Bourvil, le jeu de la vérité – Avis +

Présentation de l’éditeur

Enfant sage d’une terre sans illusion, orphelin voué aux labeurs sans gloire, André Raimbourg rêve un autre destin devant le poste de TSF. C’est sous les traits d’un idiot du village qu’il deviendra Bourvil et roi au pays de l’imagination.

Du piston au sein des fanfares pittoresques jusqu’à l’accordéon chez un certain Jambier, rue Poliveau, l’artiste avance sans jamais rien renier. Tour à tour bouffon des opérettes qu’il transcende, chanteur aux accents bouleversants d’humanité, clown conférencier, comédien oublieux des conservatoires, il brûle les planches et griffe l’écran de son rire ou de ses larmes.

Il excelle dans tous les genres et égale les plus grands avec ce supplément d’âme que procure la vérité. Qu’il soit victime de Gabin ou de De Funès, Thénardier, époux de Morgan, résistant involontaire ou drôle de paroissien », il incarne une simplicité impeccable de dignité qui fait de lui, encore de nos jours, une des personnalités les plus aimées des Français.

Avis de Marnie

Serge Le Vaillant n’a clairement pas cherché à écrire une biographie de six cents pages bourrées d’anecdotes, à charge et à décharge, avec des révélations tous les dix paragraphes. Nous ne sommes absolument pas dans ce registre, mais dans celui de l’humain… celui de l’artiste, certes, mais aussi celui du lecteur/spectateur. Toutes les facettes sont évoquées chronologiquement, par petites touches, des nostalgiques de « y’a pas d’hélice hélas, c’est là qu’est l’os » (la Grande Vadrouille), ou « ah elle va bien moins marcher maintenant » (le Corniaud), aux coups de coeur à des personnages de minables sympathiques et émouvants, de Fortunat, en passant par bien évidemment, son chef d’oeuvre, la Traversée de Paris, pour lequel il reçut une récompense à Venise.

En retraçant son enfance, Serge Le Vaillant met en lumière l’évidence du jeu lorsque Bourvil incarne « son » personnage d’imbécile heureux. Le jeune André Raimbourg est un élève sérieux, sportif, dont les parents se sacrifient pour qu’il puisse devenir instituteur. Ses dons pour les instruments populaires lui permettront de jouer de la musique et de chanter d’un air benêt des refrains tendancieux aux fêtes de famille et de village… c’est cela qu’il va exploiter en premier.

Si la tacatacatique du gendarme, les crayons, ou la salade de fruits ont quelque peu perdu de leur charme, nous avons toujours envie de rire en entendant les vertus de l’eau ferrugineuse, ou sommes émus d’écouter qu’un oranger sur le sol irlandais, cela ne se verra jamais. Quant à l’émotion tout autour de la Tendresse… Bourvil, homme de radio, Bourvil, homme du music-hall que les gosses adoraient, Bourvil, patient et humble faire-valoir des jeunes premiers de l’époque comme Guétary, ou comme Jean Marais, qui lui parle d’un ton abominablement condescendant dans certains films de cape et d’épée, Bourvil que ses partenaires féminines adoraient sans qu’il existe la moindre ambiguïté.

Tous ces petits textes, certes, sont de parti-pris. Toutefois, n’oublions pas qu’en quarante ans, personne n’a jamais entendu la moindre critique faite à l’encontre de Bourvil. Il s’est même superbement bien entendu avec Jean Gabin, Lino Ventura [[Souvenez-vous du film d’aventures/action : les Grandes Gueules]].

Comme tout « gentil » qui se respecte, il pourra à l’occasion devenir un personnage ignoble, lâche, faible, et atteindre là des sommets. Ses prestations dans les films de Jean-Pierre Mocky représentent de parfaits exemples de ce besoin d’explorer des facettes inattendues d’un talent génial. Que dire aussi de son rôle de Thénardier face à Jean Valjean (Jean Gabin) ? Peu l’ont égalé… Alors qu’il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre, luttant de toutes ses forces contre le cancer, il interprète avec une intensité crépusculaire, face aux plus grands comédiens des années 70, un policier glaçant et sans scrupule dans le Soleil Rouge.

Enfin, si les textes sont chaleureux, enthousiastes, l’humanité de Bourvil est littéralement sublimée par les photos choisies. Si les affiches de films, de disques, les photos prises à l’Alhambra avec la bonne copine Annie Cordy, ou les rires sur les tournages, soulignent la légende du bon vivant, du sportif gai et enjoué, du malicieux partenaire toujours prêt à rire et amuser la galerie, certaines autres dévoilent le « brave type » fou de sa femme et de ses enfants.

Ainsi, s’il n’y avait qu’une à retenir, ce serait celle prise dans l’intimité de son salon, au pieds d’une jeune fille assise sur le canapé, qui habillée en pantalon noir et pull blanc, cheveux sages et sans maquillage, concentrée et l’air sérieux, semble apprendre à jouer de la guitare, alors qu’il s’amuse avec la girafe Sophie… L’espace d’un instant (à des lieux du film qu’ils tournaient ensemble le Trou Normand) l’évidence de cette tendresse père, fille entre Bourvil et Brigitte Bardot nous en dit mille fois plus sur la simplicité et l’honnêteté de cet homme que mille témoignages !

Fiche Technique

Format : album
Pages : 141
Editeur : Jacob-Duvernet
Sortie : 30 septembre 2010
Prix : 24,95 €