Le seigneur de la brume – Avis +

Résumé de l’éditeur

Son manteau noir flotte sur ses épaules telles les ailes d’un oiseau de proie quand il chevauche son destrier caparaçonné de noir et d’or. Lui, c’est Durand de Marle, seigneur de Ravenswood, ancien croisé au service de Richard Cœur de Lion. Il vient de perdre son épouse infidèle emportée par une fièvre puerpérale, et il sait que l’enfant qui vient de naître n’est qu’une bâtarde, aussi ne lui a-t-il pas accordé un seul regard.

Jusqu’au jour où il croise sa nourrice, Christina. Cette femme douce et mystérieuse qui danse, tresse des fleurs et connaît les secrets des plantes le fascine aussitôt. Elle est celle auprès de qui il pourrait trouver la quiétude de l’âme et le bonheur, mais elle est mariée et un monde les sépare.

Avis de Marnie

Premier tome d’une série qui en compte actuellement trois, ce roman constitue une très agréable surprise. Ann Lawrence réussit son double pari, le premier de mettre en scène un couple charismatique, et le second de construire un solide et passionnant contexte historique que l’on a du mal à quitter.

L’intérêt principal que l’on éprouve en observant les deux héros, c’est leur totale cohérence avec l’époque, le lieu et leur condition sociale. Le principal défaut de la romance est de souvent mettre en scène des personnages que l’on pourrait placer aussi bien dans la Grèce antique, sous la Renaissance, ou encore dans l’ère victorienne, avec pour seules caractéristiques des idées actuelles sur la vie, l’amour et le rôle de l’homme et de la femme dans notre société.

Heureusement, ici, il n’en est rien. Durand de Marle, dès les premières lignes du premier chapitre, enterre son épouse. Noble riche et puissant, il est un des plus proches conseillers du roi Jean, qui vient d’accéder au trône après la mort de son frère, Richard Cœur de Lion. L’amour n’a jamais fait partie de l’univers de notre héros. Son but est de récupérer ses riches terres françaises, confisquées par le roi Philippe, à cause de son allégeance à l’Angleterre, pour sa famille et surtout pour ses deux fils, éduqués au loin comme le veulent les coutumes de l’époque. Après quinze ans de mariage avec une épouse bien évidemment imposée et qu’il avait appris à apprécier, la jeune femme est morte en mettant au monde un enfant dont il ne peut être le père. Amer, il cherche parmi tous ses proches qui a trahi sa confiance. Son honneur a été bafoué mais son cœur n’a jamais été touché. C’est un homme de devoir, qui porte sur les épaules le poids des responsabilités, mêlé aux multiples intrigues politiques et financières de la Cour. Son unique but est de tirer son épingle du jeu… Parallèlement, la recherche du coupable n’est pas liée à de la jalousie, mais elle est destinée à savoir à qui il pourra se fier lorsqu’il devra partir au combat avec ses compagnons.

Christina Le Gros est une femme mariée depuis neuf ans. Connue pour concocter des parfums de toutes sortes, elle aide son mari, Simon, à tenir un commerce. Si, à 19 ans, elle a été attirée par la belle physionomie de cet homme, le mariage a été arrangé par son père. Elle s’est aperçue depuis que son époux n’a rien d’estimable. Courageuse, douce et fière c’est une femme croyante, pour qui les mots devoir et fidélité ne sont pas de vaines paroles. Son rôle au sein du couple, est de mettre un enfant au monde… Seulement voilà, les grossesses de la jeune femme n’aboutissent pas, et Christina vient juste d’accoucher d’un bébé mort né. Elle a donc failli. Elle est alors choisie pour être la nourrice de Félicité, la fille de son seigneur.

C’est ainsi que deux êtres que tout sépare, qui n’auraient même jamais échangé que quelques paroles anodines, vont se retrouver étroitement liés. Une profonde attirance va aussitôt naître entre eux, cependant ni elle, ni lui, ne peuvent y céder. Les évènements, leurs proches, le contexte politique, les intrigues de cour vont contribuer tour à tour à les réunir, à les séparer, mettant l’un ou l’autre en danger de mort. La psychologie de chacun est passionnante. Durand réalise qu’il est tombé amoureux, cependant il ne lui vient même pas à l’idée de souhaiter épouser l’élue de son cœur. Le mariage ne représente pour lui qu’une alliance aux termes de laquelle on gagne terres, argent ou n’importe quel moyen d’accroître sa puissance. Quant à Christina, elle ne représente rien aux yeux de ces nobles. Chacun dispose d’elle à sa convenance, avec mépris ou indifférence bienveillance, mais sa seule option est de s’adapter aux circonstances. Elle ne possède rien et n’a aucun pouvoir. Quoique orgueilleuse et volontaire, la jeune femme ne montre aucune velléité de se rebeller. Christina sait rester à sa place.

Même si certaines péripéties sont classiques et un peu trop attendues, l’intensité de l’étude psychologique des héros ainsi que l’évolution des personnages secondaires, durs ou émouvants, mesquins ou généreux, tous avec des faiblesses et des défauts qui les rendent profondément humains, prennent le pas sur le déroulement de l’histoire. Je retiendrai également la description acide et quelque peu satirique de la cour du roi Jean, lui-même représenté comme un être cruel, mais aussi faible, avide, versatile, retors et sans honneur. Tout cela enrichit considérablement le récit… Le contexte politique imprègne même tellement l’histoire que Ann Lawrence ne tombe pas dans le piège stupide de conclure sur une fin de conte de fée.

J’espère que l’éditeur aura la bonne idée de traduire le roman suivant, dont les échos sont encore meilleurs que celui-ci ! Un auteur à découvrir !

Fiche Technique

format : poche
Pages : 313
Editeur : J’ai Lu
Collection : Aventures & passions
Sortie : 17 août 2007
Prix : 6,50 €