La patrouille de l’aube – Avis +

Présentation de l’éditeur

Boone Daniels ne pense qu’au surf. Avec sa  » patrouille » – quatre garçons et une fille qui les vaut tous -, il affronte les vagues tous les matins. Pour assurer son quotidien spartiate, il est détective privé. Boone a l’air cool, comme ça, mais un drame passé le ronge: quand il était flic, la petite Rain disparu, et elle n’a jamais été retrouvée.

La défenestration d’une strip-teaseuse lui donne l’occasion de se racheter: chargé de l’enquête, il met au jour l’exploitation de très jeunes clandestines mexicaines dans les champs de fraises de l’arrière-pays. Et cela juste au moment où l’on annonce la plus grosse houle jamais vue sur la plage de San Diego… un vrai rêve de surfeur.

S’il la manque, c’en est fini de la patrouille de l’aube. Voici un roman ample comme une vague, entre ombre et lumière, fraternité limpide et trafics sordides. Thriller dur traversé par des flèches d’humour, il évoque avec générosité une certaine Amérique, caractérisée par l’idéal de liberté et la mixité ethnique.

Avis de Valérie

Don Winslow fait partie de cette catégorie d’écrivains dont le talent est si évident qu’une critique de son dernier livre n’a pas besoin d’en faire mention pour l’encenser. Néanmoins, puisque nous y sommes, il est intéressant de noter que sa principale qualité est de créer un monde réel (pourtant de fiction) dans lequel nous évoluons aux côtés des protagonistes, comme si cette irréalité pouvait devenir tangible d’un instant à l’autre. Il a une vision, un talent d’écrivain littéraire qui transforment l’imaginaire comme s’il écrivait en 3D. Au delà de la crédibilité nécessaire pour faire tenir un tel livre, l’intelligence de l’auteur vient en soutien de son style et pour étayer les faits et les protagonistes à l’aide de mot, comme le ferait un photographe ou un infographiste à l’aide de lumière ou d’une palette de couleurs plus clairs.

Nous suivons ici une poignée de surfeurs de la côte ouest qui, chaque matin que Dieu fait, patrouille sur la mer pour sécuriser cette matrice qui peu tout autant leur apporter un plaisir quasi-mystique qu’enfouir à jamais même le meilleur des nageurs. Nous nous attachons plus précisément aux pas de Boone Daniels, surfeur émérite et reconnu qui, pour gagner sa vie après avoir quitté la police, travaille comme détective privé. Engagé par un cabinet d’avocat pour retrouver une strip-teaseuse qui doit témoigner dans un procès civil, il nous entraîne sur une piste qui nous mènera des beaux quartiers aux taudis qui entourent San Diego, capitale du surf et des surfeurs, mais aussi de l’immigration clandestine en provenance du Mexique venant travailler les multitudes champs de fraise.

La première moitié du roman est l’installation des éléments. Même si le héros est définitivement Boone, nous apprenons à connaître presque à hauteur égale ses comparses comme Dave le Dieu de l’amour (sauveteur sans pareil à la réputation de tombeur méritée), High Tide (ancien sportif de haut niveau d’origine samoane et particulièrement imposant), Johnny Banzaï (flic dont les racines japonaises datent de troisième la génération), Hang Twelve (jeunot un peu paumé que la patrouille a pris sous son aile) et la seule fille Sunny qui n’attend que sa chance pour décrocher des contrats pubs offerts par les grandes marques de surf lors d’événements sportifs. On voit régulièrement le caïd du coin, Red Eddy, ami des patrouilleurs, et homme particulièrement original même pour un Hawaïen.

A la fois truculente, comique, profonde, cette première partie est un pur régal, un vrai bonheur à découvrir. L’enquête débute, mais pour l’instant, la bonne humeur, la décontraction de la patrouille permet d’éloigner les mauvaises ondes provenant des petites frappes ou de la rigidité de l’avocate qui talonne Boone. Les termes techniques du monde du surf, comme ceux locaux lié à un mélange de l’hawaïen, du samoan ou de l’espagnol émaillent le texte et si certains lecteurs peuvent être rebutés, c’est en partie grâce à ce procédé que nous sommes totalement immergés dans l’histoire. D’autant qu’ils sont clairement expliqués en annexe et que c’est un pur délice que de découvrir de l’intérieur ce monde de la glisse, que la France connaît peu (ne parlons pas de Brice de Nice !).

Puis, presque sans que l’on s’en aperçoive, le récit dérape dans le sordide. L’intrigue prend un pas prépondérant sur la trame générale et nous n’avons plus qu’un choix, à l’instar des personnages, que de dérouler le fil jusqu’au bout, jusqu’à la lie. L’ambiance est totalement différente. Grave, désabusée, dangereuse, elle saisit un à un les patrouilleurs et change leur vie pour toujours. Au fur et à mesure que l’on avance, on comprend que le dénouement ne pourra être que violent, fatal. A ce moment précis, il est conseillé de ne pas lire dans les transports, car vous allez à coup sûr rater quelques stations.

Don Winlosw a déjà vu ses romans adaptés au grand écran. On ne peut que croiser les doigts pour que celui-là le soit également, mais surtout que son ambiance décontractée et le ton polar noir à l’ancienne soient respectés. C’est le livre de l’année, ne le ratez pas.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 350
Editeur : Le Masque
Sortie : 6 janvier 2010
Prix : 22 €