La guerre des mondes – Avis +

Avis d’Enora

Avec la collection Romans de toujours, les éditions Adonis adaptent de grands classiques en BD. Il s’agit ainsi pour l’éditeur de participer à la sauvegarde et à la diffusion littéraire mondial, en partenariat avec l’Unesco, l’Organisation internationale de la francophonie et la Fédération internationale des professeurs de Français, de langues vivantes et d’Histoire. Chaque BD est accompagnée d’un CD contenant l’intégrale du roman en version numérique et audio. Ainsi cette collection touche toutes les générations, des plus jeunes qui préféreront la BD, jusqu’aux plus âgés, sans oublier les mal-voyants et les mal-entendants. Par souci de l’environnement, la BD, le dossier sur l’auteur, les textes choisis et le lexique sont imprimés sur du papier recyclé. Pour deux albums vendus, un album est offert à l’Organisation internationale de la francophonie et à l’Unesco pour leurs programmes éducatifs menés dans les pays les plus démunis.

Dix titres sont déjà disponibles : Les contes de mille et une nuits, Tartarin de Tarascon, Le tour du monde en quatre-vingts jours, Robinson Crusoé, Le conte de Noel, La guerre des mondes, Le comte de Monte Christo, Madame Bovary et L’odyssée. Quarante-deux le seront dès 2009, parmi lesquels, Oliver Twist, Le dernier des Mohicans, Le Livre de la Jungle, Les Misérables, Notre Dame de Paris, Le Capitaine Fracasse, Voyage au Centre de la Terre, Michel Strogoff et Guerre & Paix.

La guerre des mondes d’Herbert George Wells est adaptée par Philippe Chanoinat, mise en dessins par Alain Zibel et coloriée par Patrice Duplan. Les dessins fouillés, les teintes ocre et grisées et la sobriété du scénario retranscrivent admirablement l’atmosphère et le message du livre de Welles.

Herbert George Wells (1866-1946) est un des pères de la science-fiction, mais contrairement à Jules Vernes dont les œuvres sont du pur divertissement, Wells cherche à faire réfléchir à travers ses fictions. Dans la guerre des mondes paru en 1898, il fait un parallèle entre l’invasion des martiens et la peur de l’invasion de l’Angleterre par l’Allemagne, peur qui occupait tous les esprits à la fin du XIXe siècle, mais il dénonce aussi le colonialisme (il avait été scandalisé par l’extermination du peuple de Tasmanie par son pays) et en socialiste convaincu, l’exploitation de la classe ouvrière. Wells est un pessimiste, il ne nourrit pas grand espoir, ni dans la nature humaine, ni dans le progrès, il dit d’ailleurs dans son livre que les premiers coupables de l’invasion sont les hommes eux-mêmes, coupables de leur insouciance et de leur suffisance. Il dénonce aussi le comportement des hommes vis-à-vis de la nature avec une mise en garde : ce sont les plus faibles qui finissent par survivre. Visionnaire, il se doutait que le progrès scientifique n’évoluerait pas nécessairement dans un « sens moral » et demandait que l’éthique évolue au même rythme que la technologie.

Ouvert à toutes les grandes théories philosophiques, scientifiques et historiques, il y fait références dans son livre. La mort des Martiens détruits par les microbes terriens, est tirée directement de la théorie de Darwin. Et depuis que Schiaparelli avait publié en 1988, sa grande carte des canaux (qui sont en fait des illusions d’optique), le monde scientifique admettait la possibilité d’une vie humaine sur Mars.

La guerre des mondes a été souvent adaptée. En octobre 1938, à New York, Orson Welles en donna une adaptation radiophonique tellement convaincante que des scènes de paniques éclatèrent dans tout le pays. En 1952, Byron Haskin réalise un film d’où, il évacue toute philosophie politique, ne gardant que la croyance très présente à l’époque d’une vie extra-terrestre. En 2004, Steven Spielberg l’adapte à son tour. Cette version élimine tous les messages de Wells, elle n’a d’intérêt que comme illustration d’une part intime du réalisateur, une sorte de « projection hallucinée et fantasmatique de son propre roman familial ». D’où une fin qui nous renvoie au message de Cormac McCarthy dans son roman La route : c’est la force du lien entre l’enfant et son père, la préservation de la plus petite de ses unités, la cellule familiale, qui représente l’avenir de l’humanité.

Fiche Technique

Editeur : Adonis
Collection : Romans de toujours
Album + CD audio et numérique
Prix : 13 €