Première « époque » de cette fresque considérée par beaucoup de cinéphiles comme le plus remarquable film français de tous les temps, nous voici en 1840 sur Le boulevard du crime (ainsi appelé pour les nombreux théâtres rassemblés dans ce quartier) où Prévert nous raconte les amours contrariés du célèbre mime Debureau (Jean-Louis Barrault, si fasciné par le personnage qu’il est à l’origine du projet) avec l’insaisissable et volage Garance (Arletty). Il faut surtout s’attarder sur l’époustouflante prestation de Pierre Brasseur (en Frédérique Lemaître, un des plus grands acteurs du 19e siècle), et Marcel Herrand (en Lacenaire)…
Tourné au studio de la Victorine à Nice, le film doit énormément au talent du mondialement reconnu décorateur Alexandre Trauner et au compositeur Vladimir Cosma, tous deux Juifs et non crédités au générique… Marcel Carné n’a pas non plus hésité dans ces temps dangereux à engager Prévert alors ouvertement dans la Résistance. La tension est tout à fait perceptible lorsque l’on regarde de nos jours ce drame historique, à voir les analogies entre le cinéma sous l’Occupation et ces spectacles de rues dans ce Paris du 19e siècle avec ces 2000 figurants…
Même si l’on n’est pas sensible à la construction un peu dépassée et au classicisme d’un certain cinéma, ce film à la gloire de la passion et du talent des artistes reste un monument entre mélodrame et poésie !