La traversée du Potomac – Avis +

Résumé de l’éditeur

Novembre 1963, l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy bouleverse une jeune fille, plus une enfant, pas encore une femme.

Découpant les articles de Match, scotchée à la radio qui passe en boucle Tous les garçons et les filles de Françoise Hardy, elle fait son éducation en lisant La Question d’Henri Alleg et Histoire d’O (en cachette).
Son monde : la petite bourgeoisie de Lyon. Son cocon : sa mère qu’elle adore et son père qu’elle vénère, mais à mi-temps… père absent pour cause de double vie !

La vie coule, douce et morne entre le lycée, son petit copain et sa puissante moto, les babillages de ses copines… Jusqu’au jour de la rencontre avec Eunyce, une jeune femme noire américaine, écorchée vive.

Un autre horizon enfin, un autre monde, plus brutal mais aussi plus tendre et plus humain, et la découverte du blues ; de la musique noire américaine..

Avis d’Enora

La traversée du Potomac, c’est le passage obligé à Washington, pour atteindre le cimetière d’Arlington, célèbre nécropole destinée aux héros, où est enterré John F Kennedy.

Nous sommes en 1963, Kennedy vient de mourir sous les balles de Lee Harvey Oswald. Cet événement va bouleverser la vie d’une adolescente. A travers les médias, radio et journaux, elle va à la recherche du drame se focalisant sur la petite phrase d’un reporter « Mais où sont les enfants ? ». Car Kennedy n’était pas seulement le président pleuré par une grande partie de la population américaine mais aussi un époux aimé et un père. Le père est une figure centrale du roman. Ce père qui n’est là que par intermittence car il possède une autre famille, officielle celle là ; ce père merveilleux qui l’ayant faite illégitime, ne lui a donné que son sang et un statut de clandestine. Pas facile, un an après la guerre d’Algérie, d’être la fille d’un harki, pas facile de vivre dans le mensonge et la dissimulation, pas facile de ne pouvoir exprimer que la moitié de ses racines !

La rencontre avec Eunyce, noire américaine exilée en France, est un cadeau de la vie. Grâce à elle, Jeanne-Martine va découvrir un monde inconnu, celui du peuple noir américain, son histoire, son combat à travers la musique du blues et du gospel. Car la musique est le deuxième personnage important dans la vie de l’adolescente, qui se réfugie dans l’Andante con moto de Beethoven pour combattre sa peur et sa solitude, faisant siennes les paroles du maître «Celui qui comprendra ma musique sera délivré des malheurs où les autres se traînent» ; qui découvre un écho à ce qu’elle vit dans La Walkyrie de Wagner , ce musicien qui toute sa vie sera hanté par la mort de son père ; qui trouvera grâce à Eunice Kathleen Waymon plus connue sous le pseudonyme de Nina Simone, la force d’affronter le destin, le coté salvateur de la rage et de la colère face aux désespoirs les plus intolérables.

L’humour est aussi présent notamment lorsque l’auteur parle du petit conservatoire de Mireille crée en 1955 ; on ne peut s’empêcher de penser qu’il préparait la voie à des émissions que je ne citerais pas «Une émission sadomasochiste que je n’aurais ratée pour rien au monde et dont le principal intérêt, à mes yeux, était le spectacle captivant d’une garce vieillissante et dominatrice, s’acharnant ses jeunes élèves, martyrs et consentants»

Jeanne-Martine Vacher nous livre un très beau roman, particulièrement émouvant et bien écrit. Juxtaposant l’Histoire à l’histoire intime, elle décrit les difficultés d’une adolescente à affronter un destin difficile aidée en cela par sa mère qui envahit l’espace et le temps par sa capacité d’amour «Elle aimait trop l’amour pour ne pas pardonner à qui en était dépourvu» et par Eunyce, personnage attachant, rebelle, écorché vif. La musique se fond dans cette histoire avec tout ce qu’elle peut apporter d’’oubli, de peine et de joie parce qu’elle possède, comme disait Lynn Lagunitas, l’héroïne de son précédent roman Silence, «Quelque chose qui touche à l’infini autant qu’à l’obsession».

L’auteur

Après plusieurs années consacrées au théâtre, Jeanne-Martine Vacher se tourne vers la radio et la musique. Productrice de nombreuses émissions musicales sur France Culture, elle quitte l’antenne pour devenir adjointe à la Direction des programmes musicaux de Radio France, puis prend la responsabilité du développement culturel à l’opéra Bastille. Elle anime aujourd’hui l’émission musicale Décibels sur la chaîne radiophonique de France Culture. Elle a déjà publié la biographie d’une rockeuse mythique : Sur la Route de Janis Joplin aux Éditions du Seuil ainsi qu’un thriller d’anticipation musical, Silence.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 270
Editeur : Panama
Sortie : 12 mars 2008
Prix : 19 €