Présentation de l’éditeur
Aujourd’hui, son père est mort. Là-bas, au bled. Omar se souvient. Les mains de Vava Ali, ces mains d’immigré, rongées par les produits de la tannerie. Sa voix, les histoires qu’il racontait. Celle de la Poule qui voulait épouser un Faisan, celle de l’Ane qui offrait des rêves…
Des histoires que le vieux kabyle ne peut plus raconter, étendu, inerte, dans les cris des femmes et le respect des hommes. » Courage et patience « , souhaite-t-on à l’orphelin… De retour à Paris, un programme nettement moins romanesque l’attend : Omar est nègre et son éditeur veut du » destin « . Celui de Robert Santucci, par exemple, ancien caïd à peine sorti de prison.
Aventure, exotisme, violence et passion : cette vie qu’il lui faut écrire, c’est bien le contraire de la sienne. Dans la grisaille parisienne, Omar suit ce conseil doux-amer : courage et patience, vraiment…
Avis d’Enora
Omar retourne en Kabylie pour enterrer son père, Vava Ali, l’écharneur analphabète qui avait bercé son enfance de comptines. Ce père qui l’a poussé sur le chemin de l’écriture en faisant très tôt de lui l’écrivain public du bled. Maintenant Omar est nègre et de retour à Paris son éditeur lui impose de faire la biographie de Robert Santucci, un truand qui vient de sortir de prison.
« Courage et patience » sont les mots que l’on prononce pour réconforter la famille endeuillée en Kabylie. Et il en faudra à Omar du courage et de la patience, entre l’ancien caïd au méchant caractère, son cousin et ses peines de cœur et son ancien camarade qui lui empoisonne la vie. Pourtant cet été à Paris, pourri par la pluie, se révélera être un des plus bels étés de sa vie.
Akli Tadjer nous livre avec Courage et patience un petit bijou d’humour, d’humanité et de tendresse. Comme toujours l’auteur part d’un événement personnel pour écrire son roman, ici c’est la mort de son père, un père illettré mais fasciné par l’écriture et à qui il doit sa vocation d’écrivain. Pour son personnage principal, Omar, le destin d’écrivain est celui d’un nègre qui raconte des vies, celle de la reine du tajine, celle d’un ex-champion de domino ou celle d’un ex truand.
Et sa vie à lui dans tout cela ? Omar pense avoir bien du mal à la réaliser surtout maintenant que son père est mort. Pourtant c’est la disparition de Vava Ali qui va lui permettre de ne plus être prisonnier de lui-même, de l’image du bon fils mais de devenir un homme en replongeant dans ses racines. Enfin si les autres lui laissent un peu de temps pour penser, ce qui n’est pas gagné ! Que ce soit l’ex-caïd dont il doit faire la biographie et qui se poche au Picon bière ; ou son beau cousin Mokrane, grand costaud au cerveau plein d’eau et au cœur gros comme la misère, amoureux d’une jeune fille stupidement belle qui le rend régulièrement cocu ; ou Œil de Poiscail, l’ami d’enfance qui doit son surnom à son strabisme divergent et qui se prend pour un dur, un « touffu des baloches ».
C’est beau comme du Pennac qui aurait croisé Alphonse Boudard.
L’écriture est riche, drôle, grouillante de vie, les répliques fusent mordantes, amères, les personnages ne se lassent pas de nous émouvoir. Un superbe roman, plein de tendresse et d’humour, à la fois, aussi amer que la vie, aussi doux que l’amour et aussi apaisant que la mort comme les trois services de thé berbère.
Fiche technique
Format : poche
Pages : 250
Editeur : Pocket
Sortie : octobre 2009
Prix : 5,90 €