Soudain, cette année là – Avis +/-

Résumé de l’éditeur

Depuis qu’elle se croit responsable de l’accident qui a tué son frère, Victoria est perdue. Seul son petit garçon, né d’une aventure sans lendemain, la raccroche à la vie. D’ailleurs, à bout de forces et de ressources, c’est pour lui assurer un vrai foyer qu’elle se résout à renouer enfin avec une famille qu’elle avait préféré fuir.

Cependant, alors que ses parents se montrent jour après jour tout disposés à lui ouvrir les bras, c’est avec elle-même que Victoria refuse obstinément de faire la paix, repoussant tout l’amour qu’on lui offre. Seul Sandor – homme mystérieux, voisin de ses parents – paraît éveiller chez elle un singulier intérêt…

Avis de Marnie

Il n’y a rien de plus agaçant que de commencer un roman, le trouver intéressant, et puis constater que l’histoire ne tient pas toutes ses promesses. C’est exactement le cas présent. Et c’est bien dommage, parce que les points positifs ne manquent vraiment pas !

1) l’héroïne
Victoria ne se croit pas responsable. Elle l’ait. Et c’est cette vérité monstrueuse qu’elle ne peut pas assumer et qui l’a entraînée dans le gouffre. Victoria est tout le contraire de ce que signifie son prénom : elle représente l’échec. Ria comme elle se fait appeler, surnom que lui donnait son frère (car elle ne supporte même plus son prénom) vit depuis quelques semaines dans sa voiture, ne peut plus assumer seule financièrement l’éducation de son fils, dont elle ne sait pas qui est le père. Elle a tenté de se suicider, et de temps en temps se donne à n’importe quel homme qui lui paiera un verre dans un bar. Harlequin ne nous a que très rarement habitué à mettre en scène des perdantes, des filles paumées… et là, c’est un excellent point de départ, parce que le lecteur ne peut que se demander ou cette femme si fragile peut trouver enfin la force de se battre.

2) L’écueil évité : le mélo
La très bonne idée de l’auteur, c’est de ne pas tomber dans le pathos. Si nous devinons ce qui est arrivé, par petites touches, jamais nous n’aurons le récit de la mort de l’adolescent, nous ne subissons pas des scènes d’enterrement, de torrents de larmes et un déballage larmoyant sur le vide sans fin laissé par le jeune disparu. Il y a très peu de retours en arrière, et les seuls évoqués, ce sont les réactions d’une Victoria encore gamine, furieuse d’être dépossédée de ses parents par sa sœur cadette si parfaite enfant modèle et son frère bébé, scènes nécessaires pour comprendre comment la situation va déraper peu à peu jusqu’à l’adolescence rebelle de Victoria.

Malheureusement, cette originalité est contrebalancée par un héros bien trop “parfait”. Sandor aide tout le monde en portant avec outrance un étendard de bon samaritain. Ce pilier indestructible qui devine tout de suite la psychologie profonde de Victoria (il est fort, le bougre !), est également artiste, travailleur, beau, intelligent, immigré hongrois, il ADORE les États-Unis qui l’ont accueillis et réussit financièrement parce que aux États-Unis etc. etc… Il en devient exaspérant. Et dans les livres les hommes qui n’ont pas de défaut n’ont plus rien d’humain, et n’ont alors plus aucune consistance. Autant l’héroïne est passionnante et attachante, autant, cet espèce de Schwartzenegger aux cheveux blonds, semble vide et décalé.

De même, si les parents de Victoria sont des personnages secondaires très intéressants avec leurs erreurs (un divorce vite regretté de part et d’autre), leurs contradictions et leur volonté de se battre pour arriver à toucher émotionnellement leur fille aînée, sa sœur n’est qu’une poupée égoïste et pimbêche, alors que l’auteur aurait du nous montrer sa fragilité afin que l’on comprenne sa réaction défensive compte-tenu de ce qu’elle a enduré seule, pour tenter de soutenir une famille littéralement dévastée. Et son soudain revirement final qui tombe totalement à plat, n’a aucune crédibilité.

Le dernier chapitre est la plus grande faiblesse de ce roman. J’ai bien trop senti qu’il “fallait” absolument le faire finir très bien. Mais, non, un tel drame ne peut être surmonté par toute une famille, d’un coup de balai final. Une scène, non de totale réconciliation, mais un peu désenchantée, ouverte vers l’avenir, qui laisse à tous les protagonistes un petit peu d’espoir aurait été bien plus émouvante et réaliste, que cette débauche soudaine de bons sentiments qui cassent totalement une histoire, pour une fois, non conventionnelle.

Enfin, espérons que les éditions Harlequin vont continuer dans cette voie, soit vers une évolution de personnages et de récits moins roses, plus complexes, ce que le format de cette collection «Emotions» permet d’atteindre (environ 280 pages) et entraîner un lecteur un peu lassé dans des chroniques et histoires humaines un peu moins politiquement correctes.

Fiche Technique

Format : poche
Editeur : Harlequin
Collection : Emotions
Sortie : 1 octobre 2006
Prix : 4,90 €