pour le développement du film.

Pour la seconde question, l’anglais est vraiment un élément pour débuter l’histoire. Je suis parti d’une histoire vraie et ça donne un moteur au film. Concernant l’usage des fonctionnaires, Minjae[[Personnage de Lee Je-Hoon]] représente monsieur et madame tout-le-monde, et cette après-midi, j’ai d’ailleurs appris que les fonctionnaires en France sont un peu pareils, à ne pas vouloir faire de vagues. Je voulais venir là-dessus. Les femmes de réconfort peuvent être n’importe qui, une grand-mère, une voisine, n’importe quelle dame. C’est ce que je montrais quand elle était au marché, c’était une femme lambda et d’un coup elle a pris une autre position.

Question : J’ai une question très spécifique pour l’acteur Lee Je-Hoon, est-ce qu’il y aura une saison 2 à Signal[[Signal est une série coréenne de 16 épisodes où Lee Je-Hoon incarne le personnage principal. On peut la voir en VOD légale sur DramaPassion]] ?

Lee Je-Hoon (acteur) : *rire* Je ne m’attendais pas à ce qu’on me pose une question sur une série télévisée. Personnellement, j’ai vraiment envie d’y croire, mais il faudrait que le réalisateur, le scénariste, les acteurs et tous les membres de l’équipe puissent se réunir pour la tourner.

Question : Merci pour la richesse du film, il y a vraiment divers sujets et il est très touchant. Pourquoi n’avoir traité que la reconnaissance de ces femmes et la souffrance d’un point de vue national ?

Kim Hyun-Seok (réalisateur) : En fait ce sujet sur les femmes de réconfort, il faut se rappeler que ce sont des faits qui se sont déroulés il y a plus de 70 ans. Mais en Corée, on en parle que depuis 25 ans. Na Ok Boon[[Héroïne du film]] le dit, cela fait 60 ans qu’elle se cache. Alors oui depuis, il y a eu un accord entre le Japon et la Corée, mais est-ce que ça règle le problème ? Ces femmes n’ont pas eu leur mot à dire et n’ont jamais eu d’excuses officielles. Ainsi, tous les coréens ne peuvent pas le reconnaître. Il a été fait de façon à ce que les victimes directes ne soient pas au courant et n’aient pas leur mot à dire.

Il faut noter qu’actuellement, il y a eu des changements dans le gouvernement, le sujet sera peut-être vu et entendu d’une manière différente. Surtout, qu’entre le Japon et la Corée, il y a encore d’autres problèmes dont il est plus facile de parler, comme cette île que chacun des deux pays revendiquent, Dokdo pour les Coréens et Takeshima pour les Japonais. On en parle, car ça nous touche moins émotionnellement alors que les femmes de réconfort, c’est un sujet intime touchant les droits de l’homme. Quand Minjae (le fonctionnaire) va s’excuser, c’est ce point de vue là dont je voulais parler dans le film.

Question : Vous êtes un acteur qu’on peut voir dans de nombreux registres. Qu’est-ce qui vous à pousser à jouer dans ce film ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?

Lee Je-Hoon (acteur) : Tout simplement, c’est le 6e film de Kim Hyun-Seok, et vous savez dans le milieu, on parle des acteurs qui ont tourné avec lui comme étant « les acteurs de… ». Je voulais faire partie de ce groupe. En plus, quand on a commencé à travailler ensemble sur le film, je suis une fois allé chez lui. C’était fou, j’ai adoré sa maison, je me suis dit que je voulais cette maison. Même sa décoration et ses biens, on a vraiment des goûts très similaires. Autrement, tout s’est bien passé sur le tournage, c’était un pur bonheur. Dans tous les cas, s’il me repropose de jouer pour un de ses films, c’est un grand oui illico presto. Sinon il y a encore beaucoup de genres que j’aimerais essayer, action, thriller… Horreur peut-être un peu moins, mais si on me le propose, j’essayerai.

Question : Merci pour ce film qui est bon mélange entre fraîcheur et sujet lourd. Avez-vous eu l’occasion de rencontrer des femmes de réconfort ? Et si oui, leur avez-vous montré le film et quelles ont été leur réaction ? De plus, vous n’avez pas beaucoup développé la réaction des politiciens japonais, est-ce un choix personnel ou bien est-ce parce qu’il n’y a pas eu de réaction dans les médias ?

Kim Hyun-Seok (réalisateur) : C’est un sujet que beaucoup de coréens connaissent, mais en le préparant, j’en ai vraiment appris beaucoup. La genèse du film a duré trois ans avant qu’on me propose la réalisation. En Corée, tous les mercredis, il y a des manifestations et des foyers où ces femmes se retrouvent. Je me sentais honteux de les aborder pour savoir ce qu’elles ont vécu, ça aurait été une approche assez hypocrite. Je suis donc resté un pas en arrière et je les ai regardées de loin. Pour le point de vue, nous suivons le film à travers le regard de Minjae, derrière sa représentation des choses. Mais il y a vraiment eu des choses impressionnantes comme le discours à la fin. Ce n’est pas qu’une d’entre elles qui a dit ça. J’ai eu de bons retours de ces dames.

Lee Je-Hoon (acteur) : J’ai eu l’occasion d’en rencontrer lors d’une réunion générale avec l’équipe du film. Et quand j’ai lu le scénario, j’ai été très touché. Je me posais au début des questions, car on faisait aussi un film commercial, c’était donc assez délicat. Il fallait que le film ne soit pas trop brusque, mais qu’il ne minimise pas non plus. Je voulais en faire un baume pour leur cœur. Et puis je me suis aussi posé des questions sur mon entourage. C’est pourquoi je pense qu’il faut se faire entendre, qu’il faut crier ces histoires. Il ne reste que trente-cinq de ces femmes encore vivantes, il faut qu’elles soient entendues du monde entier. Et en tant qu’acteur, je vais continuer à défendre cette cause.

Mot de la fin de Kim Hyun-Seok (réalisateur) : je vous remercie d’être restés aussi tard et comme l’a souligné Lee Je-Hoon, seulement trente-cinq de ces femmes sont encore vivantes. Il faut en parler et ne pas oublier. Je vois beaucoup de Français dans la salle, n’hésitez pas à faire vivre ces histoires. Je veux que mon film permette de faire vivre le sujet, qu’on en parle et qu’on ne l’oublie pas. Si on oublie, on perd.