La Dernière bagnarde – Avis +

Présentation de l’éditeur

En mai 1888, Marie Bartête, à l’âge de vingt ans, embarque sur le Ville de Saint-Nazaire. Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de France. On l’envoie au bagne, en Guyane.

Bien sûr, elle a été arrêtée plusieurs fois pour de petits délits, mais elle a connu la prison pour cela. Pourquoi maintenant l’expédie-t-on à l’autre bout du monde ? Reléguée. La France ne veut plus d’elle.

Sur le bateau, elle rencontre Louise, persuadée qu’on les emmène au paradis. Là-bas, on dit qu’il fait toujours beau et qu’elle se mariera. Mais l’illusion sera de courte durée.

Le voyage de six semaines à fond de cale, les mauvais traitements et l’arrivée en terre inhospitalière achèvent de la convaincre que c’est bien l’enfer qui l’attend. Et que, malgré la bonne volonté de soeur Agnès et de Romain, jeune médecin de métropole, personne ne l’en sortira jamais.

C’est le destin de cette prisonnière du bagne de Saint-Laurent-du-Maroni que fait revivre ici Bernadette Pécassou-Camebrac. Elle met en scène d’une écriture énergique et sensible le sort tragique de ces femmes abandonnées de tous, que l’histoire a tout simplement oubliées.

Bernadette Pécassou-Camebrac a publié cinq romans à succès chez Flammarion : La Belle Chocolatière (2001), Le Bel Italien (2003), L’Impératrice des roses (2005), La Villa Belza (2007) et La Passagère du France (2009).

Avis de Claire

S’inspirant d’une histoire vraie, La Dernière bagnarde est un roman sensible, poignant et admirablement écrit. L’héroïne, jeune fille de la campagne, Marie Bartête, orpheline à 9 ans, mariée à 15, veuve à 20 ans est condamnée à la prison pour vol (uniquement de la nourriture pour ne pas mourir de faim), alors qu’elle mène une vie honnête depuis un moment.

Mais, classée comme récidiviste (à l’époque, le vol est aussi puni que le meurtre), elle est envoyée du jour au lendemain au bagne pour «conduite et moralité détestable». En fait, elle correspond parfaitement au genre de jeunes filles dont les autorités veulent se débarrasser. Marie, comme les autres jeunes femmes, iront en Guyane pour y « purger leur peine » et si possible se marier aux bagnards pour repeupler la colonie.

La jeune Marie, personnage très attachant, a du mal à croire à ce malheur qui lui tombe littéralement dessus. Elle était employée de maison, elle gagnait sa vie toute seule, ne gênait personne. Embarquée de force, elle va vivre un véritable enfer pendant les six semaines de traversée, mais le pire sera à venir, au bagne… Sa jeunesse lui autorise au début un peu d’espoir, mais sa vie ne sera plus qu’épreuves et luttes pour survivre.

L’auteur retrace le dur labeur de Marie et de toutes ces femmes avec précision, le travail harassant, les maladies, la promiscuité, la violence des hommes mais aussi la violence des femmes entre-elles… Beaucoup meurent rapidement. Celles qui survivent ne sont plus que les ombres d’elles-mêmes. Marie Bartête tient bon, envers et contre tout. Elle entre ainsi dans l’Histoire, elle est la dernière femme morte au bagne de Guyane dans les années 30 après y avoir passé un demi-siècle.

C’est en 1923, lors du voyage du journaliste d’Albert Londres en Guyane, que l’opinion publique française, mais aussi les autorités, ont découvert l’horreur absolue de la vie au bagne. Mais malheureusement, si l’Histoire retient, à juste titre, les conditions de vie épouvantables des bagnards, les femmes restent les grandes oubliées de cet enfer. Près de deux mille femmes ont également été envoyées dans les bagnes de Guyane ou de Nouvelle-Calédonie, dans le but de peupler ces colonies à la dérive.

Bernadette Pécassou-Cambrerac dresse avec beaucoup de sensibilité ce beau portrait de femme au destin sacrifié. Peu de documents subsistent sur la vraie Marie, comme sur ses compagnes d’infortune. Illettrées pour la plupart, pour les autorités coloniales, elles ne sont que de la chair fraîche, indignes de susciter le moindre intérêt et c’est pourquoi les archives à leur sujet sont rares. L’auteur, dont le travail de recherche est absolument remarquable, restitue avec émotion et passion le quotidien misérable de ces femmes dont on a volé la vie.

Un très beau roman, émouvant, profond et qui ne peut laisser insensible.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 312
Editeur : Flammarion
Sortie : 13 avril 2011
Prix : 20 €