La mauvaise heure – Avis +

Présentation de l’éditeur

Glasgow années 80.
Paddy devenue journaliste est affectée à la patrouille de nuit qui suit les faits divers. Sur le seuil d’une belle maison victorienne, un bellâtre s’efforce d’éloigner la police : par la porte entrebâillée, on aperçoit une femme au visage ensanglanté. Violence conjugale ordinaire, à première vue.

Deux BMW garées à l’écart retiennent l’attention de Paddy, qui insiste. Le bellâtre l’éconduit en lui donnant un billet de 50 £. Comment refuser ? Son père est au chômage, ce qu’elle gagne nourrit la maisonnée. Le lendemain, la femme entrevue – une riche avocate, militante d Amnesty International -, est retrouvée assassinée sauvagement. La police essaie d’incriminer un vieil ami à elle qui s’est jeté dans la Clyde. Paddy sait qu’elle tient son scoop, mais le billet va poser problème : si elle avoue, elle sera virée.

Comment va-t-elle s’en sortir ?

Avis d’Enora

La mauvaise heure est le second volume d’une série qui doit compter cinq romans et qui met en scène Paddy Meehan, une jeune journaliste issue des quartiers populaires de Glasgow dans les années 80. Comme à son habitude, Denise Mina transcende le genre, son intrigue se développant sur un tableau social extrêmement fouillé de cette ville qu’elle connait si bien, au milieu des années de récession.

Comme son auteur, Paddy est issue d’une famille catholique de Rutherglen, comme elle, elle a galéré pour trouver un emploi intéressant dans une époque où certains milieux refusaient de s’ouvrir à la main d’œuvre catholique. Cette peur des émigrés sensés venir voler le travail des autochtones s’est déplacée à l’heure actuelle sur les populations venant d’Afrique ou d’Europe de l’est, mais existe toujours.

Paddy est une jeune fille d’une vingtaine d’années, obsédée par les dix kilos qu’elle pense avoir en trop et qui tour à tour se plie à des régimes délirants ou succombe à sa gourmandise et à son appétit de la vie. Cette image d’elle, que Paddy rejette, est en fait une sorte de métaphore de la difficulté d’être ce qu’elle est dans cette ville et dans son milieu. Pour ses collègues écossais du journal, elle présente le double handicap d’être une femme issue d’un milieu modeste et catholique d’émigrés irlandais. Pour sa famille, elle est ambitieuse et veut s’assumer elle-même dans un travail qu’elle a choisi, ce qui ne correspond pas du tout à l’image de la femme irlandaise qui doit d’abord être une bonne épouse et mère et entretenir son foyer. « Mieux vaut se marier qu’aller en enfer » dit-on chez elle, et tant pis si le mariage ressemble à l’enfer comme celui de sa sœur Caroline battue par son mari violent. Les mariages ratés n’existaient pas dans la famille, le divorce c’était bon pour les autres et quand un couple ne fonctionnait pas c’était toujours de la faute de l’épouse…

Paddy est un caractère fort qui nage à contre-courant de sa famille, de son milieu, de ses valeurs. Tout en éprouvant une certaine culpabilité surtout vis-à-vis de sa mère qu’elle déçoit, elle assume ses choix, son refus d’un mariage sans amour, une sexualité libre et épanouie (même si le choix de son partenaire ne parait pas heureux de prime abord). Son rêve est de devenir une bonne journaliste et de vivre seule son propre toit alors que le chômage de son père fait qu’elle vit toujours dans sa famille et qu’avec son maigre salaire elle entretient cinq personnes.

A l’image de Val McDermid, les romans de Denise Mina sont passionnants, instructifs, s’appuyant sur un quotidien concret, avec des personnages intéressants, fouillés et une intrigue haletante jusqu’à la dernière page. Et pour ce roman, je dirais même jusqu’à la dernière ligne, véritable coup de théâtre qui laisse le lecteur sous le choc.

Peut-être un des meilleurs romans de Denise Mina.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 356
Editeur : Editions Du Masque
Sortie : 4 février 2009
Prix : 21,50 €