Terreur – Avis +

– Savez-vous que certains des marins à bord des deux navires ont baptisé cette créature du nom de Terreur ?

Terror et Herebus : ces deux navires ont été confiés en cette année 1845 à Sir John Franklin pour qu’il découvre le mythique passage du Nord-Ouest. Les experts de l’amirauté britannique ont décrété qu’il devait exister au nord du continent américain, une mer libre de glace permettant d’accéder par voie maritime à l’océan Pacifique. Aussi le sort des deux navires et des 129 hommes d’équipage a t-il été confié à Sir John, nommé chevalier suite à ses malheureuses tentatives précédentes. Au moins au cours d’elles n’a t-il perdu qu’un seul homme blanc véritable (un Anglais), les autres étant des Indiens et des coureurs de bois français.

Les deux navires sont partis avec l’assurance des pionniers. A présent bloqués par les glaces,
ils doivent attendre une opportunité pour se dégager. Le charbon réchauffant l’intérieur des navires sera bientôt épuisé. La nourriture commence à manquer, d’autant plus que les médecins affirment que certaines des conserves sont empoisonnées et qu’aucun homme ne sait chasser. Plus curieux le gibier semble avoir déserté la zone comme si quelque chose ou quelqu’un l’en écartait ou le dévorait peut-être à dessein.

En effet les étendues glaciales recèlent un autre danger. Une mystérieuse créature s’attaque aux hommes de l’expédition. Il ne s’agit d’aucun animal connu et ses actes s’apparentent plus à de la malveillance humaine qu’à la chasse d’un prédateur. La seule personne qui visiblement n’éprouve aucune crainte est celle qui a été surnommée Lady Silence. Cette jeune esquimaude muette avec laquelle il est impossible de communiquer est d’un profond désarroi pour Sir John Franklin. En effet c’est à cause d’elle qu’il a faillit mourir d’apoplexie. Il s’agissait de la deuxième fois que cet homme marié voyait une femme nue (accidentellement dans les deux cas).

L’auteur s’intéresse aux nombreux personnages de l’équipage appartenant à toutes les couches de la société du début de l’ère victorienne. On y voit la compétence et l’intelligence de certains, contrebalancée par les capacités limitées des autres membres de l’équipage. Le second de Sir John suggère de poursuivre leur mission en regroupant les deux équipages dans le seul navire encore capable de naviguer. Mais Sir John refuse, car il ne peut être question d’abandonner le navire-amiral. Aussi les deux navires hiverneront au moins une année de plus. De même un sergent des Marines donne t-il l’ordre d’abattre des chiens de traîneaux pour s’en nourrir n’envisageant pas un seul instant de s’en servir pour le même usage que les esquimaux.

La peinture d’une époque s’ajoute efficacement au récit fantastique. Jusqu’à présent expert en récit de science-fiction et de fantastique Dan Simmons [[World Fantasy Award 1986 pour Le Chant de Kali Bram Stoker Award 1989 pour L’Echiquier du Mal prix Hugo et Locus Award en 1990 pour Hypérion Locus Award 1993 pour Les Fils des ténèbres & Locus Award 2004 pour Ilium.]] s’est lancé dans le récit historique. S’inspirant de l’authentique expédition de Franklin il a transposé une petite communauté anglaise de la moitié du XIXe siècle en plein milieu arctique. Il décrit la faim, la maladie, la folie, l’assassinat et le cannibalisme. A ces menaces connues s’ajoute celle d’une créature dont les connaissances européennes indiquent qu’elle ne peut pas exister. Difficile de ne pas songer à Planète interdite où les astronautes étaient confrontés à une entité n’obéissant aux lois physiques connues. Mais Lady Silence, elle connaît et comprend la créature. Et c’est là toute la tragédie. Séquestrée pour qu’elle ne communique pas la position des deux navires à sa tribu potentiellement hostile, elle ne peut communiquer avec les marins qui ne peuvent ni apprendre sa langue ni lui enseigner l’anglais.

Le massacre pourrait cesser. Il se poursuit. Cela donne l’occasion à l’auteur de décrire différentes attitudes parmi les marins confrontés à la créature. Poursuivi par le monstre, un officier expert dans les glaces s’élance dans l’obscurité sur la banquise, se fiant à sa mémoire puisqu’il a mémorisé le relief tourmenté des glaces. Une attitude différente est celle d’un valet des officiers qui décide qu’il est temps pour lui de quitter la scène et s’éloigne des rescapés avec une pipe et quelques livres.

La mort poursuit son oeuvre.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 710
Traduction : Jean-Daniel Brèque
Editeur : Robert Laffont
Titre original : The Terror
Sortie : septembre 2008
Prix : 23 euros