Présentation de l’éditeur
Très tôt, Jehan-Rictus décide de transformer la langue comme le feront les rappeurs. Il transforme la langue de la rue en poésie. Son verbe gouailleur et argotique, réglé sur la parole de ceux qui n’ont pas la parole, ses poèmes au phrasé expressif clament et protestent les misères du peuple pauvre. Et la puissance de ses mots lui vaut de demeurer, encore aujourd’hui, le premier chantre des victimes, des exclus et des marginaux.
Cette œuvre sauvagement humaine, cette révolution esthétique est devenue un classique de la littérature sociale, à relire d’autant plus vite qu’il éclaire et fait écho à bien des voix de la scène française contemporaine.
Avis d’Enora
Difficile lorsqu’on lit ces vers, d’imaginer qu’ils furent écrits en 1897 tant ils restent résolument modernes dans leurs formes, et dans leur fond (honte sur nous !). Les soliloques du pauvre, ce sont les cris de ceux qui souffrent de l’exclusion, du froid, de la faim. Plus d’un siècle plus tard, rien n’a changé !
Ils nous parlent des sans-abris :
Doit gn’y avoir des plumards couverts
D’égledons de fourrur’s et d’peaux
Ousqu’y fait doux, ousqu’y fait chaud,
Ben moi…j’suis dehors en Hiver
Des sans-papiers :
Non, pas de méfiance ou d’paperasses,
Toujours à pister votre trace,
Avec leur manie d’étiqu’ter ;
Ce n’est pas de la fraternité !
Des cités de banlieue :
La plupart sont des grand’s bâtisses,
Qui branl’nt, qui suint’nt, qui pleur’nt, qui puent,
De vrais casern’s plein’s de ménages
Où y a , quoi qu’en disent les repus,
Du malheur à tous les étages…..
Y sont là n’dans…y n’ont pas l’choix
Dans ces cahut’s, dans ces cassines,
Pliés, tassés à l’étroitesse
Comm’ dans leurs barils des anchois
Ces soliloques au nombre de sept sont écrits en octosyllabes et utilisent la langue parlée, l’argot de Paris, et l’amuïssement (modification phonétique consistant en l’atténuation ou la disparition d’un phonème ou d’une syllabe). Cela donne à ces poèmes un rythme respiratoire très musical, qui n’est pas sans rappeler le Rap ou le Slam. C’est ce langage populaire, coloré, imagé, que Jehan-Rictus utilise avec colère et douleur pour dénoncer la société, ses injustices, son individualité et son indifférence.
Un des plus beaux soliloques pour moi est celui du Revenant, qui imagine la rencontre entre un clochard et Jésus Christ revenu sur terre.
Pardonnez-nous les offenses
Que l’on nous fait et qu’on laiss’faire
Et ne nous laissez pas succomber à la tentation
De nous endormir dans la misère
Et délivrez-nous de la douleur…
Merci au Diable Vauvert d’avoir donné avec cette nouvelle collection, l’opportunité pour tous de découvrir ou de redécouvrir ces textes magnifiques plein d’espoir et de lassitude, de colère et de tendresse.
Fiche technique
Format : poche
Pages : 220
Editeur : Au diable Vauvert
Collection : VO.X
Sortie : mars 2009
Prix : 5 €