Absente – Avis +

Présentation de l’éditeur

7 octobre 1949. Jean Spangler, actrice de second plan, embrasse sa fille et quitte sa maison pour un tournage de nuit dans un studio hollywoodien. Personne ne la reverra jamais. Les seules choses qu’elle laisse derrière elle : un sac à main trouvé dans un parc voisin, une étrange note, et beaucoup de rumeurs sur de supposées aventures avec des stars de cinéma et quelques maffieux. L’affaire, délicate et sensible, puisque des acteurs comme Kirk Douglas s’y trouvèrent mêlées, fut confiée à l’unité de police qui, quelque temps plus tôt avait été en charge de celle du Dahlia Noir. Les résultats furent tout aussi décevants, et la mystérieuse disparition de Jean Spangler ne fut jamais résolue.

Ce fait divers réel qui longtemps défraya la chronique américaine a inspiré à Megan Abbott ce formidable roman, dans lequel, à la manière de James Ellroy, elle reprend un à un les fils de l’affaire pour nous en proposer une explication aussi surprenante que convaincante.

Elle met en scène Gil « Hop » Hopkins, attaché de presse en pleine ascension, qui, à l’époque de sa disparition avait « couvert » l’affaire pour le studio ou travaillait Jean Spangler, s’arrangeant pour que la réputation de celui-ci reste intacte. Pris à parti deux ans après les faits par une amie de Jean, qui l’accuse d’avoir voulu taire la vérité pour protéger des personnes haut placées dans le monde du spectacle, Gil, autant par peur du scandale que pour apaiser sa conscience décide de reprendre l’enquête. Celle-ci se transformera vite en descente aux enfers dans les bas-fonds d’Hollywood, là ou toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

Avis d’Enora

Grâce aux éditions Sonatine, qui nous gâtent particulièrement ces derniers temps, les lecteurs français peuvent enfin découvrir un des écrivains les plus talentueux et originaux de ces dernières années, dans le domaine du polar noir.

Pour ce roman, Megan Abbott s’inspire d’un fait divers réel, la disparition en octobre 1949, d’une actrice de second plan, Jean Spangler. Mêlant avec brio, personnages réels et fictifs, elle remonte habilement les fils de l’affaire grâce à une documentation particulièrement pointue et dévoile la face cachée d’Hollywood dans les années 50, les coulisses de l’industrie cinématographique de l’après-guerre avec tous les cotés sordides de cette usine à rêves : débauches, drogues, racket, chantages. C’est dans cet univers corrompu qu’arrivent des quatre coins des USA, des hommes et des femmes plein d’espoir, prêts à tout pour devenir célèbres. Jean Slangler était l’une d’elles.

Son héros, à la fois cynique et pitoyable, s‘appelle Gil Hopkins, dit Hop, attaché de presse pour un grand studio après avoir été reporter pour le magazine Cinéstar. Oh ! Pas un attaché de presse de seconde zone qui se contente de nuancer les réponses et de masquer les gros mots ou les mauvaises tournures de phrases de ces « andouilles de péquenaud » d’acteur ou de « salope de haut vol » de starlette lors d’interviews à la presse. Non, Hop est l’un des meilleurs du studio, un de ceux qui recueillent les secrets et érigent autour une forteresse en acier blindé, qui balancent les seringues dans les bouches d’égout, ramassent les lettres d’adieu dans les poches des suicidés et glissent quelques billets pour étouffer les choses.

Il adore sa vie : des chemises soyeuses, du bon gin, une fille différente tous les soirs, un bureau tout en chrome et acajou et des entrées dans les meilleurs clubs. Du moins il s’en persuade tant qu’il ne pense pas à sa femme partie vivre avec son meilleur ami. Aussi quand Iolène revient deux ans plus tard, l’accuser d’avoir étouffé l’affaire de la disparition de Jean, sa meilleure amie, pour couvrir des gens célèbres, le voilà qui se met à souffrir d’une sorte de réflexion introspective qui le pousse à reprendre l’enquête. Arriviste, intelligent, il s’est hissé sans trop de scrupules, en se servant de la boue des scandales, mais la disparition de Jean va réveiller chez lui des brides d’une conscience jusque là ignorée. Ce qu’il ne sait pas c’est qu’en recherchant la vérité sur la personnalité de Jean c’est à la sienne qu’il se heurtera.

Megan Abbott réussit ici, un polar noir, cynique, captivant, avec un scénario ambitieux et brillant qui repose sur une parfaite documentation. Particulièrement bien écrit, c’est à la fois une enquête sur la société hollywoodienne de l’après-guerre et en même temps sur les méandres de l’âme humaine. Une mention particulière pour son personnage principal, complexe, sombre et absolument fascinant.

Un petit bonus pour le plaisir : la couverture américaine, clin d’oeil aux films de l’époque.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 273
Editeur : Sonatine
Sortie : novembre 2009
Prix : 16 €