Mortelle Collection – Avis +

Le monde des services secrets engendre parfois la perplexité. Pauline Dugast de la DST se demande pourquoi elle doit surveiller les agissements de membres de la C.I.A. travaillant dans la clandestinité sur le territoire français. Son collègue américain, Mark Harrison, s’interroge sur les raisons de « sécurité nationale » qui l’amènent à organiser la filature de Bertrand Cousin, un obscur agrégé d’Histoire français sortant de l’hôpital.

Bourré d’antidépresseurs Bertrand Cousin ignore tout de cette double filature. Son existence heureuse de mari et de spécialiste de Napoléon s’est achevée lorsqu’un chauffard a délibérément projeté sa voiture dans un ravin. Ironie de l’Histoire cela s’est produit sur la célèbre route Napoléon. Traquant l’assassin de sa femme de L’Australie au Golfe-Juan, son périple de vengeur-amateur se trouve en liaison avec l’Histoire impériale.

Et médusés, à la fois admiratifs et perplexes, les deux agents des services secrets « alliés » (ne pas oublier les guillemets) ne peuvent que constater qu’à deux siècles de distance le personnage de Napoléon sert de catalyseur à l’affirmation de personnalités originales. C’est ainsi que vont apparaître deux napoléoniens australiens octogénaires, un oligarque chinois regrettant le manque de combativité des « triades corses », une beauté fatale du XIIIe arrondissement, le sosie de Joséphine de Beauharnais, un collectionneur fétichiste, deux antiquaires italiens surgis d’un film de Fellini, un chirurgien écossais partisan du rattachement de l’Ecosse à la France et haïssant les Américains depuis qu’ils ont mis en avant (d’horrible façon) le nom de MacDonald au dépend du maréchal impérial Etienne MacDonald.

Sans oublier deux intervenants surprises de la CIA n’ayant certainement jamais entendu parler de Napoléon : « Deux primates qui ne parlaient aucune langue étrangère (et un américain très sommaire), qui n’avaient pas la moindre notion de géopolitique, d’informatique, de droit, de physique nucléaire ou de secrets industriels. Bref, deux rouages grossiers, mais indispensables au bon fonctionnement de l’Agence »[[je soupçonne Milton Brabeck & Chris Jones les deux exécutants fréquentant son altesse sérénissime le prince Malko Linge d’avoir servi de modèle à ce singulier duo de primates ]].

Relatés alternativement par les trois principaux protagonistes ce thriller mêlant espionnage et arrière-plan historique nous apprend accessoirement que les body-bags figurent parmi les outils de travail des « Nettoyeurs » et que la lecture de Lucky Luke contribue à lutter contre l’anti-américanisme primaire. Instructif sur le plan historique, ce roman démontre le talent de Didier Sénécal dans le traitement des personnages.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 216
Editeur : Fleuve Noir
Sortie : janvier 2010
Prix : 18 euros