Exit music – Avis +

Présentation de l’éditeur

John Rebus va partir à la retraite ! Il lui reste une semaine pour régler ses derniers comptes. Avec Big Ger Cafferty surtout, le caïd d’Edimbourg qu’il n’a jamais réussi à faire tomber. En enquêtant sur le meurtre d’un poète russe dissident, Rebus entrevoit l’existence de liens entre Cafferty, la délégation d’oligarques moscovites qui se pavane en ville, une députée nationaliste du Parlement écossais et une banque d’affaires florissante. Mais, comme toujours, sa hiérarchie fait la sourde oreille. Et comme toujours, l’irréductible inspecteur s’obstine…à tel point qu’il est mis à pied trois jours avant son départ.

Dans l’éternelle guerre de fond qui oppose le vice à la vertu, Rebus va-t-il enfin l’emporter contre le monde des nantis, des arrogants et des corrompus ?

Avis de Marnie

Exit music est la dix-septième… et dernière enquête de l’inspecteur Rebus, héros récurrent qui a commencé sa carrière en 1987 et qui murit en temps réel. Donc, après vingt ans de bons et loyaux services, le « rebelle » John Rebus tire sa révérence [[la retraite pour les officiers de la police écossaise est à 60 ans, sans exception]] dans une intrigue complexe aux tenants et aboutissants franchement inattendus, rythmés par le compte à rebours imposé à notre héros, bien malgré lui. En effet, il s’agit de ses dix derniers jours avant que sonne l’heure de sa retraite, et ce ne sont pas ses supérieurs qui vont le regretter, mais ses nombreux fans, si !

Il aurait été classique de jouer sur la nostalgie d’un homme à l’automne de sa vie, pour qui le travail constitue toute son existence et qui n’aura plus le lundi suivant que l’alcool, la cigarette et la musique rock des années 70, et ses arrêts quotidiens à l’Oxford bar[[ qui existe vraiment]] pour le relier à la vie. Mais Ian Rankin choisit une option nettement plus subtile, celle de la frustration.

John Rebus est un individualiste désabusé, à l’humour grinçant, rebelle à tous ordres, suivant ses propres règles avec une obstination qui a déjà entraîné la chute de son mariage et la perte de beaucoup de ses amis. La seule personne à résister, qui le suit avec une fidélité (à toute épreuve ?) dans l’abîme dans lequel il tombe avec un certain panache, c’est son adjointe… son successeur aussi, Siobhan Clarke, avec qui il entretient une sorte d’amitié complexe puisque la jeune femme doit enfin s’émanciper de ce lourd tutorat, son mentor ne se décidant pas de gaité de coeur à lui laisser la place qui doit lui revenir.

Comme d’habitude avec Ian Rankin, l’intrigue policière n’est qu’un prétexte pour analyser et mettre en lumière les liens entre l’économie et la politique qui gangrènent la société écossaise. A tous les niveaux, il y a deux visages pour l’auteur, Edimbourg accueillante ville touristique, face à son aspect sombre où se profilent l’ombre des raffineries, des industries convoitées par des investisseurs véreux. Nous voici à la croisée des chemins pour l’Ecosse, avec sa volonté d’indépendance qui doit se donner les moyens de le devenir mais peut-être en perdant son âme !

Alors, bien évidemment, John Rebus a plus de problèmes avec sa hiérarchie, mais aussi hommes d’affaires et membres du fameux parlement écossais, qu’avec les méchants. Intelligemment, l’auteur ne reprend pas non plus le refrain trop facile de « tous pourris ». Son analyse de cette réaliste et inextricable situation politico-financière est bien plus subtile et profonde qu’il n’y paraît. L’obstination de Rebus à vouloir se faire les hommes de pouvoir pourrait l’amener à être victime de ses préjugés ou de son aveuglement…

Pour la dernière fois, il retrouve son fameux ennemi, Big Ger Cafferty, le chef de la pègre d’Edimbourg. Leur relation faite de rancoeur, de haine et de frustration, est aussi mêlée d’une sorte d’estime mutuelle, celle peut-être d’avoir trouvé depuis plus de vingt ans un adversaire à la mesure de l’autre. Défilent toute une galerie de personnages plus intéressants les uns que les autres. La profonde solitude de Rebus se confronte à l’équipe dirigée par Siobhan Clarke qui doit prendre ses marques en menant une enquête d’envergure tout en choisissant et gérant les caractères des agents.

Le style de Rankin n’est pas de jouer avec de l’action à l’américaine, mais plutôt de s’attarder sur l’atmosphère « film noir » en hommage à l’univers de James Elroy. Même si vous êtes amateurs de poursuites de voitures, vous ne vous ennuierez pas une seconde, tant les nombreux thèmes abordés au cours de cette intrigue sont aussi approfondis que nuancés.

Dans cette dernière aventure [[une des meilleures, avouons-le]] pas si crépusculaire que cela, au final particulièrement réussi, vous l’aurez compris, Rebus passe le relais à Clarke, alors que le troisième personnage de ses romans, Edimbourg, habite l’écriture de Ian Rankin, de sa présence vraiment impressionnante, aussi nuancée qu’évolutive.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 446
Editeur : Le Masque
Collection : Grands Formats
Sortie : 13 octobre 2010
Prix : 22 €