Spleeping Beauty – Avis +/-

Présentation officielle

Ce que les hommes lui font la nuit, elle l’a oublié au réveil. Une jeune étudiante qui a besoin d’argent multiplie les petits boulots. Suite à une petite annonce, elle intègre un étrange réseau de beautés endormies. Elle s’endort. Elle se réveille. Et c’est comme si rien ne s’était passé…

Avis de Claire

La « belle au Bois dormant » de Julia Leigh (puisqu’il s’agit de cette référence dans le titre anglais) n’a rien en commun avec celle du conte. Notre héroïne, Lucy, est une étudiante australienne, qui vivote de petits boulots en petits boulots, qui se donne sans complexes à qui veut la prendre, qui vit sa vie en solitaire et semble s’en contenter.

D’elle, on ne saura rien ou si peu. Ni sur sa vie, ni sur son passé, ni sur ses motivations et encore moins sur ses états d’âme. Aseptisé au maximum, le scénario en dévoile le moins possible sur la psychologie des personnages, comme pour mieux les déshumaniser.

La première partie du film nous la présente comme une jeune fille froide, en conflit avec son monde, elle semble n’avoir qu’un seul ami, Birdman, son contraire masculin, qui ne sort jamais de chez lui alors que Lucy court tout le temps, toujours à court d’argent, entre les cours à la fac, entre ses différents jobs, dans les soirées où elle finit rarement seule.

Elle ne se pose jamais de question, semble acquiescer à tout ce qu’on lui dit, prend ses décisions dans l’instant, dans l’urgence, comme si elle luttait contre une course désespérée contre la mort. En même temps, elle se méprise, se donne peu d’importance, comme si sa vie, et surtout son amour-propre, ne comptaient pas.

La seconde partie, beaucoup plus glauque, suit Lucy, qui est devenu Sarah pour une agence très spéciale d’escort girls. Au service d’une haute société australienne décadente, blanche et bien pensante, la jeune fille sert dans des dîners baroques en petite tenue.

Ces mises en scènes évoquent à la fois Buñuel, Kubrick mais également Pasolini, pas comme modèles, plutôt comme cautions culturelles auxquelles il est difficile d’adhérer. Le film bascule alors dans une atmosphère particulièrement oppressante. De longs plans séquences, des silences lourds de sens exacerbent la mise en scène quasi-clinique, qui est le parti-pris de la réalisatrice.

Lucy/Sarah glisse de plus en plus vers sa perte, elle devient « dormeuse », c’est à dire qu’elle est, sous l’emprise d’un puissant narcotique, jetée nue en pâture à des hommes qui peuvent faire ce qu’ils veulent ou presque. Voilà qui était déjà le sujet d’un livre bien connu du Prix Nobel de littérature japonais, Yasunari Kawabata, Belles endormies.

La réalisatrice-scénariste, qui est aussi écrivain et amie de Jane Campion (qui a toujours soutenu ce projet), argumente son point de vue en mettant en avant le fait que les contes de fées eux-mêmes s’inspirent des noirceurs profondes de l’âme humaine. Les personnages de cette farce décadente ne cherchent même pas à échapper à leur condition, malgré l’horreur de la chose qui, au final, leur éclate en pleine face.

Sujet difficile, controversé et délicat, le film est néanmoins porté par un casting sans fausses notes. D’autant que certaines scènes sont particulièrement éprouvantes, on imagine aisément la relation de confiance entre la réalisatrice et son actrice principale, Emily Browning.

Celle-ci promène nonchalamment beauté diaphane, regard vide et sourire rare. Sa peau est si blanche qu’elle a un côté morbide. La jeune femme, qui surprend véritablement dans ce rôle, se met en danger en permanence, aux antipodes de son rôle de Baby Doll dans Sucker Punch.

De grandes réserves sur ce film donc, mais plus sur le fond que sur la forme. On sort de là avec un sentiment de malaise et l’impression d’avoir assisté à un exercice de style ultra-maîtrisé à l’érotisme froid, statique et étouffant.

Fiche technique

Sortie : 16 novembre 2011
Durée : 101 minutes
Avec Emily Browning, Rachael Blake, Ewen Leslie, Peter Caroll…
Genre : drame