Darling – Avis +

Résumé

Darling est une femme d’aujourd’hui, lancée dans le broyeur de la vie, et qui donne l’impression de toujours choisir la mauvaise direction. Elle souffre car la vie ne l’épargne jamais. Mais elle ne se voit pas comme une victime. Elle ne s’apitoie pas sur son sort. Au contraire, son parcours, son histoire, témoignent d’une rage de vivre envers et contre tout. Elle se bat pour exister. Si elle tombe, elle se relève. Ses rêves se heurtent à la réalité mais elle avance, toujours et encore. Proche de la rupture, elle puise au fond d’elle même une énergie pour continuer.

Sa parole la révèle comme une femme qui veut garder sa dignité et séduire malgré tout. Darling est naïve et effrontée, instinctive et courageuse. Elle possède la force vitale d’une héroïne de tragédie.

Avis d’Enora

Darling est une histoire vraie. Un jour Jean Teulé voit débarquer à son bureau de Canal +, une cousine qu’il avait perdue de vue depuis de longues années. En l’écoutant raconter sa vie, il lui vint l’idée d’en faire un livre. Décision difficile « En écrivant le roman, je n’en pouvais plus, n’osais m’approcher d’une fenêtre de peur de passer au travers. J’ai fini le livre sous Xanax. » [[Entretien avec Jean Teulé – Extrait tiré du dossier de presse]] L’ami de Darling voyant d’un mauvais œil la publication de ce récit, celle-ci a mis le feu à l’exemplaire « Ah, j’en étais sûre ! Quand je vivais tout ce merdier personne ne s’occupait de moi mais si maintenant je le raconte on va me tomber dessus ! Puisque c’est comme ça, voilà ce que j’en fais du roman ! » [[Entretien avec Jean Teulé – Extrait tiré du dossier de presse]] puis a cherché à se jeter dans le vide.

Darling c’est l’histoire d’une enfant non désirée « Tu as toujours été une emmerdeuse ! Déjà deux heures avant ta naissance, tu as gâché la fête et fait chier tout le monde », maltraitée, humiliée qui cherche à s’évader de cette famille… il n’y a pas de mots assez forts pour la décrire comme il n’y en a pas non plus pour exprimer ce que fut sa vie. La clef de sa prison a pour elle l’allure des trente cinq tonnes qui sillonnent la nationale devant ses fenêtres, d’ailleurs Darling est le pseudo qu’elle prend pour échanger sur la CB avec les chauffeurs routiers « Elle préférait déjà les gueules de routiers à celles des paysans. Ils avaient des yeux noyés d’Indonésie et des visages brûlés comme des châteaux en Espagne ». Un jour elle en suivra un et s’enfoncera encore dans l’enfer. Battue, torturée, humiliée, cette femme prise dans la compulsion de répétition, dans la spirale infernale de la reproduction du vécu, du seul connu, parviendra un jour à s’en échapper, mais à quel prix et dans quel état !

Christine Carrière a réussi à faire un film pudique dans le visuel, et grâce à la voix off qui permet de prendre une certaine distance face à la tragédie de la jeune femme, la réalisatrice met le spectateur en position de témoin. On se surprend avec horreur à sourire par moment, nous sommes pris dans la défense maniaque de Darling qui survit grâce à l’autodérision et à l’humour noir. Le mécanisme de la violence conjugale est parfaitement décrit, la « passivité » de l’un exacerbant la violence de l’autre, l’amenant même par glissement à se retourner contre son auteur.

Ce témoignage nous renvoie à l’intolérable, à l’inentendable comme le confirme cette critique de Françoise Delbecq dans Elle « Ou l’itinéraire d’une jeune Cosette normande en surpoids qui passe sa vie à faire des mauvais choix. Bonjour l’angoisse… Stop ! Pour amateurs de misérabilisme exclusivement. ». Chère madame Delbecq, je vous invite à sortir de chez vous et à venir un jour au CIDF ou à Accueil Femmes pour prendre conscience que ce « misérabilisme » est malheureusement le quotidien de certaines et pas seulement des Cosette ! Quant aux mauvais choix, expliquez moi comment on fait pour sélectionner ses géniteurs…

Et encore, Christine Carrière a occulté dans son film ce que les enfants avaient subi de la part de leur père après le départ de leur mère ainsi que la difficulté de Darling à être mère encore maintenant « je ne sais plus aimer…je ne sais plus comment on fait. Je ne sais même pas si l’année prochaine, je demanderai le renouvellement de la garde…une fois ça va, une fois ça va pas… je me dis : c’est trop tard… » . Et on ne peut s’empêcher de se demander si les trois enfants arriveront à se reconstruire au fil du temps…

A noter la qualité des interprètes : Océane Decaudain en Darling enfant, Marina Foïs merveilleuse comédienne qui a su donner un à son personnage une dimension tragi-comique et Guillaume Canet en homme qui dérape dans l’horreur.

« Le premier roman que tu vas lire, c’est celui-ci, qui raconte ta vie ?
– Oui.
– Tu vas voir, c’est l’histoire d’une fille. Elle en chie drôlement…
– Puisque c’est un roman, est-ce que tu pourrais me faire belle ?
« 

Oui, tu es belle Darling, belle dans ta constance à vouloir rester debout malgré l’enfer qu’a été ta vie pendant trente deux ans et belle dans le courage qu’il t’a fallu pour en témoigner !

Fiche Technique

D’après un roman de Jean Teulé.

Genre : drame

Sortie : 7 novembre 2007

Avec Marina Foïs, Guillaume Canet, Océane Decaudain, Anne Benoit, Marc Brunet, Sissi Duparc, etc.