Prête-moi ta vie pour t’écrire là-haut – Avis +

Présentation de l’éditeur

 » Si je n’avais pas été la fille de mon père, j’aurais sûrement écrit un roman sur sa vie… Sur son enfance plus que modeste de petit villageois charentais, se voyant déjà en haut de l’affiche comme violoniste virtuose. Sur son obligation de concilier musique et notariat. Sur son engagement dans l’armée pour pouvoir monter à Paris… avec vue sur le Conservatoire.

Sur son rêve brisé par la guerre de 1914 et son violon remplacé par un brancard ! Sur ses années de galère, après l’armistice et avant, pour lui, une réussite inattendue à la fois comme chansonnier-revuiste et comme mari d’une ravissante normande. Oui, vraiment, la vie de mon père avait tout pour devenir un roman. Alors, finalement, je l’ai racontée sous son regard, dans une tendre et joyeuse complicité.  »

Avis de Marnie

Si les quadragénaires connaissent bien la dramaturge et romancière Françoise Dorin, peu se souviennent de son père qui fut un des plus grands chansonniers français de l’entre-deux guerres, pilier du nouveau cabaret « Deux Anes » et qui mettait joyeusement en boite les politiciens de l’époque, mais qui fut aussi le parolier de l’opérette (ancêtre de nos grandes comédies musicales actuelles) l’auberge du cheval blanc. Il poursuivit sa carrière sous l’Occupation alternant cabarets et radio, puis à la Libération. Décédé en 1969, il avait à son actif une quarantaine de revues et 600 chansons…

Au lieu de choisir l’angle habituel, soit une stricte chronologie, les coups de pouce, de chance, du sort et surtout les rencontres avec de multiples personnages célèbres, Françoise Dorin, sachant pertinemment qu’elle serait incapable d’analyser ou de juger, invente par petits chapitres, de multiples conversations nocturnes et intimes entre une fille et son père lui laissant enfin l’opportunité de relater tout son ressenti. Si bien qu’il n’y a pour ainsi dire aucune révélation fracassante sur tel ou tel personnage célèbre, mais un attachant regard sur un destin hors du commun, des anecdotes familiales, et surtout la description par petites touches légères des impressions d’un homme, témoin, acteur et victime tout à la fois de la grande Histoire en marche.

Le moment le plus touchant se situe en fait dans la première moitié de cette biographie qui se lit comme un roman ludique, d’une légèreté pudique que certains apprécieront comme d’autres s’agaceront. Ainsi, Françoise Dorin se détourne aisément d’une vraie question qui depuis a longuement été évoquée dans les analyse d’historiens : savoir si les artistes devaient poursuivre leur carrière pendant l’Occupation.

En fait, la réponse ici se trouve dans un très long passage situé dans la première partie, soit les quatre ans cauchemardesques vécus par René Dorin, jeune musicien talentueux, à peine sorti de son rassurant petit village charentais, soudainement plongé dans l’horreur de la guerre de 14-18. Le voici alors brancardier et jouant de la grosse caisse presque d’une heure à l’autre, menacé tour à tour par les obus, la maladie, et le révolver d’un supérieur… le tout raconté sur le mode de la dérision, à la façon d’une sorte de Charlie Chaplin qui pense qu’il vaut mieux en rire que d’être traumatisé. Pour ces hommes là, tout paraissait plus supportable que la guerre des tranchées !

Si certaines digressions sur les aléas du monde moderne auraient pu être évitées, un des péchés mignons de Françoise Dorin qu’elle répète à chaque roman, et qui enfoncent des portes ouvertes, l’auteur évite volontairement la nostalgie des temps anciens pour seulement évoquer ce cher passé d’un ton bien plus doux qu’amer qui sonne juste, comme l’immédiate après-guerre, la troisième semaine de novembre 1918, où ce jeune « héros » devenu civil invisible, littéralement sonné et affamé se retrouve presque sans transition transporté dans une autre réalité. C’est dans ces impressions là, que Françoise Dorin sait parfaitement jouer de son talent, et n’oubliera pas d’évoquer subtilement l’influence d’une mère optimiste et joyeuse qui dissimulait à tous des sentiment plus sombres.

Charmant… et un joli témoignage d’amour d’une fille à son père !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 312
Editeur : Flammarion
Collection : Fiction française
Sortie : 26 janvier 2011
Prix : 19,90 €