La grande peur dans la montagne – Avis +/-

– Et une pierre dégringole de nouveau. C’était cette fois dans la direction du glacier. Alors Joseph, levant la tête, l’a eu tout entier en face de lui, qui était rose encore à son sommet, mais à ce moment même le rose s’est éteint.
Au moment où Joseph levait la tête, le rose s’est éteint sur le glacier, qui est devenu pâle dans toute sa longueur, en même temps qu’il semblait s’avancer et venir à votre rencontre.

Le village est pauvre. Mais là haut se trouve Sasseneire un pâturage de haute montagne à la bonne herbe pour nourrir le bétail. Seulement depuis la tragédie qui s’y est déroulée il y a vingt ans les anciens savent bien que ce lieu est maudit. Mais la jeune génération n’y croit guère. Aussi, grâce à une faible majorité, six hommes peuvent s’y rendre avec un troupeau.

Les hommes travaillent dur, sauf le dénommé Clou qui, de son côté, se livre à quelque activité mystérieuse dans la montagne. La nuit, il leur semble entendre de mystérieux bruits de pas autour du chalet. Au village on s’inquiète un peu. Puis, le mulet apportant le ravitaillement est tué par une pierre tombant de la paroi. Un braconnier revient couvert de sang, la main arrachée. Peut-être son fusil a t-il explosé ?

Une autre expédition de ravitaillement revient avec la terrible nouvelle : la maladie est en haut. Le bétail, la seule véritable richesse du village, est en train de succomber dans les pâturages là haut. Afin d’éviter la contagion, les hommes et le bétail de Sasseneire sont mis en quarantaine. En bas on cherche des responsables. En haut la folie gagne. Bien des années plus tard des alpinistes ne découvriront aucune trace du chalet ni des pâturages. La montagne les a effacé.

Le Suisse roman Ramuz (1878-1947) nous décrit les habitants des montagnes du pays vaudois avec leurs superstitions, les peurs de certains et la témérité des autres. Il maintient le lecteur dans l’ignorance des causes réelles de la tragédie. La maladie du bétail peut s’ajouter aux accidents. Les bruits la nuit, à l’extérieur du chalet, peuvent résulter de l’imagination. La contagion de la peur peut accentuer les drames. L’action délibérée n’est pas à écarter. Clou passe son temps à extraire des pierres qui sont peut-être aurifères à moins qu’il se leurre lui même, se donnant ainsi l’impression de la richesse. Cependant si une activité clandestine se déroule à Sasseneire d’autres ont peut-être eu la même idée. Cela expliquerait l’aspect narquois de Clou qui entendant les bruits dans la nuit comprend que quelqu’un cherche à déloger les intrus. Il reste la possibilité que la montagne elle-même refuse la présence des hommes.

Ce roman appartenant peut-être au domaine du fantastique a été adapté une première fois par Pierre Cardinal en 1966 avec Philippe Clay et Marie-Christine Barrault.

Fiche Technique

Editeur : Grasset
Collection : Cahier rouge n°104
Sortie : octobre 2005 (roman datant de 1926)
Prix : 8 €
Réédition, poche, 210 pages