L’autre – Avis +/-

Présentation de l’éditeur

Le jour de la fête des Mères, le corps martyrisé d’une jeune femme est découvert dans son appartement parisien. Cécile Moreau, 37 ans, gît, presque morte, le visage déchiqueté. Qui a pu se livrer à un tel massacre ?

Hantée par un lourd passé familial, meurtrie par un cruel échec amoureux, Cécile s’est jetée à corps perdu dans un engrenage où sexe rime avec violence et soumission. Une existence naufragée, solitaire. La fleuriste de la petite halle ne se liait avec personne et continue de garder, face aux enquêteurs, le secret de ses jeux dangereux. Défigurée à jamais, Cécile a décidé de mettre fin à ses jours… C’est alors qu’une lugubre providence – la mort accidentelle d’une jeune femme de son âge – lui offre l’opportunité d’une deuxième chance.

Celle de changer de visage pour changer de vie.

Celle de devenir enfin une autre.

Mais Cécile a-t-elle raison d’y croire ?

Avis de Marnie

Bien que le sujet puisse le laisser croire, il ne s’agit pas ici d’un thriller mais plutôt d’un roman d’atmosphère où nous plongeons dans l’enfer personnel d’une « victime ». Meurtrie psychologiquement par les aléas d’une vie médiocre, Cécile s’est peu à peu enfoncée dans une sorte de laisser-aller, de masque impersonnel qui se fond dans la foule, une dérive, une existence où le jour, elle ne se laisse remarquer par personne, ne voit même pas les mains qui pourraient se tendre vers elle, pour supporter la nuit au gré de rencontres de hasard, une violence malsaine qui lui fait croire pendant un moment qu’elle existe.

Inutile de se demander ce qui a entraîné l’excellente idée de départ, soit la vraie médiatisation de la première greffe du visage d’une femme étrange qui tenait plus du fait divers que des progrès de la médecine. Ici, Thomas Chagnaud a très bien exploité ce sujet qui se révèle dérangeant à plusieurs niveaux : soit la « laideur » cachée de Cécile que soudain le monde entier peut voir, à la manière du Portrait de Dorian Gray, ou encore l’appropriation de cette bouche qui ne lui appartient pas vraiment… ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.

Peut-on prendre possession sans dommage psychologique d’une partie du corps d’un autre ? Est-ce que le physique peut contribuer à transformer intérieurement une personne ?

Cécile est un personnage complexe. A la recherche d’un amour qui lui a manqué dès sa naissance, notre anti-héroïne se retrouve soudain la star d’une histoire qu’elle ne veut pas écrire. Médiocre, passive, égoïste, certes. En fait, enfermée dans ses propres frustrations, le monde autour d’elle ne l’intéressera jamais ! Seul, le prince charmant qui se présentera à sa porte répondra apparemment au gouffre béant qui doit être comblé. La honte de ce qu’elle est vraiment continue pourtant de la grignoter de l’intérieur l’empêchant même de sauver la vie d’autres « victimes » comme elle… Thomas Chagnaud réussit parfaitement à jouer des contradictions de l’apparence et de la réalité.

Nous regretterons juste un vocabulaire quelque peu grandiloquent, ampoulé, qui se veut beau style et qui ôte de la spontanéité, de l’intensité et du naturel à cette introspection féminine. Une vraie et sèche simplicité aurait fait naître bien plus d’émotion. Quelques termes à la Zola provoquent même le sourire comme les jugements à l’emporte-pièce façon : les jeux vidéos ou internet sont mauvais pour la santé mentale ! De même, subsistent quelques incohérences du scénario : ainsi la présence au départ d’un policier proche de la retraite et qui écrase une petite larme… en oubliant totalement par la suite d’enquêter sur cette femme qui l’a apparemment touché, comme les recherches d’ADN qui s’éternisent on ne sait où !

Au final, les moments les plus réussis se situent comme l’excellente couverture l’indique, sur l’obsession que ressentent certains personnages du roman sur cette bouche qui appartient à l’autre, ces lèvres qui dissimulent les secrets de Cécile et qui pourtant lui ont redonné la vie et l’espoir d’une nouvelle existence. Seulement un beau visage peut-il cacher ce que l’on est vraiment, n’est-il que le reflet du regard de l’homme qui vous aime ? En effet, il faut alors noter l’excellent hommage astucieux au mythique Vertigo d’Hitchcock…

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 269
Editeur : Michel Lafon

Sortie : 24 mars 2011
Prix : 17,50 €