Le lifting de Madame Benichou – Avis +

Résumé

Yvonne Bénichou vend son magasin pour pouvoir se payer un voyage à New York, un chirurgien américain lui ayant envoyé un devis en prévision d’une opération de chirurgie esthétique. Mais voilà, le prix de vente ne suffit pas pour tout régler. Elle a une semaine pour trouver l’argent qui lui manque…

Avis de Valérie

Loin de se réduire à une farce communautaire, Le Lifiting de Madame Bénichou est du café- théatre de grande qualité qui fait rire avec l’accent mais sort du quartier limitatif des Juifs sépharades pour s’installer au coeur d’un public plus vaste, grâce notamment à des dialogues compréhensibles même par les non-initiés.

Une troupe de comédiens se relaient chaque jour pour offrir de nombreux éclats de rire. Par exemple, bien qu’il y ai plusieurs rôles masculins, il n’y a qu’un seul acteur qui les assume tous. Benjamin Gauthier se paye le luxe de l’outrance et il est réjouissant et séducteur. Du côté des filles, Angèle Hymeau interprète une ado grunge et bougonne et la minute d’après se retrouve totalement métamorphosée en mamie pied noir qui radote et n’entend rien. Si au départ, Madame Bénichou paraît trop stéréotypée, elle sert de pilier autour duquel s’articulent les sketchs.

Chacun des comédiens impressionne par son talent d’acteur et offre une vraie osmose avec le public. Des rires, des dérapages, des clins d’oeil réjouissent les spectateurs, comme à la grande époque de l’équipe du Splendid.

Loin d’être novateurs mais vraiment talentueux, nous sommes face à une vraie performance à la française qui va servir le texte comique et le transcender. Voici donc à une farce digeste et enlevée qui rend le sourire à toute une salle de spectacle, pour un prix modique.

A ne pas râter.

Avis de Marnie

Il faut avouer que le premier degré est le vrai ennemi de cette pièce. Pendant les cinq premières minutes, le surjeu, l’excitation superficielle et l’humour forcé nous font penser au pire moment de la vérité si je mens. Heureusement, l’accumulation de clichés va peu à peu laisser la place à une satire bien plus subtile qu’il n’y paraît de tous les défauts et qualités dont on a l’exaspérante habitude d’affubler les juifs sépharades, souvent mêlés d’un antisémitisme qui s’ignore… ainsi qui n’a pas entendu des remarques comme : «ce qui est bien avec les juifs, c’est qu’ils s’entraident quoi qu’il arrive», ou encore, «une mère juive adore toujours ses enfants, empoisonnant leur vie de sa sollicitude mais donnerait sa vie pour eux»…

Alors, Yvonne Bénichou est-elle l’exception qui confirme la règle ? Franchement non, mais il était nécessaire de le rappeler ! Comme c’est rafraîchissant d’assister à ce règlement de comptes anti-clichés ! Bien évidemment, nous pouvons trouver qu’il s’agit ici d’une agréable pochade sans grand intérêt, mais honnêtement, il est aisé de constater que chaque jour qui passe accentue une certaine cruauté jubilatoire, d’abord sous-jacente, puis qui transparaît pour mieux exploser au fur et à mesure que les échanges entre tous les protagonistes se compliquent.

Cette sensation de folie joyeusement méchante et excessive est accentuée par les acteurs, qui, sans se prendre au sérieux, montrent un vrai plaisir à se lancer dans cette aventure d’une heure, avec une énergie pleine de fraîcheur et surtout d’enthousiasme. Ils en veulent, ils aiment ça ! En tête d’affiche, la grand-mère Bénichou (Angèle Hymeau), qui ennuie tout le monde en revivant encore et encore sa jeunesse à Alger, peut-être nettement moins idyllique que ce qu’elle s’obstine à radoter. Cette jeune femme est particulièrement bluffante, non parce qu’elle est bien grimée, mais surtout pour ses gestes, son attitude et sa voix particulièrement convaincante qui nous la font croire nettement plus âgée que dans la réalité.

Mais tout le reste de la troupe joue sa partition avec autant de force et de volonté, que ce soit la cliente goy de service (Catherine Lefroid), interprétant la mère névrosée au mépris pas très subtil, jusqu’à l’évaporée qui met deux jours pour choisir un vêtement, en passant par l’acheteuse déprimée et influençable, ou encore Ethan l’acquéreur et ami juif (Benjamin Gauthier qui interprète aussi tous les rôles masculins de la pièce). Ils nous font oublier à chaque fois leur personnage précédent, ce qui montre un registre étendu et surtout un talent certain.

Mais que serait la pièce sans Madame Bénichou et ses filles ? Si Yvonne (Vanessa David) joue dans une sorte de tragique excès au début, plus les jours passent, plus elle est accablée et s’éteint avec une sorte de fatalisme assez tragi-comique, alors que son aînée, Kelly (Camille Chamou), une jeune femme conventionnelle et tristement célibataire plongée dans des rêves romantiquement absurdes, apprend durement certaines leçons de la vie, et Rachel, sa cadette, (Méliane Marcaggi) se focalise sur les causes perdues, refusant l’idée que l’argent mène le monde. Drôles, excessives, passionnées et niaises à plaisir, ces trois femmes tout en étant avares d’amour, mesquines, incultes, naïves, sottes et rusées, montrent une certaine sensibilité, ce qui les rend alors attachantes.

Il reste à souligner une mise en scène qui reprend les bons côtés du café-théâtre, ou chaque jour qui passe est construit comme un long sketch, avec entrées et sorties du magasin appuyées, le tout dans un décor minimaliste ou chaque élément est placé là pour accentuer l’humour. Le rythme est trépidant, sans aucun temps mort, et nous passons en fait un très bon moment à nous amuser des autres mais aussi de nous-mêmes… Que demander de plus ?

Fiche Technique

Mise en scène : Bénédicte Budan
Théâtre Le Temple – 18 rue du Faubourg du Temple – 75011 Paris
Métro : République
Tarifs : 26,50 € / 15,50 €
Réservation : 01 40 26 04 14 / 0 892 35 00 15

Horaires

– du mardi au vendredi à 21h30
– le samedi à 16h45 et à 21h30
– le dimanche à 17h00