Interview de Tanya Huff

Onirik : Votre légende urbaine suggère que vous ayez travaillé dans une librairie spécialisée avant d’écrire. D’autre part, est-ce vrai que Le prix du sang (Blood Price) est le premier roman que vous ayez publié ?

Tanya Huff : J’ai effectivement travaillé à Bakka Books à Toronto (province de l’Ontario au Canada). La librairie s’appelle maintenant Bakka-Phoenix et c’est la plus ancienne librairie de science fiction et fantasy d’Amérique du Nord… Pendant que j’y travaillais, j’ai vendu mes cinq premiers ouvrages : Daw – Child of Tanya Huffe Grove, Tanya Huffe last wizard, Gate of Darkness, Circle of Light, Tanya Huffe Fire’s stone et Blood Price. Blood Price a donc été le cinquième à avoir été publiés.

Onirik : Vicki Nelson est un personnage désabusé qui a perdu son travail. Sa vie décline à cause d’une maladie dégénérative irréversible et elle peut devenir rapidement aveugle. Confrontée au surnaturel, elle croit ce qu’elle voit bien que c’est sensé ne pas exister (démon, vampire…). Que lui avait vous transmis de vous-même ?

Tanya Huff : Au fond, Vicki est en fait beaucoup comme moi. Elle a à la fois mon cynisme et ma volonté d’être convaincu par ce qu’elle voit – même si ce qu’elle voit pourrait n’être considéré seulement comme différent. Je crois en mes propres capacités de déduction et de raisonnement plus que ce qu’on peut me dire ce qui est vrai ou pas. Cela dit, je ne suis pas du tout désabusée, j’adore mon travail, et mes yeux vont bien, merci !

Onirik : Vous réussissez à mélanger harmonieusement différents mythes comme la sorcellerie, le vampirisme, la religion avec des détails très précis. Est-ce parce que vous connaissez bien ces sujets ? Si ce n’est pas trop personnel, pouvez-vous nous dire en quoi vous croyez ?

Tanya Huff : Je crois en mon travail sur tous ces sujets et j’y travaille beaucoup !

Onirik : Henry Fitzroy est un fervent catholique. Pourquoi n’est-il pas plus comme son père (Henry VIII a été à la base de la religion anglicane notamment pour rejeter l’autorité du pape). J’avoue que c’est une question qui m’a titillée durant ma lecture.

Tanya Huff : Henry a été élevé en tant que Catholique. La décision du parlement qui a créé l’église anglicane a été votée en 1563, l’année de la mort d’Henry. Le premier livre de prières anglican n’a pas été publié avant 1549 (NDA : Gasp ! mon inculture est découverte).

Onirik : Beaucoup d’histoires de vampires prennent place à la Nouvelle Orléans. Vous avez choisi de situer votre monde à Toronto parmi le vent, la neige, la pluie et la froidure. Qu’est-ce qu’apporte ce climat à vos livres ?

Tanya Huff : J’ai situé cette série à Toronto tout simplement parce que c’est là où j’habitais à ce moment là. Sans nier son importance, je ne suis pas sure que le mauvais temps ajoute quoi que ce soit de particulier à l’ambiance. Les Canadiens ont si souvent du mauvais temps que nous avons appris à l’ignorer et à faire avec.

Onirik : C’est une réponse surprenante, car ici beaucoup ont noté le poids du climat sur l’intrigue. Il faut dire, que même dans le nord de la France, nous n’avons pas une aussi mauvaise météo et il est rare d’avoir autant de jours de pluie à la suite.

Tanya Huff : Chez nous actuellement, la température est en dessous de zéro depuis une semaine et le blizzard souffle depuis autant de jours. Vous imaginez que pour nous, une petite pluie n’est rien ! (sourire)

Onirik : Votre manière d’écrire est particulièrement intéressante. Nous avons le sentiment que vous appréhender bien votre lectorat. Vous nous conduisez sur des voies que nous imaginons connaître et pensons deviner et vous nous offrez à la place une surprise. Lorsque vous écrivez, qu’est-ce qui est le plus important pour vous ?

Tanya Huff : Pour moi, ce qui est le plus important lorsque j’écris est que l’histoire soit limpide. Si le lecteur n’arrive pas à comprendre ce qui se passe, on peut dire que neuf fois sur dix c’est la faute de l’auteur. Quelqu’un m’a dit un jour que la lecture de mes livres pouvait être comparée aux histoires racontées autour d’un feu de camp, comme si j’étais le narrateur. J’avoue que c’est pour moi un merveilleux compliment.

Onirik : En vous lisant, nous avons aussi l’impression que chaque mot est pensé et est à sa place. Êtes-vous d’accord ?

Je suis très intéressée par le pouvoir des mots et je prendrai le temps qu’il faut pour dénicher le mot juste plutôt qu’utiliser une douzaine d’autres qui n’aboutiraient pas au résultat attendu.

A cause de cela, je suis fascinée par le processus d’adaptation dans une langue étrangère et j’avoue espérer que mon français soit suffisamment bon pour lire la version française. Comme beaucoup de Canadiens, je peux lire en français mieux que je peux le parler. Pourtant, mes aptitudes dans cette langue ne me permettent malheureusement pas de lire un roman. Quoique, cela pourrait être un bon moyen de m’améliorer…

Onirik : Vous débutez l’écriture de vos romans avec une histoire ou un personnage ?

Tanya Huff : Avec les romans, je commence toujours à créer les personnages, les faire prendre vie, les doter de chair et d’os, les rendre aussi réel que vous et moi, cela conduit immanquablement à construire l’histoire.

Avec les nouvelles, c’est toujours l’idée qui vient en premier.

Onirik : Les aventures de Vicki Nelson sont adaptées au petit écran (NDA : tournage en cours). Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Je suis absolument ravie par l’adaptation à la télévision de Blood Ties. Je dois reconnaître que chaque personne impliquée dans la création que ce soit des producteurs exécutifs jusqu’au techniciens fournit un incroyable travail. Savoir que ce que vous avez créé inspire autant de personnes douées et consciencieuses offre un sentiment extraordinaire.

Onirik : Etait-ce l’un de vos rêves ?

Tanya Huff : J’ai toujours pensé que Blood Ties pourrait faire une bonne série télévisée mais je ne pourrais pas dire que j’en ai vraiment rêvé.

Onirik : Est-ce que le choix des acteurs correspond à l’image que vous aviez de vos personnages ?

Les acteurs – Christina Cox est Vicki, Dylan Neal est Mike et Kyle Schmid est Henry – sont réellement géniaux. Le truc amusant est que dans les années 90 j’avais dit que Christina serait une parfaite Vicki dès qu’elle serait un peu plus âgée et j’avais raison. Elle est définitivement Vicki et je ne peux imaginer personne d’autre pour le rôle.

Dylan a un petit peu éclairé mon Mike et ce n’est finalement pas plus mal car il tend à être un peu trop cafardeux et pour une série avec un format de 22 épisodes, ça aurait finit par devenir lourd. L’interprétation de Henry par Kyle m’abasourdit à chaque fois. Je n’arrive pas à croire à quel point il est parfait pour le rôle. D’autant qu’il a la tâche la plus difficile car il porte la gravité d’un prince/vampire de 470 ans bien qu’il n’ai qu’une vingtaine d’années, âge de sa mort. Il y est vraiment ahurissant.

Onirik : Est-ce que la série s’inspire de votre atmosphère lourde et sombre ?

Tanya Huff : Vous avez le sentiment que c’est lourd et sombre ? J’ai pas cette impression. Toutefois le programme suit fidèlement l’ambiance des livres. Je pense que Peter Mohan, le producteur exécutif, a réellement su capturer mon sens de l’humour.

Onirik : Même pour son côté assez sexuel ?

Tanya Huff : A cause de l’horaire de diffusion, nous avons dû couper certaines scènes, mais grâce aux acteurs cela reste torride.

Onirik : Pouvez-vous nous donner quelques indices pour la suite des aventures de Vicki Nelson ?

D’aussi loin que cela me concerne, il n’y aura que 5 romans autour de mes héros : Blood price (le Prix du sang), Blood trail, Blood lines, Blood debt et Blood pact. Il y a également neuf nouvelles, peut-être plus, mais je n’écrirais plus de récit de la longueur d’un roman pour ces personnages. J’ai dit tout ce que j’avais à dire à leur sujet. Mais maintenant, grâce à la télévision,  il y aura au minimum 20 histoires toutes nouvelles, et c’est tout simplement fabuleux.

Onirik : Un grand merci pour votre temps

Tanya Huff : De rien, et si vous avez besoin de la moindre information, je suis là et je promets de vous répondre immédiatement (sourire).