La nuit nous appartient – Avis +

Résumé

New York, fin des années 80. Bobby est le jeune patron d’une boite de nuit branchée appartenant aux Russes. Avec l’explosion du trafic de drogue, la mafia russe étend son influence sur le monde de la nuit. Pour continuer son ascension, Bobby doit cacher ses liens avec sa famille. Seule sa petite amie, Amada est au courant : son frère, Joseph, et son père, Burt, sont des membres éminents de la police new-yorkaise…

Chaque jour, l’affrontement entre la mafia russe et la police est de plus en plus violent, et face aux menaces qui pèsent contre sa famille Bobby va devoir choisir son camp…

Avis d’Enora

James Gray confirme avec ce film son talent déjà pressenti dans Little Odessa (1994) et The Yards (2000). On y retrouve outre des thèmes récurrents (comme la rupture avec la famille, le destin et la dimension shakespearienne des personnages), les acteurs du film précédent (Wahlberg, Phoenix) et surtout la force de Little Odessa. Le titre We own the night, devise du NYPD à la fin des années 80 nous plonge tout de suite dans l’ambiance noire et dramatique de l’histoire.

Cinéaste méticuleux et perfectionniste, James Gray a mis près de deux années à écrire son film et le résultat est à la hauteur de nos attentes. Dans La nuit nous appartient, il rend hommage à deux grands réalisateurs, Visconti et Kurosawa par sa façon de commencer son film dans le plus grand réalisme pour basculer dans le mythe et la parabole. En effet l’histoire n’est pas sans nous rappeler celle du fils prodigue qui contrairement à son frère aîné respectueux des règles, va à la découverte du monde en séducteur, avide d’aventures sans honorer les valeurs de son père. Personnage shakespearien, Bobby (Joaquin Phoenix) va renoncer à ce qui fait son identité pour correspondre à l’image du fils souhaité par son père. Rien n’est jamais simple chez James Gray et le regard de Joaquin Phoenix à la fin, contredit l’impression du retour à l’ordre moral, social et filial : on est ici dans la plus pure tragédie car en faisant ce qu’il pense être son devoir, Bobby perd son âme et la femme qu’il aime.

Entre alors une autre dimension, le destin, cette divinité aveugle, inexorable, issue de la nuit et du chaos (on peut se demander si le titre ne s’inspire pas aussi de cela). Le cinéaste nous interroge : «Est-on libre, ou est-on une victime de l’idéologie dominante du lieu et du temps dans lequel on vit ? » [1] Maîtrise-t-on complètement sa destinée comme notre siècle de liberté individuelle voudrait nous le faire croire ou cette sensation de maîtrise n’est-elle qu’illusion? « Cette idée de destin est au cœur de ma réflexion sur les existences individuelles et sur la façon dont le monde évolue. » [[entretien avec Serge Kaganski, 28/11/07]]

La nuit nous appartient n’est pas un film manichéen ni un film sur la vengeance, James Gray ne trouve aucune beauté à la loi du talion et il l’a très bien traduit dans la scène de pourchasse entre Bobby et Vadim à travers les roseaux. C’est un film sur le tragique de la vie à travers les choix difficiles que sont amenés à prendre les individus. Sur la famille aussi, ce qu’on lui doit, ce qu’on est prêt à payer et les conséquences qui en découlent.

James Gray a réalisé avec La nuit nous appartient un film magnifique porté avec sensibilité et talent par Joaquin Phoenix (future nomination aux Oscar pour ce rôle ?) et Robert Duvall.

Réalisateur et scénariste, James Gray est né à New York en 1969. Sa famille est arrivée aux Etats Unis en 1924 après que ses arrières grands parents aient été massacrés par les cosaques au cours d’un pogrom antisémite. Leur nom a été abrégé et anglicisé pour devenir Gray.

Fiche Technique

Date de sortie : 28 novembre 2007

Avec Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Robert Duvall, Eva Mendès, etc.

Genre : policier

Durée : 114 minutes

Titre original : We Own The Night