La chatte sur un toit brûlant – Avis +

Résumé

Depuis le suicide de son meilleur ami, Brick (Paul Newman) s’est détourné de sa femme Maggie, qu’il soupçonne à tort d’avoir eu une liaison avec lui et qu’il tient pour responsable de sa mort. Refusant de la toucher, immobilisé par une fracture de la jambe, il passe ses journées cloîtré dans sa chambre, à boire. Le père de Brick, Big Daddy (Burl Ives) riche propriétaire terrien du sud des Etats-Unis, revient d’un séjour à l’hôpital, ignorant qu’il n’a plus quelques mois à vivre. Courtisé par son fils aîné Gooper (Jack Carson) et sa bru servile et vindicative accompagnés d’une nombreuse progéniture attirés par l’héritage, Big Daddy est préoccupé par le comportement de Brick, provoquant un affrontement afin de le forcer à s’expliquer… au risque de détruire la relative harmonie familiale qui règne en surface.

Avis de Marnie

Cette pièce de Tennessee Williams créée à Broadway en 1955 avec Ben Gazzara, Barbara Bel Geddes et Burl Ives, a connu un tel succès, que les producteurs se sont battus pour l’adapter à l’écran, bien que réputée « intellectuelle »… c’est justement ainsi qu’était surnommée par son mari, le producteur Mike Todd, la douce et lisse Elizabeth Taylor. Il la poussa à accepter de jouer le personnage de Maggie, bien plus ambitieux, somme toute adulte et certainement beaucoup plus difficile, dont l’actrice parle encore aujourd’hui comme un de ses meilleurs rôles. Pour ceux qui ne voient de nos jours en Elizabeth Taylor, qu’une diva capricieuse, il ne faut pas oublier la superbe et talentueuse actrice qu’elle fut à cette époque.

Au bout de deux semaines de tournage, Mike Todd meurt dans un accident d’avion, laissant une Elizabeth Taylor folle de chagrin et de douleur, cet homme étant le premier à l’avoir considérée comme une vraie femme intelligente et capable de sublimer des rôles difficiles. Après trois semaines, en hommage à ce mari qu’elle n’oubliera jamais, elle regagnera les plateaux. A l’écran, il est évident que sa performance, cette souffrance à fleur de peau et cette fragilité mêlée de force et de violence transcendent alors sa prestation.

Les studios ne voulaient pas de Paul Newman pour le premier rôle. Ce fut le réalisateur qui insista et gagna cette bataille en expliquant «la raison principale qui m’a poussé à le choisir, c’est qu’il y a toujours en lui quelque chose qui demeure secret et refuse de se dévoiler facilement; en plaçant une caméra devant lui, il m’est donc possible de lui faire révéler un peu plus de lui-même à mesure que l’histoire se déroule (…) la caméra essaye de s’approcher de plus en plus près de lui afin de découvrir son regard, et à travers ce regard, ses problèmes personnels, ceux du personnage à ce moment là» (cahiers du cinéma n°s 165-167 mai juin 1965)

D’après la pièce que pour ma part, j’ai lue et relue, il est évident que le spectre de l’homosexualité (pièce écrite par un homosexuel en 1955 ne l’oublions pas) plane au-dessus de tous les personnages, Brick refusant d’avoir des contacts avec sa femme, parce qu’il avait des rapports autre que d’amitié avec son meilleur ami, qui ne supportant pas la présence de Maggie et le rejet plus qu’ambigu de Brick, s’est suicidé. Tout en adorant ce film, cet aspect occulté m’a tout de même fait grincer des dents.

Les critiques américaines et françaises ont reproché cette censure imposée pour eux par les studios. Toutefois, dans le livre sur Richard Brooks, écrit par Patrick Brion, le réalisateur dit lui-même :

– d’une part, que s’il a modifié le troisième acte, c’est pour des raisons idéalistes, tous les films de Brooks ayant pour point commun, que l’homme ne peut abandonner tout espoir, qu’il a le droit à une deuxième chance et qu’il ne doit jamais abandonner (alors que dans la pièce, Brick est un homme désespéré, passif et se laissant couler…)

– d’autre part, «si au cinéma vous voyez un homme à l’écran, qui passe son temps à dire qu’il n’a pas envie de coucher avec Elizabeth Taylor, alors le public commencera à siffler. Ils ne peuvent s’identifier avec le héros parce qu’eux ils ont envie de coucher avec Elizabeth Taylor. Mais si Paul Newman disait, non non, ma chérie, je pense à Skipper… la salle éclaterait de rire. Il a fallu que je trouve une dramatisation du refus que Brick oppose à Maggie, non parce qu’il est incapable de l’aimer, mais parce qu’il la considère comme responsable de la mort de Skipper.»

La chatte sur un toit brûlant est un film, dont même ceux qui le regardent aujourd’hui, découvrent sa dimension psychologique étonnante. L’affrontement principal entre le père et le fils, enfermés dans la cave, reste anthologique et symbolique (après l’explication où tout ce qui était enfoui est enfin dévoilé, les deux hommes remontent à l’air libre, presque purifiés).

Si la communication et l’affrontement sont le thème du film, il ne faut pas oublier “Maggie, la chatte” ainsi qu’elle se définit elle-même, une héroïne magnifique, passionnée, courageuse, n’hésitant pas à trahir, mentir, se battre et s’acharner jusqu’au bout pour reconquérir son mari. C’est un formidable rôle féminin, tous les hommes de la famille succombant peu à peu, admiratifs, devant sa force et sa volonté.

Que dire de la première scène où l’on voit déambuler en petite tenue Elizabeth Taylor, discutant de tout et de rien, de rumeurs sans importance, lâchant des méchancetés contre sa belle-soeur, donnant une image de femme capricieuse, superficielle une vraie langue de vipère, devant un Paul Newman énigmatique, qui la fixe sans dire deux phrases. Nous sentons bien qu’il se passe quelque chose de sous-jacent, en arrière plan… et nous découvrons soudain que les allées et venues de cette femme sont calculées, qu’elle réajuste ses bas, plaque ouvertement et lascivement sa combinaison sur son corps cherchant une réaction de son mari, qui la fuira, perdant son sang-froid à la fin de la scène.

Ce film, malgré les années passées, reste pour ma part, quand je le vois une nouvelle fois, inoubliable.

Fiche Technique

Avec Elizabeth Taylor, Paul Newman, Madeleine Sherwood et Burl Ives

Genre : drame psychologique

Durée : 108 minutes

Année de production : 1958

D’après l’oeuvre de Tennessee Williams

Titre original : Cat on a Hot Tin Roof