Ce que l’océan ne dit pas – Avis +

Présentation de l’éditeur

 » Marennes est pour moi bien plus qu’une bourgade de 5000 âmes : j’en restitue les lumières et redessine les ombres.  » Dans ce bourg qui vit au rythme de l’océan Atlantique, la petite Christine reçoit une éducation singulière. Or qu’est-ce qu’être une enfant et une adolescente dans la France des années 50 et 60 ? Surtout dans cette Saintonge et cette famille où sa mère, italienne rejetée par l’époque comme par son mari volage, lui confie un destin peu commun : partir pour devenir écrivain envers et contre tout. Contre les silences du village qui conduisent cette tribu à vivre en autarcie dans un pays où certains règlent leurs comptes à coups de fusils chargés au gros sel. Contre la solitude d’un exil que la maisonnée déjoue en offrant l’hospitalité aux personnages fantaisistes, mal aimés pour cause de différence. Contre l’isolement, les spectres de la Seconde Guerre, un voisin qui jette des sorts et dénonce… Mais c’est aussi le temps de l’insouciance, des bonheurs sans retenue, des peurs domptées, des rivalités frère sœur, des roses trémières odorantes, des camaraderies d’école, des visites chez la bijoutière attendrie ou le coiffeur truculent, des paysages apaisants… Au travers d’une nostalgie sans compromission, Hortense Dufour, en dépeignant avec fougue ces souvenirs d’enfance, brosse le portrait d’une France aussi chaleureuse que dure, enjouée que splendide. Une famille et une histoire dont l’océan ne fut qu’un témoin silencieux.

Avis d’Enora

« Tu as été un retour de couches » c’est ainsi que son père qualifiait la naissance de sa fille. Christine, petite fille fragile, mit trois jours à venir au monde, témoignant ainsi de son « hésitation à vivre », en relation avec les peines maternelles et l’absence indifférente de son père. Difficile époque que les années d’après guerre pour naitre fille, surtout avec une mère italienne et artiste, dans une petite ville comme Marennes, bourgade de cinq mille âmes, refermée sur elle-même, sur ses préjugés et sa pauvreté. Marennes qui restera toute sa vie, pour elle, comme un membre fantôme dont la confuse douleur lui rappellera qu’elle a volontairement coupé ce membre. C’était l’époque où les filles imprudentes, risquaient la mort dans les avortements clandestins ou étaient chassées de leur famille. L’époque où les femmes sans droits légaux et sans argent s’épuisaient dans des taches ingrates qui rendaient leur âme, plus âpre que le sel.

L’absence du père, la frugalité des repas, la solitude, l’exclusion, le froid, la misère, rendent la vie de la famille très difficile, mais pour Christine, le clapotis de l’océan transforme ses nuit et l’embarque dans les rêves. De son enfance elle apprendra que les naissances sonnent le glas de l’amour des hommes, que les femmes aiment trop, donc mal et que l’amour en définitive n’est rien car tout dans ce monde n’est que combat. Son hésitation à vivre, elle la surmontera grâce à la lecture, prisonnière de l’océan, des murailles du fort du Chapus et du vent : Dumas, Sagan, Beauvoir qu’elle n’apprécie pas et Colette qui la vivifie et lui donne les réponses existentielles. Le bonheur « cette plante qui fait courir les hommes en tous sens et les exténue », elle le trouvera dans l’écriture, les mots turbulents qu’elle apprend à dompter jusqu’à en faire éclore l’émotion. « C’était fabuleux… être éditée. Je naissais enfin. Vraiment. »

Cette enfance qui a forgé en elle, l’écrivain de talent, Hortense Dufour, nous invite à la visiter avec beaucoup de pudeur. Mais son livre est aussi le témoignage sur une époque, une certaine France et peut-être aussi pour elle, une page enfin tournée au bout de soixante ans. Ce que l’océan ne dit pas, c’est peut-être ce lien d’amour qu’on ne sait pas, ou si mal, exprimer mais qui nous permet d’exister.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 393
Editeur : Flammarion
Sortie : 15 septembre 2008
21 euros