L’invention de Morel – Avis +

Présentation de l’éditeur

Le sujet de ce roman que Borges, dans sa préface, estimait être l’un des plus ingénieux des lettres modernes, demeure toujours d’une originalité hors pair.

Dans une île déserte, un justiciable en fuite découvre des choses fantastiques. Répétées à l’infini, les images des anciens habitants de l’île parcourent le paysage, figées dans un discours éternel. L’amour du fugitif envers un des mystérieux personnages le conduira à découvrir Morel et sa machine infernale, puis à intégrer son monde.

Un roman qu’il ne faut pas se contenter de ne lire qu’une fois, un petit chef-d’œuvre.

Avis de Kyle Histo

De quelle invention s’agit-il ? Une machinerie très complexe, élaborée par Morel, un savant prodige, et qui fonctionne sur une île imaginaire au milieu d’un Pacifique rêvé. Impossible de vous l’expliquer sans déflorer l’histoire. Son fonctionnement nous est d’ailleurs longuement décrit dans le dernier tiers du roman.

Dès la première page s’installe l’ambiguïté. Le narrateur, réfugié sur cette île déserte, y habite dans les quelques belles constructions « un musée, une chapelle, une piscine (…) abandonnés». Mais il est surpris par une présence humaine et se cache dans des marais infects. Il déclare « j’espère écrire la Défense devant les survivants » puis explique qu’il est recherché et victime d’une injustice. On se prépare à lire un mélange de roman picaresque et de robinsonnade, l’autobiographie d’un pauvre hère, réchappé de l’arbitraire de la civilisation et obligé de survivre en milieu hostile.

Il n’en est rien. Le narrateur n’est ni Edmond Dantes ni Robinson Crusoe mais un homme face à une énigme. De jour comme de nuit, une société de vacanciers aisés apparaissent et disparaissent comme des fantômes. Ils débarquent en pleine tempête, nagent dans une piscine encombrée de végétaux et d’animaux morts, banquettent sans provisions, dansent et vivent à toute heure. Il y a même deux soleils dans le ciel. Il y a aussi une belle femme, Faustine, que le réfugié épie et dont il tombe amoureux.

Celui-ci, taraudé par la faim et angoissé par les marées violentes et la noyade, en perd presque la raison. Ces apparitions incompréhensibles le transforment en fugitif paranoïaque, craignant une machination ourdie pour mieux l’arrêter. Dans ses répits, il s’interroge sur sa folie et se raccroche à un espoir : séduire et enlever Faustine, l’arracher au Docteur Morel, son courtisan. Une histoire d’amour commence.

Mais l’invention finit par livrer ses secrets : une révélation qui mérite d’être lue et comprise. Et le narrateur réussit à retrouver Faustine. Mais à quel prix ? Ce sera celui payé, déjà par Morel, puis par le narrateur. N’est pas l’amant de Faustine qui veut.

Le roman s’apparente à un conte fantastique, plus vraisemblable aujourd’hui qu’en 1940, date de l’édition. Mais c’est aussi une quête métaphysique sur la nature humaine, la réalité de la conscience et le cycle du temps. A la dernière page, j’ai fait une dernière découverte. L’invention était aussi la fabrique du récit et ses mécanismes actionnaient les ressorts de l’intrigue.

Cette fable profonde, émouvante et éternelle n’est pas un classique de la littérature car elle est inclassable. Une originalité littéraire qui se lit sans difficulté de style, se déguste par petites touches et se relit comme un chef d’œuvre.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 124
Editeur : 10/18
# Collection : Domaine étranger
Sortie : 30 octobre 1992
Prix : 4 €