L’affaire de Road Hill House – Avis +

Présentation de l’éditeur

Au cours de l’été 1860, un fait divers atroce bouleverse l’Angleterre, déclenchant à travers tout le pays une hystérie médiatique sans précédent. Qui a tué le jeune Saville Kent, trois ans, dernier-né d’une famille de respectables bourgeois de la campagne anglaise ? Parmi les membres de la famille, chacun semble coupable car chacun a quelque chose à cacher. Immédiatement, les journaux s’emparent de l’affaire, et l’enquête, menée par Jack Whicher, célèbre détective de Scotland Yard, dévoile à tout le pays l’intimité d’une famille au-dessus de tous soupçons. Récit d’un scandale, acte de naissance du pouvoir de la presse, mais aussi du roman policier anglais, L’Affaire de Road Hill House est avant tout une histoire aussi vraie que captivante…

Avis d’Enora

Tout commence un matin de juin 1860 par la disparition du jeune fils de la respectable famille Kent, résidant à Road Hill House. Quelques heures plus tard le petit corps est retrouvé égorgé. Le meurtrier ne peut être qu’une des dix huit personnes habitant le manoir : Samuel Kent et sa seconde femme, enceinte de huit mois, les quatre enfants de son premier mariage, les deux petits de sa seconde union et les domestiques. Les premiers soupçons se tournent évidemment vers la nurse (évidemment, car dans l’air du temps, seuls les personnes de bas niveau social étaient censées pouvoir commettre un tel acte…) mais rien ne colle, on va donc faire appel quinze jours plus tard à l’inspecteur Jack Whicher de Scotland Yard, nouvelle unité qui comptait alors huit hommes. Il faudra presque cinq ans pour que quelqu’un se dénonce mais des zones d’ombre demeureront néanmoins, laissant encore cours à bien des suppositions.

Kate Summerscale ne présente pas son livre comme un roman mais comme un essai, il n’y a pas moins de soixante quatorze pages de notes et de références bibliographiques à la fin de l’ouvrage. Tout y est minutieusement étudié, aussi bien la vie de l’époque, que les personnages ou l’enquête elle-même. Cette accumulation de détails basée sur d’énormes recherches, donne au livre un rythme saccadé et un peu haché par les multiples digressions. Plus présenté comme une thèse que comme un récit, cet ouvrage est par moment d’une lecture laborieuse, mais cette difficulté surmontée, il faut avouer qu’il est d’une richesse incroyable. A la fois étude sociologique et témoignage d’une époque, il analyse aussi bien cette société victorienne de classe moyenne dont l’intimité était devenue un attribut essentiel et derrière laquelle pouvaient se cacher les pires exactions, que la montée du journalisme, le début de l’ère du voyeurisme et le tournant dans les recherches scientifiques. Avec beaucoup d’érudition et de nombreuses références littéraires, elle démontre aussi comment cette affaire va faire naître un genre nouveau : le roman policier anglais.

Peut-être moins voulu par l’auteur, mais pour ma part tout aussi intéressant, est le témoignage que cela apporte sur la condition féminine en Angleterre à la fin du XIXe siècle : décrétée folle par son mari dès son premier accouchement (alors qu’il s’agissait surement des effets secondaires d’une infection courante en ces temps), la première Madame Kent n’en subira quand même pas moins de dix grossesses en quinze ans ! Il était aussi, tout à fait admis, que les domestiques féminins pouvaient corrompre les enfants comme les parents (en clair, lorsqu’un patron couchait avec sa domestique, c’est parce qu’elle avait été la première à le conduire et à l’initier au péché). Le Times de l’époque n’hésite pas à écrire que le sexe faible a la réputation de traverser l’adolescence avec une absence totale de cœur et de tendresse, les filles étant plus dures et plus égoïstes que les garçons. Il est intéressant aussi de voir les théories des médecins aliénistes de l’époque, pour qui la folie était héréditaire et se transmettait de mère en fille.

Sorte de reportage historique minutieux, reposant sur une documentation extrêmement riche, L’affaire de Road Hill House est une véritable mine pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire, à la sociologie ou à la littérature !

Fiche technique

Format : poche
Pages : 528
Editeur : 10/18
Collection : Domaine étranger
Sortie : 17 septembre 2009
Prix : 8,90 €