Les âmes vagabondes – Avis +

Présentation de l’éditeur

Melanie Stryder est une rebelle. Notre Terre a été envahie par un ennemi invisible. Petit à petit, les âmes vagabondes s’emparent du corps des hommes en neutralisant leur esprit. La quasi-totalité de l’humanité a ainsi succombé. Melanie Stryder fait partie du dernier groupe d’hommes libres.

Lorsqu’elle est capturée par les Traqueurs, on lui insère Vagabonde, une âme exceptionnelle qui a déjà connu plusieurs corps. Elle sait les difficultés d’envahir un humain hostile : les émotions dévastatrices, le tumulte des sens, les souvenirs trop vifs. Et Vagabonde rencontre un obstacle supplémentaire : l’esprit de l’ancienne propriétaire résiste.

L’âme explore les souvenirs de Melanie dans l’espoir de découvrir l’endroit où se cachent les derniers résistants humains. Mais à la place de ces informations, Melanie submerge Vagabonde par les images de l’homme qu’elle aime – Jared, un humain encore en cavale. Incapable de se dissocier des pulsions de son corps d’emprunt, Vagabonde commence à aimer l’homme qu’elle est censée livrer aux autorités.

Face aux pressions extérieures, Melanie et Vagabonde se retrouvent alliées malgré elles ; commence alors pour elles la quête incertaine et périlleuse de cet homme dont elles sont toutes deux amoureuses.

Avis de Francesca

Ce qui compte c’est la beauté intérieure… Qui n’a jamais entendu cette phrase, qui veut dire tout et rien à la fois ? Comme s’il fallait dissocier le corps de l’esprit, à défaut d’avoir les deux. Comme s’ils étaient deux entités différentes… C’est sur cette trame donnant matière à une réflexion profonde et intéressante que Stephenie Meyer est partie pour écrire son premier roman pour adultes, dixit l’effet de manche.

Stephenie Meyer, qui n’était connue jusqu’alors comme la créatrice de la saga cultissime Twilight, avait fort à faire pour tenter de se débarrasser de ce constat réducteur et devenir autre chose que ce dont tout le monde l’avait cataloguée. Stephenie Meyer revient donc avec un roman pour adultes, de science-fiction, mais, précise-t-elle, pour ceux qui n’aiment pas la science-fiction. On pourrait se demander ce qu’elle entend par là et surtout quel est l’intérêt de cette déclaration, à l’exception de ratisser un public plus large, encore et toujours. Ces considérations mises à part, force est de constater qu’elle a réussi son pari, à savoir offrir un roman complètement différent de sa précédente œuvre, à la fois plus mature, plus dense, plus sombre et plus chargé d’émotions profondes et graves.

Vagabonde est une âme insérée par ses congénères dans le corps d’une humaine rebelle, Melanie Stryder, afin de trouver des informations dans ses souvenirs concernant les résistants qui s’opposent à l’envahissement des âmes sur la Terre. Habituée à obéir, elle est toutefois désorientée lorsqu’elle se rend compte que l’âme de Melanie est toujours présente et qu’elle menace de prendre le dessus à chaque instant. Perturbée par Melanie et les souvenirs qu’elle lui projette, Vagabonde part à la recherche de Jared, l’homme dont Melanie est amoureuse et qu’elle a appris à aimer à travers les souvenirs de son hôte.

L’intrigue tient donc de la science-fiction, du roman d’anticipation pour être plus exacte, et traite d’un aspect classique, avec un groupe d’humains rebelles résistant à l’invasion de la planète par de dangereux êtres venus d’ailleurs, alors que l’idée de départ est originale et propice à l’élaboration d’un univers large, complexe et passionnant. Incapables de mensonge et bienveillants envers leurs semblables, les âmes sont pacifiques de nature mais n’hésitent pas à conquérir d’autres planètes et habiter les corps d’autres espèces lorsqu’elles estiment qu’elles peuvent améliorer la situation, dissiper les difficultés et établir un système où la violence et la haine n’ont pas lieu d’être. En s’insérant dans un corps, l’âme contrôle son hôte, la seule distinction étant un reflet argenté des filaments de l’âme qui se voit dans la pupille. Face aux âmes, les rebelles sont ultra-minoritaires, désorganisés et ne pensent qu’à survivre sans être capturés et devenir des victimes d’une insertion. Une lutte titanesque ou même des affrontements sporadiques sont alors étrangement absents dans ce roman qui s’attache davantage à décrire les conditions de vie des derniers humains et à l’arrivée de Vagabonde dans leur monde qu’elle ne connait pas et ne comprend pas.

Car ce qui est le plus intéressant dans ce livre n’est finalement pas le combat entre le méchant envahisseur et le courageux mais isolé résistant, mais l’histoire plus personnelle de quelques humains et de Vagabonde, et l’expression exacerbée de leurs sentiments, leurs émotions et leurs pensées. C’est ainsi que durant une énorme partie du roman, les sentiments qui dominent sont uniquement la peur, le chagrin, le doute, la culpabilité et la souffrance, tout cela mélangé dans l’âme de Vagabonde, coupable selon les humains mais victime avant tout d’un déchainement de haine de leur part. Certaines scènes sont d’une grande violence et Vagabonde est traitée parfois plus bas que terre à cause de sa nature d’âme. Etant d’un tempérament plus que pacifique, elle est la représentation parfaite d’un martyr qui encaisse les coups sans broncher et estime même parfois qu’elle le mérite, assaillie par la culpabilité d’avoir envahi le corps de Melanie et d’éprouver des sentiments pour Jared alors que celui-ci ne songe qu’à la tuer, pour finir par pratiquement endosser l’entière responsabilité de l’invasion de la Terre par les âmes. La tonalité dominante ressentie est alors une profonde et durable tristesse qui détonne car l’espoir d’une amélioration est bien mince dans le livre.

L’autre aspect important est aussi la distinction entre l’âme et le corps, la raison contre la chair peut-être. Melanie et Vagabonde sont forcées de cohabiter dans un même corps et les souvenirs sont différents pour chacune d’entre elles mais déteignent sur l’autre, particulièrement dans le sens de Melanie vers Vagabonde. Il est donc difficile de séparer les réactions d’une de celles de l’autre, surtout lorsque leur corps a aussi ses propres souvenirs et ses propres réactions face au contact d’hommes. La différence devient donc de plus en plus floue, une scène dans l’ouvrage étant particulièrement significative, lorsque Vagabonde parle à la première personne du pluriel au lieu du je de rigueur, comme si elle étaient vraiment deux êtres inséparables et indistincts, ce qui ne peut qu’être préjudiciable pour la recherche d’identité et les relations avec les autres, notamment une relation intime avec un homme encore une fois. On voit bien dans la dernière partie du roman le malaise qu’il y a entre Melanie, Jared, Vagabonde et Ian, un humain qui se rapproche de Vagabonde. On ne sait plus trop qui est attiré par qui, si c’est un sentiment raisonné, conscient et volontaire ou si c’est simplement une réaction physique ou physiologique dont on ne connait pas l’origine. Stephenie Meyer parvient à exprimer parfaitement ce trouble de l’identité.

Le contenu de l’ouvrage est vraiment prenant malgré la quantité importante d’informations et de progression à assimiler, les évènements s’enchainent alors que le temps parait s’écouler lentement, tout n’est que paradoxe dans ce gros pavé à la densité impressionnante. L’émotion majeure étant la tristesse, il n’y a pas beaucoup de passages romantiques comme semble affectionner Stephenie Meyer, à l’exception des flash-backs que Melanie impose à Vagabonde, malheureusement trop rares alors qu’ils sont savoureux. La dernière partie du roman est particulièrement réussi avec un mélange d’amour, de suspense, d’action et même d’espoir tels qu’on ne les avait pas vus dans le reste de l’ouvrage. D’ailleurs, il ne faut pas se tromper, la narration du récit se fait à la première personne du point de vue de Vagabonde, faisant de cette dernière la véritable héroïne du roman. Melanie, qui est pourtant très proche, tient un rôle moindre malgré que Vagabonde l’évoque très souvent. Il aurait été intéressant de connaitre le point de vue de Melanie concernant cette situation dans un récit plus développé, ainsi que l’opinion de Jared confronté au corps de la femme qu’il aime mais qui est devenue l’ennemi. C’est le seul reproche qu’une lectrice romantique pourrait faire à ce roman abouti qui ne peut qu’entrainer une suite avec certainement une plongée plus poussée dans la lutte que se livrent les âmes et les humains. Deux mots en conclusion : Bravo Stephenie !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 617
Editeur : JC Lattès
Collection : Thrillers
Sortie : 1er octobre 2008
Prix : 20,50€