Yume, cet incertain désir de rêve – Avis +

Présentation de l’éditeur

La fécondation mutuelle du Shintô et du Bouddhisme a accouché au Japon d’enfants inconcevables. Ces enfants se retrouvent chez les Samouraï qui ont su élaborer la magnifique synthèse que nous connaissons par l’esthétique zen.

La  » Voie du Samouraï « , à son tour, a su imprégner la naissance, la vie et la mort du  » nippon idéal « , fils des dieux, marchant déjà sur leur chemin (ce que signifie Shintô, qui vient de Shin Dô, voie des dieux).

Ainsi la voie des dieux et la voie des bushi iraient désormais de conserve, pigmentées toutes deux par  » ce goût étrange venu d’ailleurs  » que constitua l’input bouddhique ! Le haïku se révèle d’autre part comme l’expression la plus adéquate pour ce peuple amoureux de nuances, de subtilité et de poésie…

Avis d’Enora

Impossible de parler de ce livre sans présenter son auteur Vincent-Paul Toccoli. Que dit-on de lui ? VPT est à la fois religieux, prêtre salésien de Don Bosco, missionnaire contemporain des tribus du monde entier, professeur, psychanalyste, écrivain : VPT est un pluridisciplinaire polyglotte, acharné à la tâche multiple de sauver les hommes. Tempérament volcanique, il secoue, ébranle, décoiffe, émondant l’inutile à la poursuite de l’essentiel. VPT est un maître du temps et de l’espace et il avance vers le futur : avec son seul Jésus-Christ en bandoulière, dont il se reconnaît le disciple, récalcitrant et fidèle. [[http://www.a-nous-dieu-toccoli.com/]]

Quand on lui demande pourquoi, un prêtre catholique romain s’intéresse autant à toutes les autres religions, il répond qu’il va là où l’humanité se révèle diversement humaine et donc humainement multiple et cite Proust : « Le seul véritable voyage, le seul bain de jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est…. »

Dans ce quatrième livre consacré au Japon, il s’intéresse au contenu mythique et imaginaire de l’inconscient collectif nippon dans lequel la mort se révèle être une célébration grave de la vie qui fonctionne comme un rêve.

Ma vie est apparue comme la rosée,

Elle s’évanouira comme elle :

Je ne suis qu’une suite de rêves…

Toyotomi Hideyosi (1536-1598)

Pour cela, Vincent-Paul Toccoli va analyser les notions de l’après-vie bouddhistes et chrétiennes, ainsi que celles de la vie et la mort Shintô, en revenant sur le concept du Bushido, de la voie du samouraï, en quoi leur façon d’envisager leur propre mort fut un élément important de leur manière de vivre, avant de revenir sur la mort Zen et les funérailles bouddhistes.

La conception de la vie et de la mort pour le Christianisme, le Shintô, le Bouddhisme, la psychanalyse ou la philosophie divergent pour mieux se rejoindre sur la quête de l’essentiel : la vie n’a jamais d’autre prix que celui de marcher aux cotés de la mort.

Le Shintô, la voie des dieux, puise sa source dans le mythe des origines. Religion animiste, le Shintô n’établit aucune distinction entre l’homme et la matière, le spirituel habitant toute chose. Sans commandement moral, elle est basée sur quatre principes, le respect des traditions, l’harmonie familiale, le respect de la nature qui est sacrée et la recherche de la paix. Les Kamis, forces spirituelles supérieures ont vocation d’assurer l’harmonie universelle.

Le Shintô cohabite avec le Bouddhisme depuis 593. Religion officielle du japon, elle est un lien culturel profond qui relie le peuple japonais. Encore actuellement les Japonais naissent et se marient conformément aux rites Shintô mais sont enterrés selon le rituel bouddhiste. La perception collective est que le Shintô est une religion de la vie, et le Bouddhisme, celle de la mort. A noter que le Confucianisme et le Taôisme exercèrent une influence non négligeable sur le Shintoïsme.

Le Bushi dô ou voie du bushi se caractérise par un certain stoïcisme, il emprunte au Bouddhisme une sérénité confiante dans le destin et l’inévitable, d’où un mépris du danger et de la mort ; au Shintoïsme, il emprunte les notions de loyauté, de vénération des ancêtres, de patriotisme. « Le vrai courage consiste donc à vivre quand il est juste de vivre, et à mourir quand il est juste de mourir »

Le Budo est la volonté d’explorer les limites des capacités humaines, par l’intermédiaire des techniques de combat, jusqu’à atteindre la perfection par un équilibre parfait entre le corps et l’esprit. La mort n’est alors qu’une phase de la vie. Dans le Bouddhisme pas de jugement dernier, mais une transmigration des âmes qui explique l’inégalité des conditions humaines. La réintégration corporelle de l’âme se faisant jusqu’à ce que toutes les fautes antérieures soient rachetées. Ainsi pour le guerrier, la mort n’est donc pas une disparition mais une facette du principe universel de la vie, la mort apparait déjà dans la naissance, la séparation dans la rencontre, la lumière dans l’ombre.

Vincent-Paul Toccoli nous offre ici, un essai extrêmement riche, intéressant et merveilleusement documenté et illustré. Une approche différente de la vie et de la mort dans une connaturalité à méditer, une autre perception de la conscience de soi dans la temporalité, l’univers, le divin qui ne peut que nous enrichir.

«  Le moi/je n’existe pas sans le monde qui l’entoure. Ciel et terre ont même racine, et tout ce qui existe n’est qu’un seul système… L’univers n’est pas création, mais révélation de Dieu« . Kitarô Nishida

A noter des annexes passionnantes, sur trois films, Princesse Mononoké de Miyazaki[[L’auteur vient d’ailleurs de sortir aux éditions Amalthée, Miyazaki l’enchanteur, un ouvrage en hommage au réalisateur ]], Suicide Club, Ring, plus une sur la mort Butô et une sur le haïku ; ainsi que deux excursi, dont un sur la conférence de Maître Tokitsu, maitre japonais d’arts martiaux, analysant la sexualité nippone et ses conséquences sur la représentation mentale de la mort.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 234
Editeur : Almathée
Sortie : 8 janvier 2008
Prix : 17 €