Le Prince de Lexington Avenue – Avis +

Résumé

Rudy Kelly a 19 ans. Il est pauvre, métis et simple d’esprit. Quand la provocante jeune femme qui l’avait invité à boire un verre chez elle est retrouvée assassinée, il est désigné comme le coupable idéal aux yeux de la police et du procureur, qui iront jusqu’à dissimuler des preuves pour le faire inculper, afin de servir les intérêts de leur carrière.

Pour Rudy, la partie semble perdue d’avance dans ce jeu truqué. Mais Jack Tobin, brillant avocat et ami de longue date de Mickey, le père de Rudy, est décidé à se battre jusqu’au bout pour prouver l’innocence du garçon. Un combat rédempteur pour Jack qui trouve là le moyen d’acquitter envers Mickey une dette morale contractée dans leurs années d’enfance new-yorkaise, lorsque l’ambitieux et le débrouillard Jack avait été surnommé le « Prince de Lexington Avenue ».

Avis de Francesca

C’est un roman coup de poing écrit par un auteur débutant puisque c’est son premier livre, mais également par un spécialiste du système judiciaire américain puisqu’il est avocat après avoir vécu une enfance modeste à New York. Ces différentes étapes de sa vie ont suffisamment marqué James Sheehan pour qu’il les utilise dans son récit à la fois poignant et implacable. Plusieurs histoires s’entremêlent dès le départ et le lecteur se retrouve happé dans l’intrigue jusqu’à ce que la vérité éclate et que les masques tombent. En lisant le résumé, le lecteur n’a aucune conscience des rouages d’une affaire judiciaire et de la manipulation qui se trame à chaque niveau, que ce soit d’un côté ou de l’autre, de sorte qu’il n’y a pas de manichéisme simplifié, bien au contraire, tous les coups sont permis pour gagner et remporter la partie. Cependant, il est tout de suite pris dans l’engrenage du récit.

Le point de départ de l’histoire est l’assassinat d’une femme à son domicile. Une affaire tristement banale en apparence si certains personnages ne s’en servaient pas pour leurs propres intérêts. A partir de là va s’enclencher une terrible mécanique qui enverra un innocent à la chaise électrique. Je dis bien un innocent puisque la vérité est révélée dès le début, ôtant le moindre doute au lecteur à ce sujet. Ce qui a intéressé l’auteur, ce n’est donc pas le doute concernant la culpabilité du suspect numéro un sur lequel s’acharnent aussi bien le ministère public que les médias, mais le lent processus d’un procès qui est décortiqué dans toutes ses étapes avec le travail réalisé par le procureur ainsi que l’avocat de la défense. Ce faisant, c’est tout le système judiciaire qui est révélé avec tout ce qu’il comporte de failles, d’oublis et d’aspects peu reluisants qui se cachent sous la belle théorie de l’équité en matière de justice. Les questions d’argent et de pouvoir prédominent sur la recherche de la vérité et le lecteur ne peut s’empêcher d’être profondément indigné par les manœuvres bassement intéressées qui sont faites en coulisses, sans tenir compte que la vie d’un être humain est en jeu.

En lien avec cette sombre et triste affaire se joue une autre affaire, cette fois-ci plus personnelle pour Jack Tobin, autrefois appelé Johnny. Avec son meilleur ami Mickey, il formait un duo de gamins inséparables qui faisait les 400 coups. Cependant, il manquait de confiance en lui et était protégé par Mickey. Le surnom de « Prince de Lexington Avenue » est d’ailleurs symbolique et lourd de significations sur leur enfance. Après une bêtise qui a mal tourné, celui qui est devenu Jack, qui est sorti de la misère et qui s’est construit une vie aisée est rongé par la culpabilité et tient une chance de rédemption en tentant de sauver Rudy. Il y risquera son mental et sa vie mais fera des rencontres inoubliables.

Cette course à la vérité n’est pas la plus importante, la descente aux enfers de Rudy étant davantage développée avec une force et un style qui rend d’autant plus le lecteur sensible au sort de ce garçon qui ne comprend pas ce qui lui arrive mais qui est condamné d’office. D’espoirs en déceptions, de décisions en désillusions, la chute en est d’autant plus dure à chaque fois, laissant le lecteur groggy mais toujours accroché à la moindre attente, au moindre rai de lumière qui pourrait sortir de cette mascarade. Les rebondissements sont multiples, donnant l’impression que l’horreur de la réalité est sans fond et que le bien est une notion fragile et inatteignable. James Sheehan ne cherche pas à exagérer les choses ni à en enjoliver d’autres, la lumière froide et crue de la réalité étant révélée de façon brusque pour nous faire prendre conscience que la justice n’est pas parfaite ni équitable. L’épilogue est à cette image, il n’y a pas de fin idyllique pour tout le monde. Certains s’en sortent bien, d’autres moins, la vie étant ainsi faite qu’elle n’est pas toujours juste pour chacun.

A cette lecture, le débat sur la peine de mort est évidemment soulevé de nouveau et présent dans nos esprits. Si en France, l’interdiction de la peine de mort est inscrite dans la Constitution nationale, la situation est diamétralement opposée aux Etats-Unis comme chacun sait. Pour ou contre, la réalité des statistiques ne peut être contestée : des innocents attendent encore aujourd’hui dans les couloirs de la mort américains. Quoiqu’il en soit, vous ne sortirez pas indemnes de ce livre et c’est tout le mérite de ce roman. L’auteur réussit en plus à caser plusieurs histoires d’amour entre les menaces de mort et la corruption active, ce qui est un véritable tour de force et je ne puis que m’en réjouir !

Pour un premier essai, James Sheehan a signé une réussite digne des maîtres du genre, John Grisham en tête, et ne va sûrement pas s’arrêter en si bon chemin ! Un auteur à suivre.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 459
Editeur : Belfond
Collection : Belfond Noir
Sortie : 6 septembre 2007
Prix : 20€