Là-haut ; un roi au-dessus des nuages – Avis +

– On s’est tous dit : c’est un naufrage… Henri a réussi très bien! Pourtant je peux vous le dire, il a sauté du bateau tout nu, sans même sa bouée de sauvetage. Il a sauté sans parachute. par respect humain!

Le cinéaste Henri Lanvern est retourné là-haut. Ce terme désigne la région montagneuse du sud-est asiatique où survit le peuple des Méos. Devant tourner un film se déroulant durant la Seconde guerre mondiale Lanvern a emmené l’équipe de tournage en Thaïlande près de la frontière du Laos. Mais « là-haut » désigne également les camps de prisonniers vietnamiens.

Après Dien Bien Phu, Lanvern a survécu aux camps de rééducation du Viet-Nim[[dans les différents camps de rééducation le taux de survie variait de 60 et 40 %]] en compagnie du lieutenant vietnamien Ki. Après être tombé amoureux de l’Asie, il est revenu en France, entamant une carrière de cinéaste. Puis est venue une autre guerre. L’Indochine était devenue le Vietnam et le général Ki a combattu jusqu’à la fin, disparaissant « Là-haut ».

1978 : un colonel des services secrets français averti Lanvern que son ami vietnamien va tenter l’impossible, s’évader d’un camp pour les « Irrécupérables ». Devant se trouver dans la région, Lanvern a la possibilité de le récupérer. Il disparaît à son tour au-dessus des nuages.

Une journaliste remonte la piste en traquant la vérité. La biographie de Lanvern est liée à l’Orient. Les témoins sont nombreux, mais le mensonge est présent parmi eux. C’est ainsi que le colonel ne ment que par omission. D’autre part elle rencontre le frère du général Ki. Pour travailler en France il a dû prétendre être une victime de l’impérialisme américain. Il a aussi travaillé aux USA où il est devenu une malheureuse victime du colonialisme français. Ses employeurs et ses collègues n’attendaient pas d’autres explications.

Le mensonge est un choix. Dans les camps de rééducation vietnamiens, les prisonniers étaient « invités » à faire leur auto-critique et à s’accuser de crimes le plus souvent imaginaires. Cela aide à la survie, mais contribue à la destruction de la personnalité.

« Vous n’avez qu’à lire ce qu’on écrit sur les goulags… A la différence que chez les Russes on écrase l’homme de l’extérieur – on se fout de ce que pense le prisonnier, tant que ça ne ressort pas ; chez les Viets l’écrasement est aussi intérieur – le prisonnier est acculé à l’autocritique permanente de ses propres pensées. »

Ce roman suit les évènements historiques des années 40 aux années 70. La biographie de Lanvern rejoint celle de l’auteur. Lanvern est un ancien caporal-chef (le grade de Pierre Schoedoerffer durant la guerre d’Indochine) devenu cinéaste. Capturé à Dien Bien Phu où il travaillait pour le service cinématographique des armées, il a connu lui aussi les camps de rééducation du Viet Mînh.

Tandis que Lanvern a réalisé le film La mort d’un capitaine, Schoendoerffer se consacrera à L’honneur d’un capitaine en 1982 (le roman Là-haut date de l’année précédente). Le colonel du S.D.E.C.E. qui essaya de fédérer les Méos en 1945 rappelle le héros de L’Adieu au roi, son roman de 1969 qui obtint le prix Interallié (il fut adapté au cinéma par John Millius en 1989).En 2004, Pierre Schoendoerffer adaptera lui-même son roman avec Jacques Perrin (présent dans le film La 317e section) dans le rôle de Lanvern.

La réalité littéraire et cinématographique rejoint la réalité historique dans un refus du mensonge.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 354
Édition : Grasset
Sortie : avril 2004
Prix : 18,90 €