Gagnez des entrées pour le Salon du livre

Livresse

– Bonjour Madame, souhaitez-vous une formule à emporter ou consommer sur place ?
– Sur place, s’il vous plaît.

Je m’installe confortablement dans un gros fauteuil rouge et mou, envahi de coussins. Cette bibliothèque est l’une des plus réputées de la ville. Le décor, l’accueil, le service, le choix… tous les critères ont reçu la note maximale dans le guide « Miche lit » des meilleurs endroits pour lire.

Je parcours la table des matières avec gourmandise. J’hésite : me réfugier dans le choix sécurisant d’un auteur classique, relativement prévisible mais tellement savoureux ? Ou goûter à l’inconnu, à la modernité, à l’inclassable ? Prose traditionnelle, poésie nouvelle ? De quelle partie du monde ? Libanaise, italienne, française, mexicaine ?

Je salive en pensant au festin littéraire qui m’attend.

– Vous avez choisi ?
– Je vais prendre un chef-d’œuvre en entrée : Voyage au bout de la nuit, de Céline. Je poursuivrai avec un Requiem des Innocents, de Calaferte.
– Et pour accompagner tout ça ?
– Peut-être un Mauvignier… ou un Toussaint… Que me conseillez-vous ?
– Le Toussaint est un peu jeune… Avec Voyage au bout de la nuit et Requiem des Innocents, je vous conseillerais plutôt notre Rhum, c’est un Cendrars de 1958.
Parfait, je vais suivre votre conseil.

Je suis servie. Je déguste mon chef d’œuvre, page par page. Un peu aigre, pas tendre, mais tellement bon. Une valeur sûre, qui me fait oublier à jamais la daube que j’avais eu le malheur de choisir la dernière fois en voulant tester un « premier roman ». La digestion sera difficile, je le sais, ce livre pèse sur l’estomac. Mais avec ce Rhum exquis et puissant dont les mots chatouillent mes lèvres et me restent longtemps en bouche, la sensation frôle l’extase. Je bois ses paroles.

Déjà enivrée par cette succulente prose, je poursuis ma débauche romanesque avec la lecture de Requiem des Innocents. D’une finesse… ! Je suis comblée. Ce livre, pour sûr, ne manque pas de piment. Il donne à la langue le goût amer d’une douloureuse vérité. « L’appétit vient en mangeant » a-t-on coutume de dire. Plus j’avance dans ma lecture, plus elle aguiche les papilles de mon insatiable imaginaire. Ce savoureux mélange de cynisme et de rage à la sauce Calaferte me plaît. Je dévore l’ouvrage.

– Souhaitez-vous terminer sur une note plus sucrée ?
– Que me proposez-vous ?
– Du flan.
– Non, merci, je prendrai plutôt un vers de Mallarmé pour digérer.
– « Aboli bibelot d’inanité sonore ».
– Merci.
– Je vous en prie, bonne fin de journée.

Je sors, la tête bien remplie, heureuse et enlivrée comme jamais.

Magali V.