Le Voile pourpre – Avis +

Présentation de l’éditeur

Produit génétique mixte, Mika Noguchi a toujours vécu entre les démons et les humains. Elle seule peut franchir à son gré le Voile pourpre qui sépare leurs mondes, et c’est pour cette raison que le Conseil l’a envoyée à Crimson City récupérer un sortilège d’incantation détenu par un certain Conor McCabe. Au premier coup d’œil, Mika reconnaît en lui son Vishtau, le compagnon à vie de toute femme démon. Mais McCabe est un mercenaire qui pourchasse et élimine les démons. Comment réagira-t-il lorsqu’il comprendra que Mika l’a manipulé ?

Et comment survivre dans cette ville infestée de vampires et de loups-garous ? C’est pourtant d’une autre espèce que viendra le danger car, dans l’ombre, des êtres redoutables attendent que sonne l’heure des Ténébreux…

Avis de Domino

Troisième volet du cycle Crimson City, ce roman met en scène deux démons, Mika et Conor McCabe ou plus exactement deux demi-démons car à moitié humains.

Les démons sont des êtres qui avaient été évoqués dans le précédent volume, L’odeur du loup. Malgré leur nom ce sont des créatures sans aucune connotation religieuse. Ils appartiennent au monde souterrain et restent l’objet de crainte pour les autres créatures surnaturelles et de fantasme pour les humains. Même pour les vampires et les loups-garous, les démons sont des quasi inconnus. Ils en connaissent l’existence sans savoir grand chose sur eux. On les sait puissants, dangereux et si ils sont craints des hommes ils le sont aussi des vampires et des loups-garous qu’ils surpassent en puissance et en dons.

Cependant, malgré leur puissance, les démons sont confinés dans le monde souterrain ou Orcus, nom qu’ils donnent à leur monde. Autrefois, les démons ont vécu sur Terre mais à la suite d’une faute gravissime, dont on ignore tout, ils ont été relégués sur Orcus avec l’impossibilité de revenir sur Terre à moins d’être invoqués, c’est à dire appelés nommément sur Terre et encore pour une tâche et une durée bien précise.

Orcus est séparé du monde des humains par une barrière, le Voile pourpre que nul ne peut franchir à moins d’être appelé. La légende prétend qu’une incantation, un sortilège détenu par un Gardien permettrait d’abaisser ce Voile rendant le passage des démons vers la Terre possible. Mais ce passage aurait un prix, une fois le Voile abaissé, tous les démons deviendraient les esclaves du Gardien.

Le roman raconte l’histoire de la rencontre, plutôt explosive, de Mika et de Conor. Appartenant aux deux mondes, ils ne se sentent nulle part à leur place. Si Mika a choisi de vivre sur Orcus, Conor, lui refusant résolument sa part démoniaque vit sur Terre traquant sans relâche les quelques démons qui croisent sa route ainsi que toutes les créatures surnaturelles hors la loi. Mika est envoyée par le Conseil dirigeant Orcus pour récupérer l’incantation et la détruire car en effet si la perspective de retourner sur Terre est alléchante, celle de subir le joug de l’esclavage l’est nettement moins ! A cette fin, Mika, la seule démone capable de franchir à son gré le Voile du fait de son humanité, est envoyée à la rencontre de Conor. Malgré sa réticence première à accepter la mission – pourquoi le ferait-elle alors qu’hormis sa famille, elle est méprisée et juste tolérée sur Orcus, – Mika finit par l’accepter car elle croit reconnaître en Conor son Vishtau, son compagnon d’une vie, celui qui lui est destiné de toute éternité.

Le roman est une véritable réussite car outre introduire de nouveaux personnages, l’intrigue est remarquablement construite et les deux personnages particulièrement attachants. Le lecteur ne pourra que tomber sous le charme de la délicieuse Mika, à la fois espiègle et tenace, forte dans sa détermination et si faible dans ses pouvoirs. Elle est l’incarnation de ces esprits facétieux dont les contes des veillées d’autrefois sont peuplés.

Diablotin irrésistible elle s’apparente à une véritable tornade et vient bousculer sans remords l’univers désespéré de Conor. Avec sa sensualité à fleur de peau et son humour ravageur Mika fait souffler un vent de fraîcheur sur tout le roman. Face à elle, Conor McCabe apparaît beaucoup plus sombre et désespéré. Si ses pouvoirs en font un démon particulièrement puissant, très rapidement ses failles apparaissent le rendant très touchant. Les tentatives pitoyables de Conor pour lutter contre le désir qui le pousse vers Mika sont irrésistibles de drôlerie, mais le roman acquiert une profondeur inattendue quand Conor découvre la duplicité de Mika. Passant outre ses réticences, motivées par un passé douloureux fait de rejets, c’est au moment où il se donne pleinement qu’il découvre que Mika le manipule depuis le début.

C’est une des grandes forces du roman que de proposer une relation amoureuse peu banale. Mika se trouve en effet coincée dans une situation inextricable, entre la promesse faite au Conseil qui la lie de façon indissoluble et l’amour réel et profond qu’elle éprouve pour son Vishtau. Quoiqu’elle fasse elle sera amenée à trahir l’un pour rester fidèle à l’autre. Son grand défi sera de convaincre Conor qu’en respectant la promesse faite au Conseil, elle ne trahit en rien son amour pour lui. Lui faisant face, Conor aura le plus grand mal de passer d’une vision manichéenne, tout en noir en blanc à une vision plus subtile intégrant toute la gamme du gris. Il lui faudra également remettre en question toutes les certitudes sur lesquelles il a fondé sa vie.

A côté de Mika et Conor de nouveaux joueurs viennent interférer, brouillant un peu plus le jeu et le rendant parfois opaque. Tout comme Conor, le lecteur découvre la société très hiérarchisée des démons ainsi que les tensions qui la parcourent suivant les intérêts contradictoires des uns et des autres.

Ce roman réussit le pari d’introduire de nouveaux personnages tout en proposant une histoire sentimentale fort originale et une intrigue ponctuée de rebondissements parfaitement amenés. Dans le même temps, l’auteur dresse le tableau d’une société à la fois proche de celle des hommes et totalement différente, créant chez le lecteur une furieuse envie d’en savoir un plus. Coup de chance, le roman suivant La ville sombre de Carolyn Jewel viendra à point nommé répondre à un bon nombre de questions.

Dans ce type de cycle où chaque volet est écrit par un auteur différent on peut craindre des disparités entre les romans mais Crimson City démontre de façon éclatante le contraire. Chaque roman parvient à être à la fois original et autonome tout en faisant avancer l’action de la série. Chaque opus annonce le suivant, introduisant des êtres et des thématiques nouvelles qui seront développés dans le volet suivant. C’est une approche originale, souvent risquée car nécessitant une grande complicité entre les auteurs. Il semblerait que dans Crimson City le pari ait été gagné !

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 378
Editeur : J’ai Lu
Collection : Mondes mystérieux
Sortie : 3 septembre 2007
Prix ; 6,90€
Titre original :Through A Crimson Veil