Interview de Olivier Ledroit et Thomas Day

Onirik : Comment travaillez-vous ensemble ? Quelle est l’interaction ? Qui donne la direction, comment cela se passe entre vous ?

Thomas Day : Au départ, moi j’avais écrit quelque chose pour mes enfants et j’ai écrit un roman qui s’appelle Du sable sous les paupières qui était un peu dans mon idée, quelque chose que je voulais adapter en BD, si possible avec Olivier.

Et Olivier avait d’autres idées, il m’a parlé de statues, de fées, et cetera. Et puis un jour il m’a appelé , je pensais que c’était pour Du sable sous les paupières », mais non, il m’a appelé pour « Wika. Il m’a dit « J’ai cette ligne noire, j’ai un personnage féminin, j’ai des tas de dessins déjà, j’ai pleins d’idées. Et est-ce qu’on peut en parler ? » Et il m’a envoyé près de 200 dessins. Et on a commencé peu à peu à construire quelque chose autour de ces dessins. C’est comme cela que c’est né. Il s’est passé peut-être huit mois pour s’apprivoiser l’un l’autre.

C’est vrai qu’on était parti sur l’idée que lorsqu’on lancerait le projet, en amont tout serait déjà bouclé. Que ça serait une série en trois tomes. Mais ensuite trois tomes… c’était vraiment très très court. Surtout qu’on a choisi un rythme très lent avec des histoires très longues qui peuvent faire jusqu’à 18/19 pages. Donc on a une BD au format un peu plus long, et j’étais dans l’idée qu’il n’y ait pas plus de 7 cases par pages. Que les dessins puissent respirer, qu’Olivier ne fasse pas des miniatures. Sur les doubles pages c’est plutôt entre 12 ou 14 cases.

Et puis une fois qu’on était d’accord sur l’idée globale et la fin, on s’est mis d’accord sur une structure qui est que, à chaque nouvel album, il y ait un flashback qui va un peu montrer les motivations du mal. Pourquoi cette histoire-là s’est déclenchée, car jusque là on sait qu’Obéron veut tuer tout le monde, on ne sait pas pourquoi et on le saura au fur et à mesure.

Ensuite je lui propose des scènes, Olivier me dit oui, non, ou ça moins, et une fois qu’on a les scènes c’est crayonné. Après quand je n’ai pas fait les dialogues, je les fais, et je vais souvent le voir chez lui.

Onirik : En tant que scénariste, donnez-vous parfois votre avis par rapport aux graphismes des personnages ?

Thomas Day : J’ai pas envie de me faire casser la jambe en donnant mon avis (rire) mais c’est une collaboration alors oui. Je préférais Wika rousse plutôt que blonde pour des raisons de chaleur, de contraste. Cela va bien avec les dorures. Brune non parce qu’en fait au début on avait beaucoup de noir en fond.

Olivier Ledroit : En effet, le premier tome est assez lumineux, mais par la suite les décors seront beaucoup plus sombre, donc il fallait une touche de lumière.

Onirik : On peut voir dans ce premier tome beaucoup de clin d’œil aux contes, est-ce volontaire.

Olivier Ledroit : Oui, Wika est habillée en rouge, dans les marécages, elle se fait poursuivre par des loups.

Thomas Day : Les sept loups représentent les sept péchés capitaux. Il y a pleins de jeux, la beauté de l’image, c’est une histoire à laquelle on tient vraiment. Une nana dynamique qui part mais pour que se soit aussi intéressant, une touche de psychanalyse des contes.

J’ai donné des informations, des indications qui sont très précises dès le départ. Et on a en fait l’enchantement du monde, la magie disparaît sur l’avènement de la mécanique et l’ingénierie. C’est un peu la dualité des deux. Les deux peuvent fonctionner ensemble, mais Obéron n’est pas d’accord.

Onirik : Pour son premier visuel, Wika avait des ailes mécaniques, l’idée a-t-elle été gardée ?

Olivier Ledroit : Oui, dans le prochain.

Onirik : Vous avez aussi mélanger le monde des fées avec un univers Steampunk, celui-ci sera-r-il plus présent ?

Olivier Ledroit : le steampunk va apparaître, il y en a déjà, comme on peut le voir avec les loups, un a une gueule en métal et donc plus tard avec les ailes mécaniques de l’héroïne.

Onirik : La scène où Bran apprend à voler à Wika ressemble à une scène des Chronique de la Lune noire est-ce un clin d’œil ?

Olivier Ledroit : Oui il y a un passage comme ça, c’est un clin d’œil. Il y a plusieurs gags qui se ressemblent, que j’avais inventé, que je voulais réutiliser.

Onirik : Olivier Ledroit, vos autres œuvres sont en générales beaucoup plus sombre, Wika est une œuvre plus lumineuse, plus dorée, qu’est-ce que cela vous fait ?

Olivier Ledroit : J’avais envie de changer, j’ai dessiné pendant des années des choses plus sombres, beaucoup plus violentes. On peut le voir dans Les chroniques de la lune noire. Ici, cela reste un monde un peu dur mais beaucoup moins et dès que l’on peut, la violence est détournée, elle n’est pas frontale.

Par exemple à un moment, on comprend qu’il y a eu un viol, dans Requiem, on aurait montré ce viol. C’est comme les vrais contes de fées qui servaient dans le temps à faire passer des messages fort, ils étaient fait pour marquer les esprits.

Onirik : Pourquoi avoir choisi des prénoms comme Titania, ou Obéron de Shakespeare ?

Olivier Ledroit : Titania et Obéron, Shakespeare les avait déjà empruntés. Obéron c’est un personnage qui apparaît souvent du coté des gentils. On a voulu jouer avec des personnages anciens, avec les grands archétypes. Cela jouant ainsi sur une ambiance celtique. Car le roi des elfes dans les contes c’est toujours Obéron et la reine, c’est toujours Titania.

Onirik : Combien de temps vous a-t-il fallu pour faire le premier album ?

Olivier Ledroit : Un an et demi, il faut environ une semaine pour faire une planche. Pour le prochain album, seulement 4 pages sont déjà dessinées.

Onirik : Comment vous est-il venu l’idée de mettre des petits rajouts, des broderies sur les planches, le tout faisant un effet beaucoup plus féminin.

Olivier Ledroit : j’ai vu cela un jour et ça faisait ressortir, des contrastes. L’idée m’a plu j’ai fait des croquis et cela est resté.

Onirik : Le dessin est aussi un peu différent de vos oeuvres précédentes, plus rond.

Olivier Ledroit : Un esprit un peu manga est aussi recherché, c’est ce que mes enfants lisent et même moi j’en regarde pas mal.

Attention, spoiler !

Onirik : L’amoureux de Wika est-il vraiment mort ou bien y’a-t-il une chance qu’il revienne ?

Olivier Ledroit (sourire en coin) : Il est vraiment mort et il y a peu de chance qu’il revienne. Mais il y en aura d’autres.

Thomas Day : On le fait mourir avec absolument aucun regret, on fait partir les bons personnages. Un autre homme est tout de même prévu pour elle. Je crois même qu’elle va avoir un peu l’embarras du choix. Elle va pouvoir choisir entre le mal et le mal.

Un grand merci à Olivier Ledroit et Thomas Day pour le temps pris juste avant le vernissage de l’exposition !

Crédit photo : Valérie Revelut pour Onirik

Légende photo : à gauche : Olivier Ledroit et à droite Thomas day

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