Amours, délices et bénéfices – Avis +

Résumé

Dans la vie, c’est comme en cuisine : tout évolue sans cesse. Alors pourquoi ne pas tenter de nouvelles recettes ? A la mort de son époux, Bonnie, expatriée en Europe depuis des années, rentre en Australie pour découvrir que sécurité financière et bonheur ne vont pas forcément de pair. Elle décide de contacter ses amies d’enfance Fran et Sylvia, qu’elle n » pas vues depuis presque quarante ans. Toujours entre deux crises et trois régimes, Fran, critique gastronomique de renom, pense qu’elle est arrivée à un tournant de son existence.

Tout comme Sylvia, que son pasteur de mari vient de quitter pour une jeune femme. Bonnie sera à l’origine non seulement de leurs retrouvailles, mais également du projet stimulant qui leur permettra à toutes de prendre un nouveau départ, ce qui exigera quelques remises en question. Portrait plein d’humour de trois quinquagénaires à la croisée des chemins, Amour, Délices et Bénéfices est un roman rafraîchissant et optimiste sur l’amitié, l’amour et les secondes chances.

Avis de Marnie

En premier lieu, nous pouvons nous poser la question de savoir la raison pour laquelle les éditeurs nous présentent les romans doux-amers, émouvants et pleins de réflexions comme des histoires rigolotes qui nous changeront les idées. Il s’agit d’une vraie mode exaspérante puisque de prime abord, cela dessert totalement le livre que le lecteur achète pour de mauvaises raisons… et sera certainement trop déconcerté pour en apprécier toutes les saveurs. A cela s’ajoute un titre qui aurait du être traduit littéralement et non adapté pour faire « joli » (Food, sex & money) qui avait un vrai sens lorsqu’il est énoncé dans le roman, une saveur pleine de dérision, un second degré évident.

Hormis ces points négatifs, nous ne pouvons qu’apprécier cette touchante chronique où l’on nous raconte une année de la vie de trois femmes en pleine crise familiale, sentimentale et professionnelle ! Tout cela pourrait avoir un énorme goût de déjà vu, sauf qu’elles ont… 55 ans. Le ton, même s’il est optimiste et chaleureux, n’a pas la même consonance que si elles étaient trentenaires. Bien évidemment, comme dans toute histoire « à l’américaine », certains points s’arrangeront miraculeusement, les portes s’ouvriront avec une facilité que tout un chacun souhaiterait pour lui-même, cependant, ici cela ne représente qu’un détail non fondamental. Ce qui nous importe en fait, c’est la réflexion personnelle de ces trois amies qui se retrouvent après s’être perdues de vue depuis près de 40 ans.

La différence va aussi se jouer sur le fait qu’il s’agit d’un récit raconté par une Australienne. Liz Byrski possède ce style anglais inimitable où l’acuité et la dérision remplacent le rêve américain. Le regard sur le monde et les gens n’est pas le même, «connais-toi toi-même» pourrait devenir la maxime du livre, surtout lorsque l’on compare aux récits américains où les femmes trouvent toujours leur force au coeur d’une amitié réconfortante, indestructible et totalement dévouée. La vision anglaise est plus réaliste, désabusée mais aussi plus profonde… Ce n’est ni l’amitié ni l’amour qui sont au centre du roman, mais la transformation personnelle de ces femmes.

Bonnie vient de s’installer chez sa mère après trente ans de vie en Suisse, auprès d’un époux aimant. Sans but, riche et assez perdue, elle souhaite revoir ses deux amies d’enfance. Sylvia, qui a sacrifié sa carrière pour se dévouer aux autres auprès de son mari pasteur, vient de s’apercevoir que ce dernier la trompe. Fran est critique gastronomique, divorcée depuis de longues années, complexée par son inaptitude à réussir à perdre son poids ou faire face à ses soucis financiers, elle ne sait pas non plus réagir devant ses deux enfants adultes. Ces trois anciennes amies se connaissent en fait bien mal, chacune enfouissant ses manques et ses faiblesses, enviant à part elle l’assurance et l’apparente réussite des deux autres. Le projet qui va les réunir va également leur permettre de mieux se comprendre et de réaliser des aspirations cachées, ce qui démontre qu’il n’y a pas d’âge pour prendre un nouveau départ.

La différence avec les histoires de même acabit concernant les trentenaires, c’est que ces trois femmes nées au début des années 50, ont vécu la révolution sexuelle et la vie insouciante de 1968-1970, réalisent qu’elles n’ont jamais existé pour elles-mêmes. Elles faisaient parti d’un couple ou se sont focalisées à gagner leur vie pour le bien de leurs enfants. C’est cette principale remise en question qui est passionnante, puisqu’en fait, aucune des trois n’a vraiment conscience de ses besoins qui ne tournent pas obligatoirement vers une nouvelle relation sentimentale. Liz Byrski possède un vrai talent pour créer ces trois portraits plein d’intensité, mêlant avec habileté forces et faiblesses, échecs et succès, pertes de contrôle et maîtrise de soi, nous rendant ces femmes très différentes, attachantes et proche de nous.

Les évènements s’enchaînent, certains attendus, d’autres non, sans temps mort, et toujours passionnants, dans un style enjoué mais qui se donne aussi les moyens et l’espace d’une réelle introspection. L’auteur enrichit son récit en créant des personnages secondaires profondément nuancés, attendrissants par certains côté tous réussis, ainsi Irene, la mère de Bonnie qui s’aperçoit qu’à 80 ans, il n’y a pas d’âge pour être heureuse, Lila, la pétulante mère de Fran, qui perd un peu là tête mais semble fermement décidée à profiter des quelques années qui lui restent pour se faire plaisir, alors que Caro sa petite fille enceinte a des relations difficiles et ambigües avec Fran, elle-même inquiète pour David, son fils qui connaît de graves problèmes de santé. Tout ce petit monde va interférer ou influencer la complexité des comportements des uns et des autres.

Un roman fort divertissant mais assez profond pour que n’importe quel lecteur de tout âge se pose des questions sur lui-même !

Fiche Technique

Format : broché
Editeur : Presses de la Cité
Collection : Grands Romans
Sortie : 06 Novembre 2008
Prix : 21.00 €