Présentation de l’éditeur
De nos jours, dans un monde qui ressemble comme deux gouttes d’eau au nôtre et qui pourtant n’est pas tout à fait le même… Jane Charlotte est arrêtée en flagrant délit, pour un meurtre qu’elle vient de commettre. Au commissariat, elle raconte aux inspecteurs une histoire invraisemblable : elle ferait partie d’une organisation secrète dont la mission serait de se débarrasser des «Bad Monkeys», les êtres malfaisants qui ont échappé à la justice. Son aveu la conduit tout droit à la prison de Las Vegas, dans l’aile psychiatrique, où elle est interrogée par un médecin. Jane Charlotte entame alors le récit de sa vie : son adolescence chahutée, son recrutement par l’organisation, ses premières missions… Impossible de démêler dans ses propos le vrai du faux, le délire de la réalité… jusqu’à l’étonnant coup de théâtre final.
«Ruff a créé un univers qui n’est pas sans rappeler celui de Philip K. Dick. On y croise aussi l’ombre de Jim Thompson et de Thomas Pynchon.»
The New York Times
«Bad Monkeys est comme un château de cartes construit par un fou de vitesse : ça va à toute allure et on s’attend à ce que ça s’écroule à tout moment, mais ce n’est jamais le cas. Une joie cérébrale d’un bout à l’autre et un final qui vous laissera complètement K.O.»
Publishers Weekly
Avis de Marnie
Inclassable, inracontable, mêlant polar, science-fiction et psychologie, cette histoire hallucinante et hallucinée prouve que le thriller américain n’a pas fini de se renouveler. On croyait avoir tout lu, que tout avait été écrit et que seul le style changeait la donne, et bien, il faut croire que non ! La nouvelle génération se veut sans complexe, mêlant les genres avec aplomb, hardiesse et surtout une grande habileté scénaristique dont le paroxysme est atteint avec une scène parodiant Kill Bill et Matrix tout à la fois !
Tout commence de façon clinique : nous sommes dans une pièce blanche d’un asile psychiatrique à Las Vegas, ou notre héroïne Jane Charlotte, est interrogée par un médecin à la suite de son arrestation pour meurtre, assassinat qu’elle revendique froidement. Comme elle affirme qu’elle fait partie d’une organisation secrète, chargée d’éliminer des êtres qui auraient échappé à la justice, les Bad monkeys, le tout est de savoir si cette femme affabule ou si elle se joue de la justice et des docteurs… Alors débute un long flash-back qui nous raconte les évènements survenus dans la vie de cette adolescente pour en arriver là. La construction est ainsi faite, en questions, réponses et commentaires, dialogues mais surtout très long monologue de Jane Charlotte qui se raconte sans émotion particulière, qui dévoile des vérités, mais aussi des mensonges, sur un ton familier, cynique… d’une femme sous Valium et alcoolique à l’aise dans sa propre réalité !
Le personnage principal est très ambigu, bien plus complexe que Jane Charlotte le semble au départ, le prétexte étant bien évidemment de plonger cette quadragénaire face à ses contradictions et ce qu’elle se cache à elle-même. La conscience est au cœur de cette mise en abîme, conscience de soi-même mais aussi de cette Amérique des laissés pour compte des années 80, drogués, désaxés… ceux qui se sont cherchés dans les études mais sans se trouver, qui n’ont pas réussi à nouer un seul lien affectif, passant de petits boulots à la solitude. La critique sociale est évidente, tant dans les scènes évoquées entre Jane Charlotte, alors adolescente, et sa mère, son oncle et sa tante, ses voisins, mais aussi avec le peu de personnes qu’elle va côtoyer au fur et à mesure que les années passent. Personne ne la comprend vraiment ou même ne tente de le faire.
Puis, alors que le récit avance, nous découvrons une Amérique paranoïaque, hystérie sous-jacente qui explosera avec les attentats du 11 septembre et ses conséquences. Les évènements s’enchaînent dans une montée en puissance, Jane Charlotte garde cette lucidité schizophrénique extraordinaire, prenant l’air assuré et supérieur de quelqu’un qui connaît la réalité, alors que nous pauvres humains nous nous mentons à nous-mêmes. Le ton presque neutre du style narratif s’oppose à la folie de d’une bande dessinée flirtant avec la fantasy et l’univers désincarné des jeux vidéos (sans oublier le clin d’œil évident à Stephen King et son fameux Ca). Matt Ruff ne nous présente pas de description, il n’y a pas ou très peu de décors. L’héroïne est détachée de tout cet univers de consommation… le but final étant de prouver qu’elle seule connaît la vérité et que nous sommes des pions ou des ignorants de ce qui se trame autour de nous.
Est-ce essentiellement une tentative très réussie d’opposer le bien et le mal, de confronter la conscience avec l’inconscient ? En fait, jamais une dédicace n’a semblé si importante : pour Phil… Ce livre est surtout un brillant hommage à l’écrivain Philip K. Dick dont je conseille de ne découvrir la biographie qu’après avoir lu ce roman, pour ne pas se gâcher l’avènement de certaines péripéties par une trop grande connaissance de sa vie. Si dès le départ, nous pensons que le double prénom de Jane Charlotte est bien évidemment une référence à Charlotte Brontë et son fameux personnage Jane Eyre, il existe également une autre allusion qui prend toute son importance lorsque l’on connaît les dramatiques évènements qui ont jalonné l’existence de Philip K. Dick. N’oublions pas que dans cette histoire ci, Phil est le jeune frère de l’héroïne, personnage auquel elle revient sans cesse… hantée par ses souvenirs.
Nous retrouvons aussi l’univers de l’écrivain singulier Thomas Pynchon (dont l’existence fut remise en cause tant il détestait parler aux journalistes, vivant en reclus, refusant obstinément de se faire photographier) avec les allusions aux noms bizarres (ici, tous ces Bob, et True, Wise, Love…) et bien évidemment les drogues et la paranoïa. Ces deux écrivains qui se sont violemment opposés à la guerre du Vietnam, considérés comme des gauchistes dans une Amérique ou régnait le mccartisme, est donc remise au goût du jour ici, ou l’on présente le terroriste islamiste comme le vrai ennemi… alors que le message semble plutôt être que la plus grande puissance mondiale est gangrenée de l’intérieur par le mal sous toutes ses formes. Mais essentiellement, la grande question qui se pose alors : n’est-on pas son pire ennemi ?
Avec une modernité rafraîchissante, Matt Ruff souhaite nous lancer notre propre monde au visage, avec ses failles sociales, mais également les fêlures personnelles montrées par certains êtres qui se révèlent tellement rongés par la culpabilité qu’ils se perdent irrémédiablement. Il me semble que l’accueil de ce roman sera excessif, soit on l’adore ou alors on le rejette… mais dans le même élan passionné ! Si vous en avez assez de ces centaines d’histoires de serial killer et que vous êtes fasciné par la complexité de la conscience humaine, courrez l’acheter, vous ne le regretterez pas !
Fiche Technique
Format : broché
Editeur : 10-18
Collection : Domaine étranger
Sortie : 07 février 2008
Prix : 13.50 €