A 18H, pour cause de problème technique de son, nous voici errant dans les couloirs du théâtre, public qui s’accroît de mois en mois (les bons échos de cette manifestation certainement…) en compagnie des élèves de l’Académie Internationale des Arts et du Spectacle – Carlo Boso, qui soudain se mettent à exprimer au milieu des escaliers et de la foule, leur vision des Perses, la tragédie d’Eschyle, ce qui déconcerte certains spectateurs qui les regardent déambuler les yeux hypnotiques, plutôt interloqués. Nous nous asseyons sous les choeurs plaintifs et colériques qui nous racontent avec tout un travail scénique vocal, gestuel et chorégraphique une vision singulière mais passionnante de cette reconstitution historique. Ruptures, échos, chants successifs, mouvements perpétuels et continus, rapides et lents, démonstratifs et retenus, violents et désespérés…
Nous pouvons alors comparer avec la mise en scène statique que le réalisateur Jean Prat, a pensé et choisi en 1961, accompagnée de la musique lancinante de Jean Prodomidès, jouée dans un décor de bas reliefs de l’époque de Xerxès, géométrique et lumineux mais totalement épuré. Ici, nous avons un chœur qui chante à l’unisson, quelques personnages aux costumes et masques magnifiques (nous ne reconnaîtrons que les voix d’acteurs comme François Chaumette, Maria Mériko, Maurice Garrel, Charles Denner…) La télévision joue ici avec les effets de lumière comme pour mieux mettre en relief cette tragédie grecque jouée, l’aspect moderne étant totalement au service de l’inspiration de l’oeuvre. Cette victoire des Grecs racontée et ressentie par leurs ennemis, les Perses, s’exprime par les croyances d’un autre âge, et devient alors un message universel. Impressionnant !
La seconde partie de la soirée semble beaucoup plus légère… a priori ! Le Misanthrope de Molière que tant de lycéens ont étudié, ne pourrait constituer qu’une charmante retombée de nos jeunes années. Or, il n’en est rien. Le comédien Pierre Dux a mis en scène la pièce de façon quelque peu axée « gros-plans », avec des décors surchargés et des costumes hallucinants de toutes les couleurs possibles. Nous sommes en 1971, la Comédie Française n’étant pas connue pour ses grandes innovations, peut compter sur des acteurs exceptionnels qui magnifient un des plus beaux textes de Molière. Dans le rôle titre, Jean Rochefort nous offre une prestation assez incroyable, une diction, un charisme, une énergie, entre colère et désespoir, entier et malheureux, il séduit, irrite, émeut, et se perd dans sa haine de la société… Jean Desailly en ami affectueux et indulgent possède un charme fou. La beauté de Marie-Christine Barrault illumine l’écran, ses sourires aguicheurs cachent bien mal ses minauderies, sa fausseté et son manque de profondeur, ses défauts se dévoilant peu à peu, affadissant alors un physique éblouissant !
Quel plaisir de retrouver Jacques Charron, ici aussi fat que ridicule qui joue ce noble imbécile avec un tel panache que l’on sourit rien qu’en le regardant déambuler. Le reste de la distribution est totalement à la hauteur, comme Francine Bergé ou Guy Michel. Ici, nous ressentons le poids du théâtre filmé, cependant l’émotion est totalement présente, le texte non déclamé mais exprimé avec passion, nous sommes charmés par la musicalité de la langue, le dynamisme des caractères, la profondeur des sentiments…
Deux heures qui se déroulent comme dans un rêve !